J'ai un sentiment très mitigé vis-à-vis d'André Breton. Comment cet homme, qui a su fédérer pareille bande de zèbres autour de l'idée d'introduire la liberté illimitée dans les arts au risque assumé de la provocation, s'est-il transformé en machine à exclure pire qu'un zélote obtus ?
D'autant que je n'ai jamais été époustouflé par Nadja ; si vous me demandez, l'élève René Crevel a largement dépassé le maître dans Êtes-vous fous ?
Et que j'ai l'impression que le gros de ses écrits consiste en vaticinations (c'est lui qui emploie le mot et se l'applique, dans une des notules de cet ouvrage), ratiocinations théoriques (là, c'est moi qui le dit) et anathèmes vite fatigants.
Mais je lui donnerai encore sa chance : Les champs magnétiques et L'amour fou connaîtront un jour la caresse de mes yeux.
Et nos moutons, hein ? Cette Anthologie de l'humour noir ?
Il y a du très bon, mais aussi du médiocre.
Je passe vite sur ce qu'il faut rendre à Breton, largement détaillé dans d'autres critiques : l'invention du concept d'humour noir, promis à une belle postérité, ainsi que la résurrection d'auteurs oubliés et depuis redevenus célébrés.
Dans le très bon, une introduction lumineuse ; mais suivie dans le médiocre par la répétition de freudisme mal digéré dans la succession de notules. Qui en deviennent parfois lourdaudes.
Très bon aussi : des auteurs inattendus ou peu connus, ou encore peu connus pour cet aspect de leurs écrits. Je pense à Jonathan Swift (dont la solution au problème des enfants indigents d'Irlande est… indigeste), ou à Christian-Dietrich Grabbe. Il y a aussi Charles Fourier (pour des écrits cosmogoniques délirants en marge de son utopie), Sade (ce qui ne me surprend qu'à moitié, j'ai souvent pensé qu'il était peut-être plus ironique que le pathétique obsédé qu'on croit). Et encore des ahuris grandioses comme l'émouvant Jean-Pierre Brisset, visiblement connu de tous ceux qui s'intéressent à la « littérature des fous » (une piste à éventuellement creuser).
On retrouve avec surprise Gide (puis Arthur Cravan qui se paie Gide) et avec plaisir Rimbaud pour Un coeur sous une soutane.
C'est là que le bât commence à blesser : c'est parfois très drôle (parfois moins ou pas du tout, d'ailleurs), mais où est le « noir » ? On a l'impression que Breton s'est fait le plaisir de citer des auteurs en élargissant sa définition pour les intégrer. Mais où sont passés le morbide ou l'ironie déplacée à l'endroit de sujets pathétiques, qui sont dans mon acception consubstantiels à l'humour noir. C'est encore plus fréquent à mesure qu'on arrive à ses contemporains, d'autant qu'on n'est pas dépaysés par les heureux élus cités pourvu qu'on connaisse un peu l'animal.
Au total, un sentiment mitigé concernant cette anthologie (décidément…) peut-être dû à l'erreur de se l'envoyer d'un seul tenant au lieu d'y picorer des petits bouts de plaisir sur une plus longue durée.
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Un livre de poche parmi tant d'autres. Un outil de culture ! Beaucoup de réalisme pour le roi du surréalisme! Question d'époque ! Livre à lire après un désagrément ou une mésaventure pour redonner un petit coup de fouet. (C'est une image). Amicalement. André
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Cette anthologie, je l’ai lu et relu probablement plusieurs fois, par petites touches, car il ne se passe presque pas de vacances sans que j’en lise quelques pages. André Breton commence par une préface intitulée Paratonnerre où il donne sa définition de l’humour noir, terme qui pour nous va presque de soi mais qu’il a en fait inventé à l’occasion de ce livre, en 1939. Pour lui donc, l’humour noir est « borné par trop de choses, telles que la bêtise, l’ironie sceptique, la plaisanterie sans gravité … (l’énumération serait trop longue) mais il est par excellence l’ennemi mortel de la sentimentalité à l’air perpétuellement aux abois – la sentimentalité toujours sur fond bleu – et d’une certaine fantaisie à court terme, qui se donne trop souvent pour de la poésie ... » Il faut croire que l’humour noir fait peur et dérange car la première édition fut saisie par le gouvernement de Vichy ! Les auteurs choisis par Breton sont variés, parfois inattendus, certains ne sont d’ailleurs pas vraiment connus en tant qu’écrivains comme Picabia ou Picasso. Les textes sont plutôt courts mais font quand même assez souvent plusieurs pages, la longueur d’une courte nouvelle ; il s’agit donc de longues citations, extraites d’oeuvres d’une longueur bien plus conséquente, et qui en tant que telles, ne relèvent pas forcément de l’humour noir, loin de là. A découvrir, que l’on n’aime ou non l’oeuvre d’André Breton, car ces textes n’ont pas spécialement de lien ni avec le surréalisme ni avec l’oeuvre de cet auteur.
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Voici un livre que tous les esprits curieux devraient avoir dans leur bibliothèque. A travers ces divers extraits de textes et leur pertinente présentation par André Breton, c'est tout simplement l'ouverture à une conscience différente de la réalité que l'on peut trouver ici. Les auteurs réunis ici, certain fort peu connus, ont pour point commun d'apporter une singulière intensification de la perception et du sens; à mille lieux de l'abrutissement et de la bêtise médiatique que l'on nous déverse chaque jour. Cet "Anthologie de l'humour noir" pourrait donc s'envisager comme un fort appréciable apprentissage à la liberté d'esprit et c'est sans doute bien à cela que pensait Breton en "composant" son livre.
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Souvenir encore vif du livre, de son déballage (précédant de peu un départ en voyage, me le rendant plus précieux encore, à emporter comme un trésor).
Autorité et sympathie mêlées comme à la figure de l'auteur ("animateur" en l'occurrence et la plupart du temps, d'ailleurs)... J'aime André Breton comme on aime un proche, malgré ses rigueurs et ses emportements; je l'aime comme quelqu'un d'irremplaçable
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Une anthologie écrite par André Breton, créateur du concept d'humour noir, où sont rassemblés les meilleurs textes du genre. Ce livre m'a fait découvrir pas mal d'auteurs intéressants, mais m'a aussi permis de redécouvrir sous un nouvel angle des auteurs qui me paraissaient bien fades et chez qui je ne pensais pas trouver cette forme d'humour mordant.
Mention spéciale pour la présentation de Léonora Carrington, avec quelques anecdotes où Breton semblait sidéré par le comportement de l'auteure. Quand même André Breton vous trouve vraiment bizarre, c'est qu'il est temps de se poser quelques questions...
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Il s'agit d'une anthologie de citations prises dans plusieurs œuvres variées et qui sont considérées par l'auteur comme de l'humour noir. Certaines sont drôles ou font sourire, d'autres n'ont pas tellement leur place dans cette anthologie selon moi.
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Un choix judicieux de textes, pas seulement "surréalistes"
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