Un grand besoin de coudoyer des foules le prend. Il veut chercher des inspirations au pied des monuments qu’on lui vante, dans les galeries des musées. Paris répond à ses désirs. il se dirige vers Paris. Là, il comprend bientôt qu’avant de devenir un grand peintre il faut subir, quand on est pauvre, de dures privations. Le hasard jette sur son chemin un jeune seigneur languedocien venu, lui aussi, à la conquête de Paris. Vite
lassé d'agenouillements dans les anti chambres, le d'Artagnan manqué regagne sa province, emmenant son ami le peintre à qui il promet bon gîte et du travail. Éphémère fut le bonheur de Nicolas. La mère de son protecteur le fait habiller en domestique. Indigné, le Poussin déchire la livrée et s’enfuit.
Un grand poète, Marino, devait conduire le Poussin à Rome, non pas à pied celte fois, non plus arrachant dans chaque village où il faisait arrêt ou séjour un morceau de pain noir pour un morceau de peinture, illustrant de son hardi pinceau le contrevent du cordonnier qui réparait sa chaussure, donnant des leçons d’histoire aux enfants de l’ouvrier qui lui offrait le gîte, mais en chaise de poste, avec des relais assurés.
En conduisant dans la cité papale le grand peintre ignoré, Marino servait son ambition. Il venait de produire son chef-d’oeuvre Adone; — il déplaçait le Poussin pour illustrer l’oeuvre regardée par les savants comme supérieure à l’oeuvre du Dante.
A Lyon, on l’arrête comme vagabond. Pendant trois jours il reste exposé à la brutalité des agents de la maréchaussée ; mais, profitant du sommeil de ses gardes, il s’enfuit, gagne la frontière, et arrive exténué à Florence, ayant vendu jusqu'à sa cravate pour vivre.
Rome est trop loin ; il s’est trompé de chemin. Rome est donc pour lui, à ce moment où il sent son courage l’abandonner, la Jérusalem dont on parlait aux Croisés, perdus par un guide inexpérimenté dans les sables de l’Asie Mineure. Il n’ira pas à Rome.