La pensée même est plus remarquable et d'une originalité plus puissante encore que l'exécution. Jusque-là, selon la donnée traditionnelle, la Vierge et Jésus étaient représentés dans les rap ports ordinaires d'un fils à une mère; le fils plus jeune que la mère. Michel-Ange, au contraire, en laissant Jésus dans la pleine maturité d'âge de l'histoire évangélique, fait de la Vierge une toute jeune femme. « Les femmes chastes, a-t-il dit, conservent bien plus longtemps leur jeunesse que celles qui ne le sont pas. Combien plus une Vierge en qui n'est jamais tombé le moindre désir impur propre à flétrir son corps ? De plus il faut croire que cette fleur et fraîcheur de jeunesse, outre qu'elle est préservée en elle par la nature, l'est encore par un secours divin afin de prouver au monde la virginité et la pureté perpétuelle de la mère de
Dieu. Au contraire, voulant démontrer que le fils de Dieu a pris un corps d'homme, il faut le représenter sous l'aspect véritable de son âge, selon l'ordre commun, et ne pas faire primer le côté humain par le divin.
Michel-Ange, en pleine ardeur de composition, travaillait de l'aube au couchant, aussi sobre, et non moins endurant qu'en ses années de jeunesse. Le Pape suivait les progrès de l'oeuvre avec intérêt presque jour par jour, il se reposait par cette diversion artistique des soucis de la diplomatie, des épines de la théologie et aussi des ambitions familiales.
Savonarole introduisit une imitation du gouvernement aristocratique de Venise. Il enleva la souveraineté au peuple et la réduisit à un grand conseil, comprenant au plus deux mille et quelques cents membres sur une population de un million (y compris le territoire). Il remit le gouvernement à l'oligarchie bourgeoise, cupide, égoïste, bornée, sectaire, connue sous le nom de Piagnoni (pleureurs ou pénitents) qui conduisit la république à sa ruine. Pour mater le peuple, qui tenait à ses assemblées a parlamento, la peine de mort fut prononcée contre quiconque proposerait de les ressusciter, et une forte récompense fut promise au dénonciateur (13 août 1495). La plupart des historiens qualifient de réforme démocratique cette abolition du régime démocratique.
Michel-Ange était parti de Florence donnant des espérances, il y revint illustre. Il augmenta aussitôt sa réputation par le gigantesque David, qu'à la demande des consuls de la laine et des architectes de Santa Maria del Fiore, il tira d'un bloc informe de marbre abandonné par Simone da Fiesole. Ce David fut transporté en quatre jours de l'atelier où il avait été achevé sur la place de la Seigneurie (8 septembre 1504) où je l'ai vu encore, avant qu'il fût remisé à l'Académie des beaux-arts, à l'abri des intempéries. La beauté des formes, aussi bien que la finesse du dessin et l'harmonie et la justesse des rapports, donnent à ce colosse un aspect d'agréable majesté.
Pendant plusieurs siècles on n'a connu que le Michel-Ange à moitié faux de Condivi, de Vasari et du fils de Leonard Buonarroto. Les papiers de la famille Buonarroti, accessibles en leur totalité seulement depuis la mort du dernier d'entre eux, nous en ont révélé un bien différent de celui qu'avait fabriqué une fausse admiration. Ce Michel-Ange inédit, le seul réel, n'est point encore assez connu en France. C'est pourquoi je m'en hardis à parler après tant d'autres de ce grand homme qui, indépendamment de son génie, est un des exemplaires les plus accomplis de la nature humaine.
Âme forte et élevée, mais impétueuse et mobile, Jules II voulait, lui aussi, à l'instar des souverains de la Renaissance, se donner la gloire des arts, sans trop savoir de quelle manière. Il envoya à Michel-Ange un messager chargé de le conduire à Rome (fin de 1505). En ce temps-là,pour un artiste, le désir d'un Pape était un ordre. Michel-Ange arriva. Après avoir étudié divers projets, Jules II s'arrêta à lui commander une sépulture qui dépasserait en magnificence ce qu'on connaissait de plus beau dans ce genre.
La facture matérielle n'a pas été la préoccupation exclusive des peintres et des sculpteurs inspirés. Sans doute, ils ont recherché avant tout le don de disposer des formes et de les faire mouvoir avec souplesse et puissance, ce qui est le moyen nécessaire de l'art; ils n'ont pas aspiré, se travestissant en philosophes et littérateurs subalternes, à devenir des chercheurs d'idées, ce qui les eût détournés de l'objet principal de l'art, l'expression désintéressée du beau.
A toutes les époques il est un centre qui, semblable à l'Océan, attire à lui tous les courants, les petits ruisseaux comme les grands fleuves. Rome était alors ce centre. Quiconque se sentait une grande ambition artistique ou quiconque avait acquis une gloire locale se rendait dans la ville oecuménique pour développer son talent ou faire consacrer sa renommée. On allait alors à Rome, comme aujourd'hui on vient à Paris.
A toutes les époques il est un centre qui, semblable à l'Océan, attire à lui tous les courants, les petits ruisseaux comme les grands fleuves. Rome était alors ce centre. Quiconque se sentait une grande ambition artistique ou quiconque avait acquis une gloire locale se rendait dans la ville œcuménique pour développer son talent ou faire consacrer sa renommée. On allait alors à Rome, comme aujourd'hui on vient à Paris.
Nous avons, dans cette assemblée, une situation difficile qui nous donne à la fois une force et une faiblesse une faiblesse, car nos paroles sont aisément accueillies avec défiance; une force, parce que, dans notre isolement, ne pouvant avoir la prétention d'influer sur les votes, nous ne saurions être suspectés de manquer de franchise quand nous exposons des principes ou que nous faisons des professions de foi.