Reportage télévisé sur Noël Vandernotte, le plus jeune médaillé Olympique (12 ans à Berlin en 1936) à l'occasion de la sortie de la biographie "Le destin extraordinaire de Noêl Vandernotte" par Henri Charpentier
Parmi les fragments conservés du poète grec Archiloque l'on trouve ceci : " Le renard connait beaucoup de choses, mais le hérisson en connait une seule grande." La formule peut servir à différencier, selon Isaiah Berlin, deux sortes de personnes...: ceux qui possèdent une vision centrale, systématisée de la vie, un principe ordonnateur en fonction duquel s'organisent et prennent sens les événements historiques et les menus faits individuels, la personne et la société; et ceux qui ont une vision dispersée et multiple de la réalité et des hommes, qui n'intègrent pas ce qui existe dans une explication ou un ordre cohérent, qui perçoivent le monde comme une diversité complexe... Dante, Platon, Hegel, Dostoïevsky, Nietzsche, Proust furent, d'après Isaiah Berlin, des hérissons. Et Shakespeare, Aristote, Montaigne, Molière, Goethe, Balzac, Joyce : des renards.
(p.39)
Voici, alors, la grande illusion que Tolstoï se donne pour tâche d'anéantir : l'illusion que les individus peuvent, par le recours à leurs propres ressources, comprendre et contrôler le cours des événements. Ceux qui croient pouvoir y réussir font une funeste erreur. Et à côté de ces figures publiques - ces hommes creux, en partie victimes d'une illusion, en partie conscients de leur mauvaise foi, qui parlent, qui écrivent, désespérément et sans objet, afin de sauvegarder les apparences et éviter de voir l'âpre vérité - à côté de ce mécanisme compliqué, déstiné à dissimuler le spectacle de l'impuissance, de l'inconséquence et de l'aveuglement des hommes, s'étend le monde réel, le courant vital que tout homme comprend, les détails communs de la vie quotidienne.Quand Tolstoï compare cette vie réelle, cette expérience individuelle authentique, "vivante", de tous les jours, à la vue "panoramique" forgée par les historiens, il sait que l'une est vraie et l'autre n'est qu'une construction cohérente, quelquefois élégamment concue, mais toujours fictive.
(pp.75-76)
" Une des caractéristiques d'un grand homme est, que par son intervention, ce qui était hautement improbable devient réalité. "
Par tempérament, TolstoÏ n'était pas visionnaire. Il voyait dans leur entière multiplicité, la masse d'objets et de situations sur la terre; avec une clarté sans égale il en saisissait l'essence individuelle, et surtout reconnaissait ce qui les divisait. Toute doctrine réconfortante cherchant à réunir, à relier, à synthétiser, à déceler des substrats cachés et des connexions internes qui, tout en n'étant pas apparentes à l'oeil nu, garantissent cependant l'unité de toutes choses (...) toutes ces doctrines Tolstoï les rejetait avec dédain et sans difficulté. (...)Néanmoins, il aspirait à trouver un principe d'explication universelle, c.à.d. à percevoir les ressemblances, les origines communes, le but unique ou l'unité dans la diversité apparente du bric-à-brac désordonné qui meuble le monde.
(pp.98-99)
Si opposés que furent Maistre et Tolstoï - l'un apôtre de l'évangile qui prêche la fraternité entre les hommes, l'autre le froid défenseur des droits de la violence, du sacrifice aveugle, et de la souffrance éternelle - ils étaient unis par l'impossibilité d'échapper au même tragique paradoxe : ils étaient tous les deux, de par leur nature, des renards au regard perçant, inévitablement conscients des différences absolues, de facto, qui divisent le monde des humains, et des forces qui le bouleversent; c'étaient des observateurs qui ne pouvaient aucunement être abusés par tous ces articles subtils - les systèmes unificateurs, les croyances et les sciences, qui servaient aux êtres superficiels ou désesperés à se dissimuler le chaos et à le dissimuler aux autres.
(...)
Alors, réduits finalement au désespoir, ils offrirent de jeter bas les armes terribles de la critique dans laquelle ils excellaient tous les deux, particulièrement Tolstoï, en faveur de la grande vision unique, si simple, indivisible et éloignée de tous les procédés intellectuels habituels, qu'elle est inattaquable par les instruments de la raison,et peut-être capable dès lors d'ouvrir une voie vers la paix et le salut.
(...)
TolstoÏ mourut dans les tourments, oppressé par le fardeau de son infaillibilité intellectuelle et de sa perpétuelle erreur morale : le plus illustre de ceux qui n'arrivent ni à réconcilier, ni à laisser irréconcilié le conflit entre ce qui est et ce qui devrait être.
(...)
A la fois follement orgeuilleux et rempli de haine de soi, omniscient et doutant de tout , froid et violemment passionné, méprisant, se dénigrant lui-même , tourmenté et détaché, entouré d'une famille qui l'adorait, de disciples dévoués, de l'admiration du monde civilisé tout entier, et pourtant presque entièrement isolé, il est le plus tragique de tous les grands auteurs,un vieillard désesperé, au-delà de tout secours humain, errant, aveuglé par lui-même, à Colone.
(pp.163-165)
Les philosophes sont des adultes qui persistent à poser des questions enfantines. ("childish questions")
Isaiah Berlin, en 1978 ("The Listener").
Le comte savoyard ( de Maistre) et le comte russe (Tolstoï) réagissent tous les deux, et violemment, contre l'optimisme libéral confiant en la bonté humaine, la raison humaine, et la valeur, ou le caractère inévitable du progrès matériel: tous deux condamnent totalement la notion que des moyens scientifiques et rationnels peuvent rendre l'humanité éternellement heureuse et vertueuse.
(pp.128-129)
Mais la clef (de l'histoire) nous echappe. Car nous sommes incapables, a la difference de ce qué'on fait en astronomie ou en geologie, de reconstruire une trajectoire ou une histoire a partir de quelques donnees initiales.
(P. 27)
Pour Berlin, la philosophie, la litterature, le theatre, les arts sont les educateurs irremplacables du sentiment er du jugement . Realisme mis a part, c'est le charme de is vie qui est en jeu...
(p.14)
" Les juifs ont eu trop d'histoire et pas assez de géographie. "