Comme la plupart des Chinois de ma génération, j'étais un jeune homme patriote, fier de notre culture nationale, de la richesse et de la gloire de nos quatre mille ans d'histoire. Je me sentais profondément affligé par le déclin de notre pays, entamé un siècle plus tôt. A l'école primaire, j'appris la défaite de la Chine contre l'Angleterre, au cours de la guerre de l'Opium, en 1839, et j'étudiai la succession des invasions françaises, japonnaises et russes qui avaient bafoué la souveraineté de la Chine, laissant le pays affaibli et divisé. J'appris l'existence des concessions étrangères qui s'étendaient dans de nombreuses villes du pays, enclaves subissant une loi étrangère, à l'abri des autorités chinoises. On m'évoqua bientôt le fameux écriteau placé à l'entrée du jardin public, le long du fleuve Huangpu, sur le Bund de Shanghai :" Interdit aux Chinois et aux chiens " ; j'en conçus une profonde indignation. Comme nombre de mes comtemporains, j'attribuais le déclin de la Chine à la présence des forces étrangères en notre pays, forces que, plus tard, nous nommerions "impérialistes".