On se rappelle que pendant longtemps la peinture, ayant abandonné les riantes et hautes régions de la poésie et de l'histoire, se vit contrainte, comme par enrôlement forcé, de promener ses pinceaux à la suite des armées, de se traîner sur tous les champs de bataille, de parcourir les bivouacs et les camps, de suivre enfin la victoire depuis les cataractes du Nil jusqu'aux embouchures de l'Oder, et l'on se souvient que l'aspect de nos expositions de tableaux ne ressemblait pas mal alors à celui d'un camp ou d'une revue générale de toutes les armes. Alors aussi quelques écrivains avaient la complaisance d'avancer qu'enfin la France avait trouvé sa peinture : comme s'il y avait une peinture qui pût, ainsi que la nature, ne pas être de tous les temps.
Mais, pour que se réalisât cet accord des sentiments dans le désaccord des formules, il fallait qu'il se rencontrât un artiste qui, ayant reçu quelque chose de l'éducation classique, en eût été ensuite à demi libéré parles circonstances, un artiste de génie, ou au moins d'instinct, qui, emporté par la force de son tempérament, atteignit à l'idéal à force de se pénétrer du réel. Gros allait exprimer dans quelques-unes de ses œuvres cet art d'une inspiration si puissante et si originale.
J'avais ainsi à examiner les doctrines esthétiques de l'époque dans l'architecture, la peinture, la sculpture, à en dégager le sens et la portée, à observer comment elles avaient été modifiées par les institutions politiques, la condition des artistes, les moeurs, les idées, les croyances de la société, en un mot, à replacer l'art dans l'histoire.
L'art est une des formes de la civilisation, il appartient donc à l'histoire ; mais dès qu'on veut déterminer quelle place il y doit tenir, s'il peut s'isoler d'elle ou jusqu'à quel point il en dépend, on se trouve en présence de théories contradictoires et de problèmes plus d'une fois agités.
La Renaissance italienne a été tellement éclatante, elle s'est tellement emparée des esprits que tout ce qui était en dehors d'elle a été relégué dans l'obscurité. Il s'en est suivi que pendant longtemps l'Italie seule a été étudiée; les autres pays ont été jugés à peine dignes d'attention.
Il faut toujours en revenir à l'observation faite par le marquis de Laborde; tout ce qui touche aux temps qui précèdent la Renaissance a tellement disparu par l'effet des destructions volontaires ou involontaires, qu'un certain effort d'esprit est nécessaire pour reconstruire ce passé.