Dégel printanier. C'est beau -- un vieillard noir pousse sa brouette, gravé sur fond de champs hivernaux. Les montagnes respirent des gris, noirs, blancs en brouillards de sumi-e (tableaux à l'encre). En rentrant des onsen (source chaude), dans la semi-obscurité, j'avais envie de ne jamais m'arrêter...
"Ce matin, j'étais agitée par la question de savoir combien de temps je devais rester, si je devrais plutôt aller ailleurs, et si je deviendrais très vieille avant de retourner dans mon monde à moi. Le soir, c'était la méditation et l'office. Je me sentais extrêmement bien. Par la suite, nous avons fait la fête, avec du saké. Je regardais ces hommes qui riaient, s'amusaient, savaient. Comme les vieux dans les bistrots de chez nous, ils boivent dans des ronds de fumée grise. Des hommes simples, qui s'agenouillent pendant de longues heures sur un coussin, qui mènent des vies spartiates - mais nullement des ermites himalayens. Ils boivent et s'amusent. Ce serait vraiment une chose merveilleuse que de vieillir comme eux".
Je regardais tous les gens dans le train : ils semblaient sans vie... Les regards étaient vides ou alors glissaient les uns à travers les autres, créant une distance dans la foule, par évitement du contact visuel. Moi, j'essaie d'attraper les yeux fixes des gens, je peux alors casser le jeu avec un sourire. Cela ne sert à rien. Ils ne permettront pas à nos yeux de se rencontrer, ou d'assumer l'évidence, qui est que nous sommes là, les uns et les autres, à passer trois heures dans le métro. La seule qui a bien voulu communiquer avec moi était une jeune fille handicapée mentale, en sortie de groupe pour le week-end. Et c'est elle que l'on considère comme étant en dehors de la réalité !
Les vagues sur l'océan sont séparées, tout en étant l'eau. Quand la vague reflue, elle ne disparaît pas, elle cesse d'exister tout en étant. Ce n'est plus la vague mais l'océan, qu'elle était de toute façon. N'est-ce pas cela la mort ?
Je me rends compte maintenant comme c'est facile de se faire avoir dans les choses spirituelles. Les gens veulent croire que certaines personnes ont atteint de grandes profondeurs, et se sentir associés à l'extraordinaire.