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ETERNA CADENCIA [corriger]


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Beya

Un premier ouvrage de Gabriela Cabezón Cámara. Elle a publié une bande dessinée « Beya, le viste la cara a Dios » (Beya, t’as vu le visage de Dieu), illustrée par Iñaki Echeverría (2013). Histoire d’environ 150 pages, qui raconte à la seconde personne, l’histoire d’une fille piégée dans un réseau de traite. Beya en fait c’est une dame noble. Des journées de 15 heures à être battue, violée, droguée. Elle se fantasme une grossesse avec un cordon ombilical fait de barbelés. Elle s’observe en parvenant à sortir de son corps. Et ainsi à voir le visage de Dieu et parvenir à se racheter. Entre temps, une mention implicite à « La Belle au Bois Dormant ». Elle finira par aller dans un autre pays avec un faux passeport pour recommencer une autre vie.
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Romance de la Negra Rubia

« Romance de la Négresse Blonde » est le dernier épisode de la trilogie écrite par Gabriela Cabezón Cámara, après « Pleines de grâce » (2020, Editions de l’Ogre, 208 p.) et « Les Aventures de China Iron » (2021, Editions de l’Ogre, 256 p.), tous traduits par Guillaume Contré.

C’est une nouvelle d’environ 70 pages divisée en trois parties et deux annexes (Epilogue et Coda)

Tout commence par la violence, comme c’est souvent le cas pour les populations pauvres argentines. Menaces policières, expulsion sous l’œil des caméras de télévision, parce qu’il faut médiatiser la chose pour la justifier. Depuis « le jour de l'épidémie » ou « le sacrifice fondateur », comme ils l’ont dénommé, les expulsés combattent comme dans un camp retranché pour garder le mode de vie qu'ils y menaient. Sans référence géographique précise, mais la scène pourrait se dérouler dans n’importe quelle ville argentine. « Pour ordonner l'expulsion, une dizaine de policiers avec quelques types de costumes et de papiers judiciaires en main, le genre qui sont destinés, et sont parfois, plus éloquents que les armes car on sait que de ceux qu'ils ont tant, derrière les mots, qui n'en finissent pas, et puis quand ils te disent. « Fais tes affaires et sors. De cette façon, rien ne leur arrivera et nous leur donnerons d'autres maisons. Mais s'ils ne sortent pas, on les sort et ils vont vivre dans un fossé », on a compris que le « nous » n'était pas tant à cause d'eux qu'à cause de la centaine de cheveux gris qui se sont formés derrière eux dans un demi-cercle dans lequel les voisins se reflétaient avec le dos des juges sur les surfaces déformées des boucliers acryliques ». La bataille commence et les décombres, bouteilles, chaises et assiettes font face à des balles de plomb et de caoutchouc. Au milieu de ce tumulte, Gabi, une poète, Gabi. « À l'intérieur, il y avait du kérosène, ils avaient coupé le gaz quelques jours avant l'expulsion, et j'ai attrapé le bidon, me suis aspergé de liquide et pris le zippo comme s'il s'agissait d'une puissante arme ». Et Gabi s'enflamme. Elle est très sévèrement brûlée.

« Quand j'étais dans un coma pharmacologique depuis quelques minutes, avec un diagnostic de mort subite, et des heures d'agonie clinique, les miens ont eu l'indice ou le signal, et je dis les miens parce qu'ils m'ont fait le signal avec des indices précis en quelques secondes, ce qui a été copié de la télévision jusqu'aux portes de la Commune. Ils ont traversé le feu, bonze, torche humaine, ils ont titré chaud, gonflé de plaisir, presque roussis eux aussi, mais ils pouvaient à peine filmer l'ambulance qui partait au milieu du chaos et décrire l'odeur de barbecue rare qui restait : « comme n'importe quel barbecue, mais en plus doux », a expliqué l'un ».

Elle devient, après des mois de coma pharmacologique à l'hôpital del Quemado et des mois et des mois de douleur, l'héroïne de la Commune, la défenseuse des plus démunis. « Pour construire le pouvoir, il faut avoir du capital : ce ne peut être que de l'ambition, il suffit de démarrer, mais j'avais beaucoup plus. J'avais les cicatrices, j'avais la fureur folle qui m'avait amené au feu et le ressentiment du sacrifice ». Gabi devient alors la bonze noire. Elle est alors auréolée « d'un petit auréole de sainte que j'ai gagné quelques semaines après être entré à l'hôpital où j'ai passé une année entière ».

A partir de là, sa « résurrection » lui apportera des avantages infinis pour toute sa communauté : terres, propriétés, rêver d'un toit ... mais rien n'est gratuit : la télévision, les médias, la politique l'utiliseront comme une bannière. Martyr de la justice. C'est ainsi qu’elle rencontrera Elena, son amour. Avant sa mort, Elena lui promet qu'elle lui donnera son visage et c'est ainsi que Gabi reçoit la greffe après la mort de cette Allemande blanche à la peau de porcelaine. On a donc une trilogie entre « l’éclosion », « la bonze » et « la greffe ». Cette opération chirurgicale transforme la poète Noire en un hybride « La Négresse Blonde » après avoir été une bonze. Le masque ou le miroir, nouvelle forme de la monstruosité. « Le nouveau visage allumé, une année gonflée de larmes et de chirurgie, un an sans sourires et sans grimaces : mon masque était comme mort. Un an à me regarder dans le miroir émerveillé d'être et de ne pas être elle, perplexe devant la certitude d'être moi ».

On retrouve donc des affinités avec « La Virgin Cabeza » traduit en « Pleine de Grâce », le premier volume de la trilogie. En principe, tout tourne autour de l’identité et de l’altérité, le tout dans un contexte de montruosité. Assez bizarrement on retrouve trace de « La Belle au Bois Dormant » que l’on a déjà rencontrée dans « Pleines de Grâce ». « Moi qui étais l'Ombre Noire, maintenant je suis la Blonde Noire »

« Que le roi doive mourir pour que le roi reste en vie et tant de choses doivent être enterrées mortes car sans humus il n'y a pas d'amour pour la terre ou le propriétaire, pas de germes de soja, pas de monnaie du Trésor, pas de blé ou de cucumelos, pas de côtes ou de steaks, pas d'ombres solitaires qui font de nous nos oasis telluriques dans la pampa ».



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Le désert et sa semence

Ce roman tire paradoxalement sa puissance de ses profondes maladresses, intentionnelles ou non, liées à une dimension autobiographique affichée sans fard autant que refusée. Ce terrible récit prend comme point de départ le vitriolage avéré de la mère de l'auteur, Clotilde Sabatini, farouche opposante péroniste, par son mari Raul Baron Biza, héritier d'une vieille famille de Cordoba, misanthrope alcoolique et pornographe, opposant aux dictatures, qui se suicide le lendemain de son acte. L'impossibilité d'une langue littéraire affichée par Jorge Baron Biza, par l'utilisation du coliche (sorte de castillan contaminé), exprime comme cher Arlt la difficulté à transcender une réalité intime et renvoie à la tentation solipsiste. L'histoire croisée de ces trois êtres, père, mère et fils, déplace les figures du mythe oedipien pour en faire une tragédie grecque inversée, dans l'Argentine des années 1960, où les références au péronisme servent de contrepoint politique à ce qui aurait pu rester un simple fait divers : un visage détruit par le vitriol et sa reconstruction postérieure dans une clinique de Milan. C'est en évoquant son séjour dans cette ville avec sa mère, qui se suicide à son tour, quatorze ans après, que le narrateur en anti-Oedipe parfait, admet sa propre culpabilité : incapable d'aimer sa mère et de tuer son père.
Lien : https://tandisquemoiquatrenu..
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