Mais Krupp ne fut pas le seul à louer de tels services. Ses comparses de la réunion du 20 février en profitèrent eux aussi ; derrière les passions criminelles et les gesticulations politiques leurs intérêts trouvaient leur compte. La guerre avait été rentable. Bayer afferma de la main-d’œuvre à Mauthausen. BMW embauchait à Dachau, à Papenburg, à Sachsenhausen, à Natzweiler-Struthof et à Buchenwald. Daimler à Schirmeck. IG Farben recrutait à Dora-Mittelbau, à Gross-Rosen, à Sachsenhausen, à Buchenwald, à Ravensbrück, à Dachau, à Mauthausen, et exploitait une usine gigantesque dans le camp d’Auschwitz : l’IG Auschwitz, qui en toute impudence figure sous ce nom dans l’organigramme de la firme. Agfa recrutait à Dachau. Shell à Neuengamme. Schneider à Buchenwald. Telefunken à Gross-Rosen et Siemens à Buchenwald, à Flossenbürg, à Neuengamme, à Ravensbrück, à Sachsenhausen, à Gross-Rosen et à Auschwitz. Tout le monde s’était jeté sur une main-d’œuvre si bon marché. Ce n’est donc pas Gustav qui hallucine ce soir-là, au milieu de son repas de famille, c’est Bertha et son fils qui ne veulent rien voir. Car ils sont bien là, dans l’ombre, tous ces morts. (P. 145)