La seule subjectivité, c'est le temps, le temps non-chronologique saisi dans sa fondation, et c'est nous qui sommes intérieurs au temps, et pas l'inverse.
Jamais l'aliénation ne consiste pour Deleuze à ce que le sujet soit dépossédé de lui-même, mais à ce qu'il soit dépossédé du monde. Le sujet aliéné est un sujet sans monde, privé de monde. C'est un sujet qui n'est pas relié au tout, forcé de penser le tout, qui retombe dans le marais de ses affects, dans sa subjectivité, son monde intérieur.
L'image cinématographique doit avoir un effet de choc sur la pensée, et forcer la pensée à se penser elle-même comme à penser le tout. C'est la définition même du sublime.
On reconnaîtra facilement dans ce troisième moment le thème fondamental de l'esthétique de Deleuze : l'identité de la nature et de l'homme. L'aliénation, c'est le sujet séparé du monde, la non aliénation c'est le devenir-monde du sujet, le sujet qui a son monde non sur le mode subjectif mais sur le mode d'un monde objectif.
Le fait moderne, c'est que nous ne croyons plus au monde. Nous ne croyons même pas aux événements qui nous arrivent, l'amour, la mort comme s'ils ne nous concernaient qu'à moitié. Ce n'est pas nous qui faisons du cinéma, c'est le monde qui apparaît comme un mauvais film.
A nouveau, il apparaît que le grand thème des livres sur le cinéma n' est pas l'histoire du cinéma, mais l'interférence des pratiques cinématographiques et philosophiques (voire littéraires) dont la philosophie "fait la théorie comme pratique conceptuelle".
Si le cinéma est un art, c'est en tant qu'il nous fait voir la réalité profonde du temps, qu'il nous place dans un temps qui n'est plus notre temps psychologique mais le temps comme cinquième dimension de l'univers, dimension spirituelle et ontologique.
Rien ne détermine le choix. Si bien que le choix véritable est de choisir le choix, de choisir de choisir sans se laisser entraîner à se dire : "Je n'avais pas le choix". [...] choisir de choisir, c'est cela le vrai choix, c'est cela exister.
La pensée-action pose à la fois l'unité de la Nature et de l'homme, de l'individu et de la masse : le cinéma n'a pas pour sujet l'individu, ni pour objet une intrigue ou une histoire ; il a pour objet la Nature, et pour sujet les masses.
Le naturalisme n'a rien à voir avec un psychologisme, ce n'est pas un réalisme non plus, mais un surréalisme qui met à jour le fond noir, morcelé, violent, obsédant du monde pulsionnel qui gronde au fond de chaque milieu de vie.