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Citation de Dixie39


Lévi-Strauss écrit une page exemplaire par sa densité, par la douleur et la violence rarement égalée qu'elle exprime ; il faut la citer le plus longuement possible, tant elle prend en charge tout ce qui est si difficile de recueillir et de rassembler. Il commence par évoquer la montée en puissance des exterminations, des massacres, des tortures, que nous ne désavouions pas parce qu'ils se perpétraient en notre nom et à notre profit sur des populations lointaines et qui, maintenant, en quelque sorte nous rattrapent, nous menaçant d'une abjecte violence. Puis, avec une solennité rhétorique qui tranche sur son ton habituel, il profère ces mots : "C'est maintenant (...) qu'exposant les tares d'un humanisme décidément incapable de fonder chez l'homme l'exercice de la vertu, la pensée de Rousseau peut nous aider à rejeter l'illusion dont nous sommes, hélas ! en mesure d'observer en nous-mêmes et sur nous-mêmes les funestes effets. Car n'est-ce pas le mythe de la dignité exclusive de la nature humaine qui a fait essuyer à la nature elle-même une première mutilation, dont devaient inévitablement s'ensuivre d'autres mutilations ? On a commencé par couper l'homme de la nature, et par le constituer en règne souverain ; on a cru ainsi effacer son caractère le plus irrécusable, à savoir qu'il est d'abord un être vivant. Et, en restant aveugle à cette propriété commune, on a donné champ libre à tous les abus. Jamais mieux qu'au terme des quatre derniers siècles de son histoire l'homme occidental ne put-il comprendre qu'en s'arrogeant le droit de séparer radicalement l'humanité de l'animalité, en accordant à l'une tout ce qu'il retirait à l'autre, il ouvrait un cycle maudit, et que la même frontière, constamment reculée, servirait à écarter des hommes d'autres hommes, et à revendiquer au profit des minorités toujours plus restreintes le privilège d'un humanisme corrompu aussitôt né pour avoir emprunté à l'amour-propre son principe et sa notion."
p50, le plus autrui des autrui
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