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La dame de la Roche

Un Edgar qui dessine et une aventure à la Roche-Guyon ? Si cela ne fait pas écho en vous, c'est qu'il est grand temps de revoir vos classiques, notamment la bande-dessinée franco-belge. "La Dame de La Roche" se veut en effet un chaleureux hommage au titre "Le piège diabolique" de la série "Blake & Mortimer" par Edgar P. Jacobs, dont l'aventure se tenait justement dans le célèbre village du Val d'Oise. Les vingt ans de l'album, célébrés au château en 2022, coïncidaient avec la résidence d'artistes de Jean-Michel Frémont et Geneviève Marot à La Roche-Guyon. A coup sûr, le scénario de "La Dame de La Roche" est né de cette heureuse synchronicité. Une fois le lien établi, on reconnait sans peine, dès les premières planches, le visage d'Edgar P. Jacobs et celui de l'ami qui le rejoint au café, qui n'est autre qu'Hergé. On se rappelle alors que les deux bédéistes sont et ont toujours été de grandes sources d'inspiration pour Jean-Michel Frémont, qui nous avait confié avoir mis autant de "Tintin" et de "Blake & Mortimer" que de Conan Doyle dans sa pièce "Sherlock Holmes et la masque de Chiang Mai", mise en scène en 2019. Avec "La Dame de La Roche", retour aux sources, donc : la boucle est bouclée.



Et quelle meilleure image que celle de la boucle pour parler du scénario ? Comme dans "Le piège diabolique", la thématique des voyages et autres allers et retours temporels est ici centrale. L'histoire que nous raconte Jean-Michel Frémont, c'est celle d'une aventure secrète qu'aurait vécu Edgar P. Jacobs et qui lui aurait inspiré l'intrigue de sa bande-dessinée. Belle mise en abyme, donc, qui va par ailleurs plus loin que le copié-collé, car outre le thème principal et les clins d’œil à l'artiste franco-belge, Jean-Michel Frémont explore à travers ce périple une autre des marottes qu'on lui connait bien : l'Histoire. Derrière "La Dame de La Roche" se cachent en effet les vraies dames de La Roche, des figures féminines restées dans l'ombre des manuels d'Histoire, dont Perrette de La Rivière – auguste habitante du château au XVème siècle – et la duchesse d'Enville – fervente défenseuse des Lumières qui fréquenta les plus grands penseurs de son temps. A ces deux héroïnes, le scénariste ajoute deux successeuses fictives : une résistante sous l'occupation allemande et une femme du futur. Toutes les quatre ont la même apparence et semblent détentrices d'un message dont Edgar serait le destinataire...



L'hommage aux lieux et aux personnages historiques sert alors d'excellent support au secret de ces dames, véritable sujet de cette BD. Entre l'audacieux chassé croisé des époques et les messages sibyllins des personnages qu'il y rencontre, notre bon Edgar apprend du passé et de l'avenir le risque que court la planète : les hommes, apprentis sorciers, la conduisent à sa perte. Son rôle, dans tout ça ? Après tout, n'est-il pas qu'un simple illustrateur ? C'est probablement là toute la beauté du scénario, qui vient rappeler le devoir de transmission et le rôle d'éclaireur de consciences de l'Artiste avec grand A. En cela, "La Dame de La Roche" cache un scénario bien plus profond qu'il n'y parait au premier abord, façon conte philosophique.



Nous avons parlé du fond, mais quid de la forme, nous direz-vous ? A une époque où les bandes-dessinées et les illustrations sont de plus en plus réalisées avec assistance informatique, il est réconfortant de trouver ici un album mis en images via des méthodes traditionnelles : aux contours trop nets et aplats de couleur trop lisses, on préfère les nuances et les coups de pinceau de la talentueuse Geneviève Marot : les dessins ont une âme, la minutie des détails émerveille, la technique force l'admiration. On n'avait pas connu une émotion semblable depuis les aquarelles de Pascal Croci pour les planches de son "Dracula" adapté de Bram Stocker. Sous le crayon de l'illustratrice, on redécouvre l'atmosphère feutrée du Café de Flore et on frissonne sous la pluie glaciale qui s'abat sur La Roche-Guyon. On accompagne le personnage principal à travers les âges et la tête nous tourne presque lorsqu'il est aspiré dans ce tourbillon au rendu quasi-cinématographique synonyme de chaque changement de siècle. Visuellement, le résultat est magique.



En bref : Hommage à l'univers d'Edgar P. Jacobs autant qu'aux figures féminines de La Roche-Guyon, "La Dame de La Roche" est aussi un conte philosophique au message fort qui fait écho aux interrogations actuelles en même temps qu'il évoque les siècles passés. Jean-Michel Frémont glisse dans son scénario tout ce qui fait le sel de son univers personnel et Geneviève Marot nous transporte à travers les âges grâce à la magie de son coup de crayon, unique.
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