Hadewijch dANVERS Une Vie, une uvre : vers 1210-1260 (France Culture, 1986)
Émission "Une Vie, une uvre", par Claude Mettra, diffusée le 11 septembre 1986 sur France Culture. Invité : Charles Juliet.
Amour d'abord se plaît à nous combler :
lorsqu'au premier jour il m'entretint de lui-même,
Ah ! toute à lui, que j'ai ri de tout le reste !
mais il me fit alors pareille au noisetier,
qui tôt fleurit dans les mois sombres
et longtemps laisse attendre ses fruits désirés.
La plus haute clarté que l'on puisse avoir sur la terre, c'est d'être vrai.
Que tout m'est étroit.
Je me sens si vaste,
c'est une réalité incréée
que j'ai voulu saisir à jamais.
Elle m'a soustraite
à mes limites.
Toute chose m'est trop petite,
vous le savez, vous qui vivez là.
Votre erreur est grave
si vous préférez
l'étroit à l'immense.
Dans l'espace infini
l'espérance et la joie sont telles
que l'angoisse vous quitte.
Après tempêtes, le beau temps revient,
plus d'un jour on en fait l'épreuve ;
colère d'un soir, paix le lendemain :
c'est ainsi que s'affermit l'amour.
C'est ici que victoire m'attend :
je veux gagner, que Dieu me donne
ce qui sied au seul Amour :
si tel est son bon plaisir,
le désastre est mon honneur"
– Ay, vale, vale millies –
Vous tous qui pour aimer l'Amour
– si dixero, non satis est –
d'un cœur patient, tentez l'aventure !
Combien douce est l'habitation de l'aimé dans l'aimé, et comme ils se pénètrent de telle sorte que chacun ne sait plus se distinguer. Cette jouissance est commune et réciproque, bouche à bouche, cœur à cœur, corps à corps, âme à âme.
Il est plus de chagrins, sachez-le, en amour
que de feux dans le ciel étoilé.
Après les tempêtes
revient le beau temps,
on le vérifie chaque jour.
Un soir la colère, la paix le lendemain :
c'est ainsi que s'affermit l'Amour.
Celui qu'il modèle en ce creuset,
les peines endurées le rendent hardi.
Qu'enfin il le défie : je suis tout à Vous.
Je n'ai rien d'autre, Amour, dont je puisse vivre.
Soyez à moi tout entier.
J'appelle, je me lamente :
à Vous le jour,
à moi la nuit et l'ire d'amour.
Hélas ! Je fus très tôt conquise
par l'amour
et me fiais à son pouvoir :
c'est pourquoi me condamnent
les amis et les étrangers, jeunes et vieux,
que je sers avec application,
appelant sur eux les faveurs de l'amour.
Amis, n'hésitez pas à prendre ma défense
puisque le sort m'est injuste.