Vivre avec Poutine, de Claude Blanchemaison
[Poutine] Ses parents, qui ont survécu aux neuf cents jours du siège de Leningrad que l’armée nazie a imposé à ses habitants, lui ont raconté les bombardements, la famine et la mort. Une ville défigurée dans laquelle il faut se résoudre à vivre, à construire l’avenir, à rejoindre l’Histoire. C’est là qu’il apprend à lire, à écrire, à se battre aux coins des rues. Il vit dans la promiscuité d’un appartement communautaire. La ville lui fournit ses premières armes. Il y apprend le judo, l’allemand et le marxisme-léninisme.
Vladimir Poutine n’est pas un nostalgique du régime soviétique, qui a échoué, mais il est nostalgique de l’Empire, dont une partie du territoire et de l´influence a été perdue.
Son idéologie, s’il en a une, relève du syncrétisme. Il est avant tout un hyper-pragmatique.Il connaît Le Prince de Machiavel et résonne en termes de rapports de force. Il a une évidente capacité à saisir les opportunités. Pour lui, la fin justifie les moyens. Il se croit investi d’une mission : rétablir le statut de la Russie en tant que grande puissance et en réécrire l’Histoire.
L’économie russe apparaît bien comme une économie de marché, ouverte sur l’extérieur. Elle en a les attributs et s’inscrit dans les réseaux requis pour le démontrer, mais les manquements à l’Etat de droit donnent plus d’importance aux rapports de force qu’aux règles objectives.
Poutine reste persuadé que les particularités de la Russie imposent un pouvoir centralisé, notamment pour des raisons d'ordre public. Il met à mal les libertés publiques, instrumentalise les partis politiques et marginalise l'opinion. Il a rétabli " la verticale du pouvoir " et l'a même progressivement aggravée en confiant à des proches la responsabilité de pans entiers de l'économie. Le fonctionnement de l'économie de marché est ainsi faussé par le jeu de ces réseaux.
Poutine, qui a offert l’asile politique à Edward Snowden en 2013, qualifie internet de vieux projet de la CIA. Trois ans plus tard, la Russie met au point une « doctrine de sécurité informationnelle pour contrôler l’espace intérieur et agir par la propagande à l’extérieur.
Le segment russophone « Runet » permet d’échapper à la « toile » contrôlée par les Américains. [...]
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