La prière unit deux pôles : l’un faible, fragile et minuscule, mon âme ; l’autre immense et tout-puissant : Dieu !
C’est cela qui est grand et surprenant : que lui, l’immense, ait voulu parler avec moi si petit ; lui, le Créateur, avec moi, créature.
Ce n’est pas moi qui ai voulu la prière. C’est lui qui l’a voulue pour moi.
Ce n’est pas moi qui l’ai cherché, c’est lui qui est venu à moi.
Et je l’aurais cherché en vain s’il n’était venu à moi le premier.
L’espérance sur laquelle repose ma prière vient de ce que Dieu désire ma prière.
Et si je me rends à son appel, c’est parce qu’il est déjà là à m’attendre.
Rappelez-vous que tout au monde est problème, sauf une chose: la charité, l'amour. L'amour seul n'est pas un problème pour celui qui le vit.
Et ce qui me transforme, c'est la charité que Dieu a mise en mon être.
L'amour me transforme lentement en Dieu.
Et le péché n'est pas autre chose que résister à cette transformation, savoir et pouvoir dire "non" à l'amour.
Vivre dans notre égoïsme signifie nous arrêter à notre état d'homme et en empêcher la transformation en charité divine.
La grande richesse du noviciat saharien réside sans aucun doute dans la solitude et la joie de la solitude: le silence. Un silence, un vrai silence, qui pénètre partout, qui envahit tout l'être, qui parle à l'âme avec une force merveilleuse et neuve, une force que l'homme distrait ignore.
Écoute ce qui m'est arrivé.
Quand je suis parti pour le désert, (...) j'avais tout laissé... sauf les idées que j'avais sur Dieu, bien soigneusement résumées dans un gros livre de théologie que j'avais emporté avec moi, là-bas.
Là, sur le sable, je continuais de lire et relire comme si Dieu était contenu dans une idée, comme si avec de belles idées sur Lui je pouvais communiquer avec Lui.
Mon maître des novices me disait sans cesse : "Frère Carlo, laisse donc ces livres. Sois pauvre et nu devant l'Eucharistie. Dépouille-toi ! Désintellectualise-toi ! Cherche à aimer, contemple..." (...)
Pour me faire comprendre, pour m'aider au dépouillement, il m'envoya travailler.
Mamma mia !
Travailler dans l'oasis, sous une chaleur infernale, ce n'est pas facile !
J'étais à bout. Quand je rentrais à la Fraternité, je n'en pouvais plus.
Je me jetais sur la natte de la chapelle devant le Saint-Sacrement le dos brisé, la tête en feu. Les idées se volatilisaient comme des oiseaux s'échappent de la cage ouverte.
Je ne savais plus comment commencer à prier. Sec, vide, épuisé ! (...)
Les larmes coulaient sur la gandoura qui enveloppait ma fatigue de pauvre.
C'est là, dans cet état d'authentique pauvreté, que je dus faire la découverte la plus importante de ma vie de prière.
Voulez-vous la connaître ?
La prière passe par le coeur, et non par la tête.
Je sentis comme une veine qui s'ouvrait dans mon coeur.
Pour la première fois "j'expérimentai" une dimension nouvelle de l'union à Dieu.
Quelle aventure extraordinaire !
Jamais je n'oublierai cet instant.
J'étais comme une olive passée au pressoir.
Au-delà de l'écrasement, une douceur indicible m'inondait.
La paix était totale. La douleur acceptée par amour était comme une porte qui m'avait fait passer au-delà des choses.
J'ai deviné la stabilité de Dieu. Depuis lors, j'ai toujours pensé que telle était la prière contemplative. (...)
A quoi bon avoir renoncé à tout, être venu ici dans le sable et la chaleur, si l'on résiste à l'amour ?