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Citation de Jean-Daniel


Dans l’administration Trump, ce fut un début de journée comme un autre. Nous étions le mercredi 19 décembre 2018 et la Maison-Blanche traitait un problème de communication. La veille, le département d’État avait décidé de dévoiler un programme d’aide au développement économique en Amérique latine, les experts estimant que cela permettrait de réduire la violence et l’instabilité dans la région. Il y avait juste un os. Le président était sur le point de tout annuler. Il craignait apparemment que ce ne soit trop coûteux et menaçait de liquider l’accord d’un simple tweet. Les architectes de ce programme paniquèrent : le président allait provoquer un incident diplomatique.
Comme c’est souvent le cas, l’événement majeur fut relégué au second plan. Le président n’était pas encore descendu de ses appartements privés pour entrer dans le Bureau ovale. Nous savions tous pourquoi. Pour son flux de tweets, c’était l’heure de pointe, et à 9 h 29, depuis sa résidence officielle, il lâcha un véritable missile : « Nous avons vaincu l’État islamique en Syrie, seule raison d’être de la présidence Trump. » En quelques minutes, la nouvelle que le président avait décidé de retirer nos troupes de Syrie se répandit comme une traînée de poudre. Il tweeta par la suite : « Après notre victoire historique contre Daech, il est temps de ramener nos magnifiques jeunes gens à la maison ! »
Cette annonce se répercuta dans tout Washington. C’était l’inverse de ce qui lui avait été recommandé. Du sommet de la hiérarchie du Pentagone jusqu’aux chefs de la communauté du renseignement, la plupart des conseillers du président l’avaient mis en garde contre tout retrait unilatéral et improvisé de nos quelque deux mille hommes stationnés en Syrie. L’État islamique restait une menace de taille, lui avait-on rappelé, et la sortie de l’Amérique permettrait à la phalange terroriste de se reconstituer et de fomenter d’autres attaques meurtrières. Un retrait trop précoce laisserait aussi le champ libre à un dictateur, Bachar el-Assad, qui n’hésitait pas à employer des armes chimiques contre son propre peuple, à un régime de Téhéran hostile aux États-Unis qui élargirait son influence dans la région, et à la Russie. Qui plus est, cela entraînerait sans doute le massacre des forces kurdes qui nous avaient aidés contre les terroristes. À tous égards, ce retrait nuirait aux intérêts américains.
Le président fut inflexible. Au lieu de réunir ses conseillers de la sécurité nationale pour débattre des diverses options, il venait de les contrer d’un simple tweet.
« Enfin, merde, il y a des gens qui vont mourir à cause de ça », fit remarquer un haut conseiller, très en colère. Nous nous sommes tous évertués à comprendre ce qui s’était passé et quels étaient les projets de Trump. Les alliés des États-Unis étaient sidérés, et alarmés. Le département de la Défense était dans le flou : on ne voyait pas du tout comment répondre aux questions de la presse puisque c’était une décision à laquelle le Pentagone n’avait pratiquement pas pris part. Au sommet de la hiérarchie militaire, on était furieux de l’absence de planification : à cause de cette annonce soudaine, les soldats sur le terrain risquaient de se transformer immédiatement en cibles, potentiellement vulnérables à une attaque lancée par des adversaires opportunistes qui les voyaient battre en retraite. L’armée échafauda en toute hâte un plan d’urgence pour s’assurer que les forces américaines ne seraient exposées à aucun danger.
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