On se rappelle que pendant longtemps la peinture, ayant abandonné les riantes et hautes régions de la poésie et de l'histoire, se vit contrainte, comme par enrôlement forcé, de promener ses pinceaux à la suite des armées, de se traîner sur tous les champs de bataille, de parcourir les bivouacs et les camps, de suivre enfin la victoire depuis les cataractes du Nil jusqu'aux embouchures de l'Oder, et l'on se souvient que l'aspect de nos expositions de tableaux ne ressemblait pas mal alors à celui d'un camp ou d'une revue générale de toutes les armes. Alors aussi quelques écrivains avaient la complaisance d'avancer qu'enfin la France avait trouvé sa peinture : comme s'il y avait une peinture qui pût, ainsi que la nature, ne pas être de tous les temps.
Mais, pour que se réalisât cet accord des sentiments dans le désaccord des formules, il fallait qu'il se rencontrât un artiste qui, ayant reçu quelque chose de l'éducation classique, en eût été ensuite à demi libéré parles circonstances, un artiste de génie, ou au moins d'instinct, qui, emporté par la force de son tempérament, atteignit à l'idéal à force de se pénétrer du réel. Gros allait exprimer dans quelques-unes de ses œuvres cet art d'une inspiration si puissante et si originale.