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    mailys_babelio le 02 janvier 2020
    Nouveau défi pour le mois de janvier 2020, nous vous proposons ce mois-ci de composer un récit post-apocalyptique. Catastrophe naturelle, conflit nucléaire mondial ou attaque extra-terrestre, à vous d’imaginer la vie d’après … A vos plumes !



    Comme d’habitude, la taille et la forme de votre contribution est libre et vous avez jusqu’au 31 janvier minuit, pour nous soumettre votre texte en répondant ci-dessous. Le gagnant remportera un livre.
    Sflagg le 02 janvier 2020
    Salut !

    Voici un texte un peu hors sujet (mais pas trop), très glauque (dont pas à mettre devant tous les yeux) et pas très frai (donc j'en mettrai peut-être un autre de plus ressent)

    Bonne lecture !!

    La virulente fin :

     
     Il avait fallu un an, quatre mois, une semaine et trois jours exactement au professeur Elric Van Muler et son équipe pour créer le virus ; cinq mois à Christophe Belpois, un des membres de ladite équipe, pour trouver un moyen de le subtiliser et pour passer à l’acte ; deux secondes pour qu’il brise l’éprouvette le contenant ; et, enfin, neuf mois pour qu’il se propage à toute la planète, changeant ainsi et à jamais le cours de l’histoire humaine.

     
     Le professeur Van Muler et son équipe travaillaient pour l’armée dans un laboratoire top secret et sur des recherches à l’éthique plus que douteuse. Pour être plus précis, ils effectuaient des recherches sur des virus, dont un en particulier, avec le but inavouable d'en faire une arme bactériologique.
     Ce qu’ils finirent par réussir, comme dit plus haut. Un an, quatre mois, une semaine et trois jours exactement après avoir débuté leurs travaux ; et juste avant que le militaire en charge de la base, le colonel Philipe Mastock, ne décide définitivement de mettre un terme à leurs recherches, qui commençaient à couter cher. Surtout aux vues des nombreux échecs qu’ils avaient rencontrés jusqu’à lors.

     
     Donc, nous imaginons bien le soulagement que put ressentir le professeur lorsque’enfin ils obtinrent des résultats plus que satisfaisants. Il faut dire qu’ils avaient réussi à mettre au point le virus le plus perfectionné et le plus efficace jamais créé, même par la nature elle-même. Il était capable, en plus de pouvoir infecter et tuer 99 % de la population humaine, de muter à une très grande vitesse, empêchant ainsi toutes possibilités d’y trouver un antidote et, comble des combles, de pouvoir aussi contaminer les 1 % restant.
     À se demander si ces scientifiques étaient vraiment aussi intelligents que ce que leurs grandes études et leurs diplômes laissaient à penser. Car, franchement, il faut vraiment être très con pour créer une arme aussi mortelle et dont on ne peut pas se protéger.
     Quoi qu’il en soit, ils le firent, et tout aurait pu en rester là si parmi eux ne s’était pas glissé un type encore plus stupide et cupide que les autres.

     Il s’agissait, comme vous vous en doutez certainement déjà, du chercheur Christophe Belpois. Un homme d’une cinquantaine d’années qui avait obtenu un doctorat en biologie microbienne dans la meilleure école de son pays. Pays que l’on taira ici pour raison diplomatique, car , en plus de lui avoir payé ses longues et onéreuses études, son gouvernement lui avait aussi offert des cours d’espionnage.
     C’était donc en tant que taupe pour ce fameux pays que l’on ne nommera pas qu’il avait été envoyé au sein du centre de recherche militaire de cet autre pays que l’on ne nommera pas non plus, et cela pour les mêmes raisons que pour le précédent. Cela faisait à présent trois ans qu’il s’y trouvait, furetant de droite à gauche, mais n’ayant, jusqu’à là, rien trouvé de bien intéressant. Puis un jour, enfin, les choses changèrent. On découvrit le virus.
     La suite vous la connaissez déjà. Il mit au point un plan pour pouvoir le voler, y réussit, mais, arrivé chez lui et dans un mouvement de maladresse, il finit par casser l’éprouvette laissant s’échapper le mortel virus dans l’air. Sur le coup, il retint sa respiration, sachant pourtant bien que cela était inutile ; qu’il était trop tard ; qu’il était déjà contaminé ! Cinq secondes plus tard, ses poumons étaient en feu et il fut pris d’une violente quinte de toux qui lui fit cracher des flots de sang. Deux secondes de plus et ses yeux se voilèrent, son regard se troublant jusqu’à qu’il n’y voie plus du tout, des larmes de sang se mettant aussi à en couler. Trois secondes encore, et ses oreilles furent vrillées par un bruit strident rappelant une alarme de voiture, avant de se mettre à leur tour à saigner. Puis ses cheveux commencèrent à tomber par touffe ; ses dents à se déchausser, ce qui laissait plus de place pour sa langue qui enfla jusqu’à en éclater ;  sa peau, chauffée par son sang en train de bouillir, se cloqua avant de carrément se décoller par plaque ; enfin, un par un, ses organes s’emballèrent puis implosèrent. Vingt secondes après le malencontreux incident, il était mort, et déjà le reste des habitants de son immeuble subissaient les horribles effets décrits juste avant.

     
      Tous sauf une, madame Isabelle Lautta. Une veuve de cinquante-trois ans, sans enfant, et qui se trouvait être le 1 % de porteur sain, insensible à la première version du virus. Ne sachant pas le drame qui se jouait chez ses voisins, ni qu’à présent elle était un agent contaminateur mortel, elle quitta son domicile dans l’intention d’aller faire quelques courses.
     La supérette où elle avait l’habitude d’aller était bondée, comme bien souvent. Il faut dire que c’était l’heure de la débauche dans les bureaux alentour, l’heure du rush pour les caissières, et dans la petite surface ce n'était que d’incessants allées et venues de clients plus pressés les uns que les autres. Une minute après son passage dans les lieux, tous les gens l’y ayant croisé, soit une vingtaine de personnes, étaient morts.
     Après quoi elle rentra péniblement chez elle, le virus ayant déjà muté et sa nouvelle version s’en trouvant maintenant mortel pour elle aussi. Mais les souffrances d’Isabelle Lautta ne furent pas les mêmes que ceux précédemment décrits, même s’ils étaient tout aussi atroces :
     Pour commencer, ses membres se paralysèrent et elle ressentit de vives douleurs dans tout le corps. Ensuite, ses entrailles se vidèrent, ainsi que sa vessie, tandis que son ventre s’emplissait de gaz. Elle se mit alors à roter et à flatuler sans interruption. L’odeur s’en dégageant étant entre l’oeuf pourri et la charogne en décomposition avancée. Puis sa peau prit une teinte verdâtre et se craquela, laissant s’échapper tout son sang déjà en partie coagulé. Pour finir, son cerveau se liquéfia et suinta par ses narines et ses oreilles.


     Pendant ce temps-là, l’épidémie s’étendait de plus en plus rapidement. Deux heures après que Belpois soit mort, la quasi-totalité des habitants de la ville en avait fait autant ou n’en était pas loin. Quatre heures de plus et ce fut toute la région qui était contaminée.
     Les autorités eurent beau réagir rapidement et déployer un grand nombre de soldats pour maintenir un périmètre de quarantaine. Plusieurs villes limitrophes étaient déjà à l’agonie à peine cinq heures après le début de l’épidémie. Si bien que le lendemain, au lever du jour, c’était toute la province qui était devenue un immense no man’s land. La plupart des militaires dépêchés sur les lieux ayant eux aussi succombé malgré leur combinaison antibactériologique super sophistiquée.
     Le caporal Antoine Carter, alors seul survivant de son unité, pensant à tort qu’il le devait à sa combinaison, décida de rentrer chez lui, à l’autre bout du pays. Mais, à la vérité, s’il avait survécu s’était car il faisait lui aussi partie des 1 %. Sauf qu’en plus d’être immunisé contre la première version du virus, il l’était aussi contre la deuxième.
     Il sema la mort sur sa route, propageant encore plus rapidement l’épidémie, avant de succomber à son tour de la troisième mutation du virus.
     Il ressentit d’abord de la fièvre et se mis à transpirer abondamment avant de tomber en syncope. On le conduisit alors à l’hôpital, ne se doutant pas encore de l’erreur que l’on faisait là. Le médecin, chargé de s’en occuper, nota que sa température était de 42 °C et en constante augmentation. Il eut beau employer tous les moyens mis à sa disposition grâce à la médecine moderne pour tenter de la faire baisser, rien n’y faisait. Idem pour sa transpiration, il suait tellement qu’il s’en déshydratait à vue d’oeil. Sa peau se fripait et ses ongles et cheveux se décollaient. Très vite on aurait pu le prendre pour une momie, tant il s’était asséché, sa peau toute parcheminée. Puis, l’un après l’autre, ses yeux sortirent de leurs orbites, ses testicules fondirent comme neige au soleil et ses doigts et orteils se nécrosèrent. Au final tout son corps finit en poussière, alors que seulement quatre heures s’étaient écoulées entre le début et la fin de la terrible agonie du caporal Antoine Carter.

    Sflagg le 02 janvier 2020
    Suite :

     En un mois tout le pays était zone morte, et en deux s’était la totalité du continent qui était confronté au même recul démographique.
     Même l’Angleterre ne fut pas épargnée. Pourtant ils avaient fermé toutes leurs frontières, dès les premières heures de l’épidémie ; avaient placé des mines marines et terrestres ; des militaires avec ordre de tirer à vue patrouillant sur tout le périmètre, autant sur terre que sur mer ; et, enfin, ils avaient lancé d’innombrables messages incitant leurs concitoyens se trouvant sur le continent d’y rester jusqu’à nouvel ordre.
     Hélas pour eux, Peter Lars, patron d’un petit cargo faisant la navette entre les deux bords de la Manche, n’en avait fait qu’à sa tête. Il débarqua discrètement par une nuit brumeuse, puis s’en retourna chez lui comme si de rien n’était. Car après tout, lui, il n’était pas malade. Bon, c’était vrai que tout son équipage avait fini par périr d’horrible manière et qu’il avait dû les jeter par-dessus bord, tellement l’odeur qu’ils dégageaient était nauséabonde. Mais lui se portait comme un charme. Il devait être immunisé. Le bol !
     À aucun moment il ne pensa qu’il pouvait être porteur, et encore moins que le virus pouvait muter et se retourner contre lui. Pourtant, c’est bien ce qu’il fit pour la énième fois, cela était arrivé tant de fois qu’il était impossible d’encore les comptabiliser, et puis de toute façon il n’existait plus personne pour le faire.
     Pour commencer, Peter se mit à vomir sans discontinuer, jusqu’à la bile puis le sang ; ensuite vinrent les tremblements, tellement forts que ses dents, à force de s’entrechoquer, se fêlèrent ; et pour finir, il perdit la tête, ayant d’atroces hallucinations. Il avait l’impression que d’énormes asticots se baladaient sous son épiderme. Il finit par se lacérer tout le corps à grands coups de cutter, recouvrant les murs de son appartement de son sang devenu étrangement marron.
     

     Cinq mois de plus s’écoulèrent. À présent, excepté l’Australie, c’était toute la terre qui avait été décimée. Mais cet endroit miraculé ne devait pas résister à l’arrivée de Cuifen Ziyi, Jeune chinoise de vingt-cinq ans. Au moment où le virus avait touché le sol de son pays, elle et son tout récent mari se préparaient à convoler en voyage de noce lors d’une croisière qui ne passait pas trop loin des côtes australiennes. Au moment de l’embarquement, les premiers cas avaient beau avoir étaient déclarés dans la ville où ils se trouvaient, et certains des passagers qui les entourer avaient beau avoir l’air mal en point, ils ne s’étaient pas inquiétés et avaient donc continué leur voyage. Quelques jours plus tard, il ne restait plus qu’une vingtaine de survivants, dont Cuifen, à bord du paquebot qui continuait sa course, imperturbable, ne se fiant plus qu’à son pilote automatique. Lu-Pan, le mari de Cuifen, avait été dans les premiers à mourir de la première version du virus.
     Lorsqu’ils ne furent plus que dix, les survivants décidèrent de prendre un canot de sauvetage et de rejoindre la terre la plus proche. Il se trouvait que c’était l’Australie, seul endroit encore sain sur toute la planète. Malheureusement, avec l’arrivée du canot empli des cadavres des neuf compagnons de Cuifen et de cette dernière à peine plus vivante, cela devait changer.
      Après avoir semé la mort dans les quatre ou cinq villes qu’elle traversa, elle finit par y passer aussi. Cela alla encore plus vite qu’avec les précédentes mutations, son corps se dissout tout simplement en quelques secondes, comme si on l’avait immergé dans un bain d’acide. Tout d’abord ce furent ses os qui se liquéfièrent, la laissant toujours vivante mais flasque. Son corps, sans ossature pour le maintenir, s’étant affalé en un tas à peine reconnaissable. Puis ce fut tout le reste qui fondit, ne laissant à la fin qu’une bouillie bien indigeste et qui n’avait plus grand-chose à voir avec ce qu’avait été la belle Cuifen Ziyi.

     
     Cela faisait maintenant neuf mois que le virus s’était répandu sur toute la planète. Les rares survivants ayant échappé à toutes les versions, pourtant nombreuses, du virus, s’étaient regroupés par petites communautés.
     Parmi l’une d’elles se trouvait le professeur Van Muler, seul survivant du groupe de chercheurs à l’origine de la catastrophe. Il était alors en pleine discussion avec une ancienne mathématicienne, Fatima Kharbouch. Il lui expliquait qu’avec un peu de chance le virus avait fini sa mutation et qu’ils ne risquaient peut-être plus rien. Et que, même avec le peu de survivants qu’il devait rester à travers le monde, cela devait être bien suffisant pour que l’on puisse espérer revoir un jour l’espèce humaine dominer la Terre.
     Ce fut à ce moment très précis que se passa la dernière des mutations, contredisant tous les beaux espoirs du professeur.
     Il ne ressentit, au début, qu’un léger picotement dans tous ses nerfs, qui se transforma rapidement en d’insupportables et fulgurantes douleurs. On aurait dit qu’on le transperçait de mille aiguilles à tricoter en même temps. Après quoi sa peau se mit à nécroser, prenant la teinte grisâtre des cadavres, mais aussi leur odeur fétide. De leur côté ses organes se ratatinèrent, son sang s’épaissit et ses muscles s’atrophièrent. Deux minutes après il était cliniquement mort, mais, lorsqu’une de plus fut passée, il se redressa. Ses yeux étaient vitreux, son coeur ne battait plus, ses poumons ne respiraient plus et ses méninges ne réfléchissaient plus, et pourtant il bougeait.

     
     Neuf mois, le temps d’une grossesse, et l’étrange accouplement d’un virus mortel avec son créateur, tout aussi mortel, l’être humain, avait donné naissance à une nouvelle espèce. Une espèce encore pire que ne l’étaient ses parents. Une espèce que, même dans leurs moments de plus grandes folies, ni la nature ni aucun dieu n’auraient seulement imaginé créer. Une espèce que nous ne connaissions que grâce à la plume de quelques écrivains macabres. Une espèce qui, pourtant, domine à présent et pour longtemps la planète Terre. L’espèce Zombi...
     

    Version originale, juin 2015.
    Version finale, octobre 2017.
    S.Flagg !!

    Bonne chance à tous !!
    franceflamboyant le 04 janvier 2020
    Grandeur et chute de l'UTR

    Il y avait bien longtemps que les cyclones, les ouragans et les incendies dont personne ne pouvait venir à bout avaient eu raison non de la planète mais de ses habitants. En un peu plus d'un siècle, les hommes avaient fui le pays où ils vivaient pour s'agglutiner dans des zones pour eux encore confortables avant que la notion même de « pays » ne disparaisse. Les derniers temps, les autorités compétentes les avaient d'ailleurs regroupés.L’Allemagne, la France et l’Angleterre formaient un seul bloc désigné par le sigle AFA . Il en allait de même pour toutes les autres nations qui avaient été regroupées sous d'étranges bannières par des chefs soucieux de leur autorité. Malgré l'amplification des catastrophes naturelles et le déchaînement de la folie humaine, ces nouveaux états avaient fonctionné bon an mal an, établissant des règles auxquelles chacun devait obéir : parler une langue nouvelle, vivre dans des habitats collectifs, ne manger que la nourriture lyophilisée et labellisée et étudier ou travailler dans de grands centres souterrains le plus souvent. Les chaînes de télévision tournaient en boucle pour contrôler ces milliards d'hommes acharnés à vivre malgré tout, même si on les déplaçait sans cesse, même si on s'échinait à leur faire croire que leur survie était à ce prix....
    Des années durant, il en était allé ainsi.
    franceflamboyant le 04 janvier 2020
    Puis de nouvelles maladies s'étaient propagées. Difficulté à s'alimenter, à enfanter, à se tenir debout. Impossibilité d'éradiquer cet esprit de haine et de discorde qui s'emparait de vous et vous rendait insupportable votre conjoint, vos enfants, vos amis, vos employeurs et vos dirigeants. Les Clubs de tueurs, pourtant illégaux, avaient proliféré. On se battait partout et on mourait. Même les chefs d'états, même les leaders religieux disparaissaient.
    L'UTR, l'Unique Territoire Résistant avait pourtant tenu bon un siècle encore, avec ses frontières bien gardées et ses habitants triés sur le volet. Des mutants, certes mais des hommes tout de même. Les volcans avaient disparu ainsi que la plupart des océans. Les cieux étaient sous contrôle. Il n'existait plus de ces maladies sournoises qui vous tuaient en un clin d’œil et, même si on n'était plus que dix-mille, on pouvait vivre deux cents ans...Bref, tout danger était écarté sauf la mort, mais elle n'était pas proche...Pourtant, là-encore, ceux-la mêmes qui s'estimaient au dessus des autres pour avoir survécu avaient été pris dans un piège infernal dont ils n'avaient jamais perçu l'efficacité. Il était dur d'être un descendant dans un monde aussi dur et aussi fermé, d'autant que les territoires qui, auparavant, portaient des hommes, n'avaient pas disparu. Ils étaient simplement vides et laissés à eux-mêmes.
    franceflamboyant le 04 janvier 2020
    Il avait suffi d'une rébellion, d'une association de jeunes gens pour ruiner tout un système. L'un d'eux avait passé en cachette la frontière du sud et, solitaire, sur ce qui avait été l'Amérique du nord, il avait lancé un message. Un univers de mort ? Mais non, quelle blague ! Des terres arables en quantité, de l'eau douce, du gibier à foison. Pas de radioactivité ni d'air irrespirable. Tous les jeunes l'avaient suivi les uns après les autres, s'enfuyant discrètement ou de façon tonitruante. Il était impossible qu'ils aient raison, les dirigeants de l'UTR le savaient et au moment même où, saturés de messages de bonheur émanant de ces jeunes écervelés, ils avaient commencé à en douter, ils avaient compris qu'ils étaient perdus.
    Aussi subrepticement qu'il s'était esquivé, le jeune fuyard était revenu. Malgré tout ce qu'il avait pu raconter, il était malade Il  savait  le danger qu'impliquait son retour mais avait tenté l'impossible : être sauvé dans ce cocon qui l'avait protégé. Tous les autres avaient péri de faim car ils ne savaient pas chasser, de froid car ils n'étaient pas accoutumés à se couvrir, de soif car il leur arrivait de s'écarter des points d'eau ou encore d'inconséquences. Ils tombaient d'une falaise, se noyaient ou se faisaient dévorer par un de ces félins dont on leur avait parlé jadis comme d'espèces disparues.
    Le jeune rescapé avait été mordu par un animal qui ressemblait approximativement à un lynx. Il mourut  non parce que ce félin était particulièrement dangereux mais parce qu'on avait oublié comment soigner ce type de blessures. Curieusement, tous les habitants de l'UTR qui avaient été en contact avec lui subirent le même sort. Il en restait d'autres qui ne manifestaient aucun signe de déclin mais l'oligarchie au pouvoir les exécuta car on craignait qu'eux aussi ne songent à s'enfuir. Bientôt, la population déclina. On raya les morts des registres jusqu'à ce plus personne ne puisse les tenir...Le temps passant, il n'y eut plus d'hommes.

    Des siècles s'écoulèrent formant des ères interminables où plus personne n'effectuait de comptage. Peut-on compter l'éternité? Les territoires avaient retrouvé leurs anciens contours et des bêtes y vivaient. Elles parcouraient des forêts redevenues denses ou des prairies illimitées. Elles gravissaient les pentes des montagnes ou allaient s'abreuver dans les lacs ou les étangs. Les oiseaux emplissaient le ciel de leurs chants suaves. Les insectes rivalisaient en formes et en couleurs tandis que les reptiles proliféraient dans certaines zones. Il arrivait bien sûr que les animaux s'affrontent et que l'un d'eux meurent. Il arrivait aussi que les volcans en activité ou les tremblements de terre sèment la désolation dans certaines zones mais la vie sous la forme qu'elle revêtait désormais n'y était pas menacée. Mais ni les pluies torrentielles ni les feux de forêt, inondation ni les soudaines glaciations n'entravaient la course de la vie. L'ourson cherchait sa mère, le poulain se mettait debout juste après sa naissance et le baleineau poursuivrait auprès des siens ses majestueuses errances sans que rien ne vint altérer l'harmonie. Il n'y avait plus de piège, de coups de feu, d'abattoirs et d'usine de conditionnement et tout licol, laisse ou filet avait disparu.
    franceflamboyant le 04 janvier 2020
    Des espèces nouvelles étaient apparues, parmi lesquelles les zèbres lyca. Plus grands que leurs ancêtres, ils étaient aussi plus rapides et adaptables à tout climat. Il n'était donc pas exclu de les croiser indifféremment dans un désert froid (un vrai où la banquise ne fondait plus), dans un désert chaud, dans bon nombre de forêts ou au sommet de certaines montagnes. L'un d'eux un jour butta sur une grosse pierre et passa son chemin. Mais des rongeurs qui aimaient creuser des galeries et y vivre élirent domicile dans le coin et quand le zèbre et l'idée de repasser par là, il s'avéra que la pierre traîtresse était le sommet d'un édifice. Au fil du temps, grâce aux excavations et creusements divers conduits par certaines espèces animales, tout un palais apparut. Le zèbre lyca et ses congénères en parcoururent les interminables couloirs et en investirent les salles. Ils ignoraient bien sûr que l'édifice qu'ils découvraient était la quartier général de l'UTR, le lieu même où tant de décisions importantes avaient été prises quand il paraissait limpide que les hommes allaient survivre. Des portraits apparurent, des photos et des livres. Bien vite, parce qu'elles étaient à l'air libre, ces incompréhensibles traces que les zèbres hésitaient à manger car elles étaient faites de matériaux dont ils ignoraient tout, s’altérèrent. Quelques mammifères eurent cependant le loisir de contempler sans rien savoir d'eux le visage de ceux qui avaient été puissants il y avait déjà si longtemps. Peu intéressés, ils passèrent leur chemin. Ils trouvèrent aussi des ordinateurs qui ne leur servirent à rien et des armoires métalliques qui, à cause des eaux de pluies, leur servirent d'abreuvoir. Ils entendirent des chants inconnus, des hymnes, des discours venus dont on ne sait où et, leur nature animale aidant, ils se sentirent bizarrement stimulées par ces sons étranges avant de s'en inquiéter brièvement. De toute façon, les voix se turent.
    franceflamboyant le 04 janvier 2020
    Le chef des zèbres lyca connut encore une mésaventure. Un appareil inconnu se déclencha alors qu'il l’inspectait et il en tomba un polaroid représentant un long mufle, des oreilles zébrées et deux yeux noirs interdits. Ignorant ce qu'était l'éclat d'un flash, le zèbre en chef fut cependant assez intrigué pour tourner autour de l'appareil. Il voyait juste. D'autres photos apparurent. Son instinct l'avertit que ses congénères et lui avaient déjà trouvé de ces « choses » à terre quand ils avaient découvert les lieux. Oui comme des carreaux très plats sur lesquels on aurait figuré des êtres inconnus. Pas des figures animales comme la sienne,non,car aucune d'elles n'avait  de telles oreilles, de tels yeux et un pelage zébré...Il n'avait aucune idée de ce que pouvait être ces créatures la et il ne s'en inquiétait pas. Il veilla cependant à ce que ces représentations de lui (il savait bien que c'était lui pour avoir contemplé son image dans la clarté des eaux) ne soient pas altérées d'une part et de l'autre à ce que personne ne put l'imiter. En cela, il avait bien senti le lien entre ces bizarres têtes hurlantes et exaltées et le pouvoir. Oui, ça avait dû être des chefs dont on ne sait quelle espèce, ceux-là, il y longtemps...
    Il donna des coups de sabot dans l'appareil qui lui avait donné de si surprenantes images de lui et le détruisit.
    Bientôt, on l'admira pour être en possession d'objets si uniques et on le vénéra mais il n'était qu'une partie d'un grand tout. La vanité chez lui était évanescente. Elle l'aiguillonna mais il la fit taire. Être le chef d'une horde de zèbres lica qui parcouraient la planète lui suffisait. Sentant certainement que pousser son investigation dans les couloirs et les salles à demi détruites du vaste quartier général de l'UTR ne lui vaudrait rien de bon, il se contenta d'exhiber comme des trophées ces images de lui jusqu'à ce qu'elles disparaissent d'elle-mêmes et de vivre sa vie de bel animal libre.
    Pippolin le 08 janvier 2020

    Le plaisir de la brasse coulée

    Comme tous les matins, Gaétan ouvrit les yeux et comme tous les matins, son premier geste fut de se saisir de ses lunettes. Mais sa main ne rencontra que le sol. Un sol irrégulier et tiède. Du sable. L’esprit encore embué de sommeil, il regarda autour de lui. Et soudain, la réalité le réveilla tout à fait, comme si on lui avait jeté une bassine d’eau à la figure. La semaine qui venait de s’écouler, une semaine terrible, aboutissement logique de la folie des hommes et des années éprouvantes qui l’avaient précédée, lui revint en mémoire, avec son tsunami final, et son cœur bondit dans sa poitrine. Il se leva brusquement.

    Comment avait-il échappé au cataclysme ? Pourquoi lui ? Où était-il ?

    Il regarda autour de lui. Encerclant l’îlot sur lequel il se tenait, une immense surface liquide s’étendait à perte de vue, avec parfois, d’autres îlots plus ou moins grands, certains si loin qu’ils n’étaient que des masses sombres, des formes géométriques absconses. Mais ils étaient là… Ils existaient. Ils étaient une source d’espoir.

    Il leva les yeux vers le ciel d’un azur impeccable. Un soleil resplendissant y brillait déjà alors qu’il devait être tôt. Il diffusait une lumière si intense que le sable semblait illuminé et que des milliers de points scintillaient sur la mer. Cette luminosité triomphale était comme une réponse cinglante des éléments aux hommes et à leur pouvoir de nuisance. Elle semblait dire « vous pouvez essayer de tout détruire, par orgueil et inconséquence. Mais nous étions là avant vous et nous serons encore là après vous. Nous n’avons pas besoin de vous. »       

    Il se regarda lui-même, examina son corps : il ne décela aucune trace de sang, aucun hématome. Il n’était pas blessé. Il se sentait même en forme. Il exécuta quelques mouvements, des assouplissements, des flexions. Ses muscles répondaient comme des soldats entraînés. La perte de ses lunettes le contrariait. Sa vue était très mauvaise. Sans elles, son champ de vision était limité. A cinq mètres, il ne distinguait pas les détails. Juste des formes brouillées. Et il ne pouvait pas lire. Mais que pouvait-il lire de toute façon ? Il les chercha puis abandonna vite. Elles devaient être au fond de l’eau, pulvérisées.   

    Il ne se souvenait pas comment il avait pu se retrouver sur cet ilot minuscule. La nuit précédente – ou bien était-ce une autre nuit ? -, il s’était senti soulevé par une vague monstrueuse et à présent, il se tenait au sommet d’une dune, d’une cinquantaine de mètres de haut, qui dégringolait en pente raide vers une plage jonchée de pierres plates. Son point d’observation lui permettait une vue à 360 degrés et il observa son domaine.

    Et aussitôt, il mesura son isolement.

    Il comprit qu’il lui fallait quitter cette ile. Qu’elle ne recelait aucun abri, aucune ressource lui permettant de survivre plus de quatre ou cinq jours et qu’il était vain d’attendre l’arrivée d’improbables secours. Comme Tom Hanks dans « Seul au Monde », il devait affronter l’océan pour avoir une chance de sauver sa peau. Dans le film, Tom Hanks avait de quoi fabriquer un radeau. Ici il n’y avait rien. Pas un seul arbre. Pas un bosquet. Du sable et des pierres, rien d’autre.  Mais contrairement à Tom Hanks, l’île n’était pas perdue au milieu de l’océan. Elle appartenait à une sorte archipel constitué d’une multitude d’îles dont la plus proche émergeait à environ un kilomètre. Il lui sembla envisageable de nager jusque-là. La distance ne l’effrayait pas. Tous les jours, il alignait soixante à quatre-vingt longueurs à la piscine sans éprouver de fatigue. Toujours en brasse. Une brasse coulée, fluide, efficace, avec une longue glisse. Il possédait le souffle pour gagner cette ile plus importante. Peut-être était-elle boisée ? Peut-être un ruisseau d’eau douce serpentait-il entre les arbres ?

    Il scruta la mer avec anxiété à la recherche d’indices révélant des courants scélérats.

    L’eau était calme. Les vaguelettes léchaient la plage dans un doux bruit de ressac. Il se dit que si des courants existaient, ils l’entraîneraient inéluctablement vers une autre île et qu’il lui suffirait se laisser dériver, porté par l’eau salée. Quoi qu’il en soit, il n’avait pas le choix. Il y avait aussi d’autres dangers : les requins – certes de plus en plus rares dans les dernières décennies - et surtout ces prédateurs beaucoup plus redoutables : ces méduses géantes, qui avaient proliféré avec le réchauffement des eaux. Elles se déplaçaient par bancs, larges comme des porte-avions, et quand elles venaient vers vous, il était impossible de leur échapper. Un simple contact avec une de leurs tentacules provoquait un arrêt cardiaque.   

    Gaétan chassa ces images. Il ôta ses vêtements, à l’exception de son caleçon, et descendit la dune à grands pas. Il lui fallait agir sans plus attendre. Tant qu’il avait encore de l’énergie. Tant qu’il n’était pas affaibli par la soif et la faim. Il traversa la plage en s’étonnant de la rapidité de sa décision. Il s’en félicita. 

    Il éprouva une drôle de sensation au contact de l’eau, un sentiment de bien-être. Elle était chaude. Mais passée la première impression de chaleur, une fraîcheur tonifiante l’envahit. Il s’élança, bras en avant et commença à nager. Au début, il hésita à plonger la tête sous l’eau de peur que le sel ne lui brûle les yeux. Puis, sans qu’il sût pourquoi, peut-être par habitude, peut-être par plaisir, il se mit à la brasse coulée, les yeux fermés lorsqu’il était sous l’eau. Au bout de quelques mouvements, il garda les yeux ouverts, le regard plongé dans les flots cristallins, fasciné par l’alternance entre le lapis-lazuli et l’aigue marine des fonds. Il se propulsait avec une facilité étonnante, comme s’il était chaussé de longues palmes. Surpris par cette aisance, il effectua quelques ondulations du bassin et s’enfonça vers un massif de corail pour se saisir d’une crevette qui finit par lui glisser entre les doigts. Par jeu, il effaroucha un crabe qui s’enfouit dans le sable. Lorsqu’il remonta à la surface, il réalisa qu’il était resté plus de trois minutes en apnée sans la moindre difficulté. Il réalisa aussi que, sans verres correcteurs, sans même des lunettes de natation, il avait aperçu cette petite crevette, vu les nervures violines de sa carapace, jugé de la longueur de ses antennes. Aucun détail ne lui avait échappé. Il voyait clair. Mieux qu’il n’avait jamais vu. Et là, il flottait sans le moindre effort. Il hocha la tête d’un air incrédule. Il se sentait dans l’eau comme dans son véritable élément.         

    Alors il comprit.

    Les lois de la nature étaient les plus fortes. C’était elles qui dictaient l’évolution. Les hommes avaient voulu passer outre, s’approprier ce pouvoir et leurs inventions avaient conduit à leur anéantissement. Les normes humaines n’existaient plus. L’univers avait repris les choses en mains. Maintenant il fallait tout recommencer. Repartir à zéro. Il n’était qu’une étape. Un maillon de la chaîne. Comme d’autres hommes et femmes, isolés comme lui sur ces îlots, et qui, sans doute, comme lui avaient répondu à l’appel de l’eau. Bientôt son corps évoluerait. Bientôt il rencontrerait une compagne. Ensemble ils procréeraient et leur progéniture serait différente. Elle nagerait à longueur de journées, se nourrirait de poissons, de krill et de plancton, n’irait sur les iles que pour se prélasser au soleil et les enfants de leurs enfants muteraient à leur tour et n’auraient d’autres envies que de gagner le fond des océans, jusqu’à ce qu’au bout de plusieurs générations, l’espèce humaine retourne à ses origines : un organisme unicellulaire. Et alors, sous le contrôle des forces de la nature, une nouvelle évolution se mettrait en marche.   

    Gaétan sourit. Cela lui semblait tellement beau, tellement évident. Son esprit débordait  d’enthousiasme pour cette nouvelle vie qui s’ouvrait devant lui. Il étira les bras loin devant lui poussa sur les jambes et reprit sa progression vers l’île, d’une brasse coulée ample, jubilatoire.
    IreneAdler le 09 janvier 2020
    Bonjour !

    « Je marchais par une nuit sans fin »* et qui durait depuis un long, très long, moment. Certains disent qu'il faut compter en mois, d'autres en années. Qu'importe, tout cela ne signifie rien. Ne signifie plus rien. Qui a besoin de repères quand plus rien ne fonctionne ? Quand se nourrir et boire relèvent du miracle ? Nous mangeons rarement, peu et de moins en moins. Certains se sont couchés pour ne jamais se réveiller.
    Moi, je marche. Tout le temps. Personne ne comprend. Peu importe, je marche.
    Pourquoi ?
    Pour rien. Comme ça. Pour voir si le noir est vraiment noir partout. Pour chercher les nuances du ciel. Parce que je suis seule. Pour me souvenir, mais ça, ça devient de plus en plus difficile. Pourquoi : la faim, peut-être ; la pollution sans doute même si elle disparaît. Pas pour comprendre comment la nuit est tombée. On n'a jamais su pourquoi elle est tombée : en même temps qu'elle, toutes les possibilités de communications ont disparu. Pouf ! Envolés, ou plutôt partis en fumée tous ces jolis câbles, toutes ces grandes antennes. Quelle pagaille ! J'en ris encore, parfois, toute seule. Ça me semble moins tragique, maintenant que rien ne reviendra pour nous. Des rumeurs se répandirent, contradictoires et vraisemblables mais jamais satisfaisantes. On ne sait rien. Juste qu'on a perdu tout ce qui nous permettait de vivre et que le reste est étrangement égal à lui-même. Ou presque.
    Les plantes poussent comme si tout allait bien, avec même un cycle des saisons.
    Je marche, je vois ça. Je marche et je regarde.
    Mais elles ne sont plus comestibles ; idem pour les animaux. L'eau, ça va, mais faut pas en boire trop.
    Alors de beaucoup trop, les humains sont passés à plus grand chose. Ils vivent en communautés. Pour avoir moins peur sans doute. Mais ça ne fonctionne pas.
    Je marche parce que je ne veux pas vivre avec les autres : je ne veux pas vivre sous le regard des autres le peu de temps qui me reste. Jamais aimé ça. Je ne veux pas être bloquée.
    Je marche pour voir.
    Voir la Terre vivre. Renaître. S'inventer une nouvelle histoire. Sans nous. Elle n'est pas morte. Cette nuit n'est pas mortifère, pas pour tous. La nuit qui nous cloue n'existe pas pour les plantes et les animaux. C'est comme s'ils s'étaient déjà adaptés, ou qu'ils n'ont pas eu besoin de le faire. Comme si toute la nature avait préparé son coup.
    Je la comprends. Vu la façon dont nous la traitons. L'avons traitée ces derniers siècles. Et l'intelligence de la nature, les scientifiques en parlaient ; mais sans en saisir la vraie portée, je crois. J'ai l'impression que ça ne va pas assez vite. Que nous sommes trop résistants. Après tout, ce n'est pas une météorite ou une bretelle d'autoroute intergalactique qui nous sont tombées dessus, mais la nuit. Le noir. C'est lent comme méthode de disparition ; je crois qu'elle s'en rend compte : elle accélère, improvise, nous disparaissons. Plusieurs des communautés que j'ai croisé ont disparu du jour au lendemain. En me réveillant, plus de village. Une forêt épaisse, dense, centenaire, pleine de bruissements et de murmures. Sans vent.
    Je marche pour ne pas me faire engloutir.
    La végétation pousse plus vite depuis quelques temps. Parfois, elle m'emprisonne presque. Je crois qu'elle ne veut plus de nous, que nous ne lui avons jamais utiles. Je crois que pour elle, nous sommes une erreur qu'elle a laissé croître. Jusqu'à ce qu'il soit presque trop tard.
    Je parle d'elle comme si elle pouvait avoir une volonté propre, et alors ? D'autres ont fait pareil et on appelé cela divinités, dieux et ont tué pour quelque chose que l'on ne peut ni voir ni toucher. La nature, on peut. On peut même la manger. On pouvait.
    Je marche pour trouver un point de vue.
    « Stupide » me dire les rares auxquels j'en ai parlé.
    La nuit est partout et partout la même. C'est faux. Elle est pleine d'ombres, de bruits, de nuances. De présences. S'il y avait des étoiles, j'arrêterais de marcher pour les regarder et c'est ainsi que je passerais le reste de ma vie. Je veux ressentir la nuit partout, parce qu'elle fait partie de nos vies. Je veux la ressentir avant d'entrer dans ma nuit. Je veux trouver le meilleur endroit pour la voir, la ressentir vraiment, pas juste comme une couleur ou un fait. La sentir en moi. Avant de faire partie d'elle.
    Je marche pour ne pas être absorbée. Pas encore. Je sais que je vais être métamorphosée, comme chez Ovide. Mais moi, je veux choisir où, puisque je ne peux pas choisir en quoi.
    Je marche vers ma mort et je veux qu'elle soit belle.
    Je marche pour voir le jour renaître, pour voir la deuxième genèse.
    Je marche pour voir à nouveau la beauté.

    *Citation : « Les mots égarés », poème de Jean Tardieu
    BRI_o le 09 janvier 2020
    Paris, ville noire

    Lea remonte les marches en courant. Elle sort du métro et s’engage en direction de la rue de Picpus aussi vite qu’elle peut. Elle doit se dépêcher de rejoindre la rue Lamblardie et rentrer chez elle. Autour d’elle, des bruits de pas, aussi pressés que le sien, silencieux. Les rues sont noires, toutes les fenêtres sont éteintes, les réverbères ne servent plus à rien depuis bien longtemps, la lune et les étoiles n’arrivent pas à percer entre les immeubles. Les voitures immobiles le long du trottoir sont couvertes de poussière et de traces de l’usure du temps.

    Il faut qu’elle rentre chez elle, tellement de choses à faire. Son mari et sa fille l’attendent déjà, dans leur appartement. On est vendredi. Ce soir, son quartier aura de l’électricité jusqu’à 21H. Elle pourra s’occuper du bain de sa petite Marie pendant que son mari rangera l’appartement et s’occupera du diner. Ils pourront peut-être même écouter de la musique. Et si elle a le temps, elle appellera sa mère. On est le 6 janvier, elle a l’impression qu’elle n’a pas vu sa fille depuis une semaine. Les journées sont courtes, elle se lève dans le noir, se couche dans le noir. Ce soir, elle pourra regarder sa fille. Elle pense à Marie et elle accélère encore un peu plus son pas, malgré un air chargé d’humidité, moite, étouffant.  

    Avec les restrictions d’électricité, Léa a l’impression de ne vivre qu’une fois par semaine. Tous les soirs, quand elle rentre, elle voit d’abord les bougies posées sur la table. Une, deux, trois bougies, cela dépend de ce qu’elle a pu trouver dans les magasins. Ils mangent tous les trois des plats froids, préparés à l’avance et Marie raconte sa journée à la maternelle. Hier, elle avait parlé de sa sieste bien plus longue que d’habitude,  elle avait attendu et tourné longtemps sur son petit matelas à écouter les maitresses qui faisaient trop de bruit dans le couloir, parlaient beaucoup et s’agitaient. Mais elle n’a pas compris pourquoi. Après le diner, Léa met sa fille au lit et souffle les bougies. Elle se dirige vers sa chambre, elle sait trouver son lit, ses yeux voient dans le noir depuis qu’elle est née mais elle tâtonne tout de même du bout des doigts pour ne pas se faire mal. Une fois son orteil avait cogné le pied du lit, et elle a avait utilisé un vieux t-shirt pour stopper les quelques gouttes de sang. Puis elle s’allonge à côté de son mari. Parfois ils parlent, parfois ils font l’amour pour s’épuiser et trouver le sommeil. Souvent le silence de la rue s’impose.

    Et Lea reste immobile, à se demander que faisaient les gens avant que l’électricité n’existe, avant que les immeubles ne soient construits, il y a plusieurs siècles déjà. Et surtout elle se demande comment était le monde quand les gens pouvaient consommer sans compter et tout le temps.

    Depuis qu’elle est toute petite, les températures ne font que monter et l’énergie n’est distribuée dans les appartements que par quartier, à tour de rôle. Le minimum pour continuer d’exister. Le minimum pour ne pas polluer et éviter que les températures ne montent encore plus vite. Le minimum pour préserver ce qu’il reste depuis les bombardements dans des pays qu’elle ne connait pas. Une fois par semaine, son appartement brille le soir. Quand elle était petite fille, c’était tous les soirs, pas toute la nuit mais tout de même un peu chaque jour. Et puis c’est passé à une fois seulement par semaine. Et ce soir-là, le vendredi, quand elle arrive dans l’appartement et qu’elle voit la lumière, Léa se sent respirer mieux.  Le mois dernier, un vendredi soir était resté complètement noir, toute la nuit, sans explications. Léa avait paniqué. Et si la lumière ne revenait jamais ?

    Bien sûr, il y a le weekend end, mais il faut aller faire la queue dans les quelques magasins ouverts pour obtenir les rations auxquelles sa famille a le droit. Elle sa carte pour trois personnes, elle n’a le droit que d’acheter 300 grammes de viande par mois, et tout, absolument tout le reste est pesé, soupesé, mesuré. Quelqu’un doit savoir exactement comment elle a faim.

    Se promener n’a pas grand intérêt. Les espaces vides, des parcs peut-être dans une autre époque, ne sont que terre et poussière. Les immeubles sont fades. Le ciel est toujours gris, du gris clair au gris-noir, de janvier à décembre, et touche même le haut des immeubles. Aucun arbre n’a survécu à tout ce gris.

    Des restaurants, des cinémas, des théâtres, si nombreux avant selon les plus âgés, il reste surtout des façades mornes. Les quelques salles qui arrivent à ouvrir, en payent le prix pour quelques privilégiés. Sa mère lui a raconté, son enfance , ses samedis au cinéma avec son père, à manger du popcorn ou des glaces dans des salles climatisées et ses après-midi à trainer dans les magasins à chercher les bonnes affaires, des vêtements qu’elle mettrait à peine, une fois l’emballement de l’achat passé. Lea reçoit cette nostalgie, d’un monde illuminé, fourmillant de bruits et de mouvements à chaque fois qu’elle appelle sa mère. Elle l’entend raconter une vie qu’elle n’a pas connu, une ville de l’insouciance.  Mais elle a grandi dans un Paris éteint. Elle n’appellera pas sa mère ce soir.

    Son énergie à elle, elle va la garder, pour Marie. Pour illuminer le plus possible l’enfance de sa fille.

    Elle tourne à droite, son immeuble n’est plus qu’à quelques mètres. Mais elle s’arrête net. Aucune lumière aux fenêtres. Le silence d’une rue qui tâtonne dans le noir.
    Duff14 le 11 janvier 2020
    Un putain de grand nettoyage. Voilà comment il la voyait la fin du monde. Certainement la meilleure chose qui soit arrivé dans sa vie depuis un moment. Nonobstant cette satanée chaleur qui avait fait fuir toute l’eau de l’univers. Et à peine assez de fraîche le matin pour deux ou trois lampées douloureuses. Ses lèvres n’étaient plus que crevasses, et toute déglutition était une épreuve. Curieusement, trouver à manger ne posait pas trop de soucis. Les scientifiques avaient mis dans le mille sur au moins un truc: les insectes se foutaient complètement de l’apocalypse. C’étaient les nouveaux rois de la terre, sa Majesté la Vermine. Mais malgré leur apport précieux en protéines, Alex craignait de bientôt trop manquer de salive pour les avaler. Sa fin aussi était proche visiblement, sans que ça l’émeuve beaucoup. Le calme régnait enfin dans une vie de chaos.


    Alex s’était toujours senti différent, comme provenant d’une autre espèce. Il devait visiblement être dans le vrai. Sinon, pourquoi aurait-il survécu ? Pas une seule trace d’autre humain depuis le Grand Jour. Aucune. Pas non plus qu’il ait beaucoup cherché. Mais il avait pas mal barroudé dans les premiers jours. Au nord, histoire de trouver des températures plus clémentes. Effort inutile, qui l’avait parfaitement épuisé. Et plus il marchait vers le nord, plus l’eau s’était faite rare. Il faisait toujours plus chaud, les pôles avaient dû plier les gaules. Et plus rien ne fonctionnait. L’électricité s’était évaporée avec la flotte. Ça lui rappelait le Ravage de Barjavel. Sauf qu’il n’y a avait pas eu d’émeute, rien. Juste des milliards de connards qui s’étaient couchés tous en chœur avec le dernier nuage. Les gros animaux avait capitulé en même temps. Les plus petits étaient morts faute d’eau.


    A présent, et ce depuis au moins une semaine, Alex ne marchait plus. Il essayait au maximum de dormir le jour, à l’ombre d’un bus. La nuit, il attendait avidement de pouvoir boire un peu. Et il contemplait des étoiles que plus un nuage, plus une lumière artificielle ne gâcherait jamais. Et bordel, c’était beau. Il aurait pu profiter de cette vie de fou pendant des siècles. Seul, sans emmerdes, sans choses à faire, sans personne à décevoir. Sans les pressions d’une vie à laquelle il avait tourné le dos bien avant le Grand Jour. Et sans subir le regard de ceux qui savaient la vivre, cette vie la. Rien à foutre de tout ça. Il ne saurait jamais pourquoi ni comment tout s’était produit, mais il était absolument certain, il le sentait au plus profond de ses tripes: ses congénères de la splendide race humaine avaient été un facteur plus que déterminant dans la grande équation de leur exctinction. Ça aurait fait marrer un paquet de dinosaures. Ça aurait fait se tordre de rire tous les dieux du ciel, se retourner dans leur tombes tous les génies des temps passés. Le mieux est l’ennemi du bien. Le progrès est l’exact inverse de ce qu’il est censé être. La mort programmée par quelque esprit cosmique farceur: une goutte de technologie, une grosse rasade d’intelligence et un cerveau fourni sans humilité. Bam, dans ta gueule l’humain. Alex l’avait vu longtemps à l’avance. D’aucuns l’avaient jugé faible, l’avait regardé comme un fainéant se cherchant des excuses. Lui même avait douté de lui. C’était tellement drôle avec le recul.


    Restait plus qu’à crever. Tranquillement. Seul encore une fois. Mauvaise science fiction, le dernier humain sur terre. Tout du moins, si il n’était pas le dernier, il espérait de tout son cœur ne jamais croisé d’autres bizarreries épargnées  comme lui. Homme comme femme, il voulait vraiment finir en solo. Avant même la fin des fins, il était sexuellement auto-suffisant. Donc même ça, ça lui manquait pas. De toute façon, il aurait gicler de la poussière... Oh tiens, du sang sur le menton. Habituel avec sa bouche toute craquelée. Mais là, ça a l’air de venir de plus loin. Une toux, un râle venu des abysses... les poumons comme des éponges cramées. Savoure Alex. T’auras été le dernier des derniers.
    HarryKodkinofficiel le 11 janvier 2020
    Je vous propose la nouvelle ci dessous, bonne lecture .

    HK2037 

    1/3

    « Vous êtes en communication avec la police de la cité parisienne, veuillez patienter en attendant qu’un agent se libère.  Cet appel sera enregistré.  Tout abus sera sévèrement puni.  Vous êtes en communication avec la police… »

    Les secondes s’allongent et lui paraissent interminables, le danger se cache derrière chaque virage, chaque accélération, chaque freinage pourtant tout a commencé par une journée ordinaire…

                                                                   *

    Comme tous les matins, c’est à six heures très précises que son réveil se déclenche, interrompant son sommeil et ses songes.

    D’abord ce sont les ténèbres de la nuit qui disparaissent au profit d’une lumière artificielle qui essaye d’imiter celle d’un lever de soleil.  Sa vue met quelques secondes avant de s’acclimater.

    Puis son ouïe est interpellée doucement par le son de la radio dont le volume croît progressivement pour ne pas heurter ses tympans. 

    « Bonjour à tous et à toutes, je suis Tom le présentateur de CPFM, la Radio officielle de la Capitale.  Nous sommes le lundi 12 mars 2057, il est six heures et je suis avec vous jusqu’à neuf heures.  Aujourd’hui nous fêtons les Justine et les Maximilien, j’entends notre ami Vince arriver dans le studio.  Vince que peux-tu nous dire sur la météo d’aujourd’hui ? … ». 

    Il éteint la radio

    En se rendant à la salle de bain, son pied cogne l’une des nombreuses bouteilles jonchant le sol de sa chambre qui en heurte une seconde avec un son cristallin ce qui ravive son mal de crâne.  Comme chaque matin depuis la mort de sa femme, il se promet d’arrêter de boire mais cela ne l’empêche pas de déboucher une nouvelle bouteille chaque soir.  Son équilibre est précaire entre les restes d’alcool de la veille, son mal de tête et la nausée qui l’envahit.

    A peine a-t-il passé le palier de la salle de bain qu’il se jette sur les toilettes et régurgite l’excès de boisson.  L’écran du panneau de contrôle de la douche lui indique qu’il a été crédité de vingt litres d’eau pour la journée.  Il sélectionne la totalité et augmente la température à 21° avant d’enlever ses vêtements.  La douche se déclenche, le contact de l’eau sur sa peau réveille ses sens.  Il colle sa tête contre l’une des parois.  L’envie de vomir est passée mais il se sent toujours aussi faible.  Il saisit la savonnette à l’effigie du souverain qu’il fait mousser avant de se laver en frottant jusqu’à ce que sa peau devienne rouge.  Les particules y restent collées mais le pire c’est l’infame odeur de l’extérieur qui continue à le poursuivre jour après jour.  Le seul bruit qui rompt le silence est celui de l’eau qui chute contre le bac de la douche.  Alors qu’une sensation de bien-être l’envahit, la pression diminue puis une voix métallique annonce que la totalité de sa ration quotidienne est utilisée.  Son bien-être s’arrête en même temps que l’eau.

    Une fois sorti de la douche, il se dirige vers le miroir dans lequel la buée floute son visage.  Il passe sa main sur le verre ce qui ouvre une fenêtre dégoulinante sur son reflet.  Il a du mal à se reconnaitre avec ses cernes bleuâtres soulignant des yeux rouges et sa barbe mal taillée.  Des rides viennent compléter ce visage fatigué et las de cette vie.  Il mâche deux tablettes de chewing-gum pour rafraichir son haleine puis rejoint sa garde-robe.

    Son dressing renferme une dizaine de tenues bien alignées et toutes identiques dont la couleur orange est aujourd’hui masquée par des taches de graisse et de cendre.  Au dos de chaque tenue figure le logo de son entreprise.  Il en saisit une, l’enfile et s’installe autour de la table de la cuisine.

    Il branche la cafetière, et ouvre son placard pour prendre ses boîtes à pilules, il en gobe une pour atténuer son mal de tête et quelques vitamines qu’il fait glisser avec une rasade de bourbon, comme le disait son père il faut combattre le mal par le mal.

    Joseph actionne un bouton ce qui fait apparaître des icônes sur la table avec différents logos.  Il sélectionne celui représentant un véhicule ce qui le met en lien avec l’entreprise REBU puis il entre son adresse et l’heure souhaité, une fenêtre s’ouvre lui confirmant que sa commande a été prise en compte et que la voiture sera là dans un quart d’heure devant son domicile.

    Il prend une tasse dans l’évier où s’entassent assiettes, verres et couverts, passe un coup de chiffon dessus puis y verse un peu de café qu’il coupe avec un peu de bourbon pour ne pas sentir le goût de l’eau dont il se sert.

    Sur la table, face à lui s’affiche « Paris News », le journal officiel de la chancellerie, tous les autres ont été évincés par le souverain.  En une apparaissent les photos des trois concurrents aux prochaines élections, l’article nous apprend que l’actuel locataire de l’Elysée, Jacques Brolin, est officiellement en campagne pour prendre sa propre succession, il représente les hauts fonctionnaires, les bleus.  Se dresse face à lui Daniel Grant qui lui a été élu par les cadres supérieurs, les verts.  Sur la troisième photo c’est Marcus Houdin, menotté, il devait défendre les droits des ouvriers, les oranges.  Selon le journaliste, Marcus est accusé de fraude fiscale.  Il ne sera pas remplacé faute de temps.  D’un doigt, Joseph, passe sur la page suivante, il s’agit de l’actualité internationale.  Des manifestations ont lieu aux Etats-Unis suite à l’annexion du Canada.  Les Emirats Arabes Unis inaugurent, ce jour le premier humanoïde entièrement autonome qui aura pour mission de faire respecter la loi, un insigne lui a été officiellement fourni ainsi qu’une arme non létale, le nom de code de ce projet est « Robocop ».  Enfin la CASE, Confédération d’Asie du Sud-Est, activera aujourd’hui à 17 heures 30 un super ordinateur capable de prendre le contrôle de manière indépendante de tous les systèmes de transports du pays.  Et comme toujours le journal finit sur de la propagande, selon l’article d’un « journaliste indépendant », la France n’a jamais été aussi productive, la natalité est en hausse et l’espérance de vie est stable.  En lisant cela il manque de s’étouffer.

    « Bien sûr que la France est productive, nous les ouvriers, on se tue à la tâche ! C’est leur pollution qui a tué ma femme mais eux s’en foutent ils vivent tranquillement sous leur dôme ! » Ses yeux deviennent humides, une larme se forme au coin de son œil droit qu’il essuie d’un revers de manche.  Il repense au temps pas si lointain où l’eau potable était utilisée dans les WC pendant que d’autres humains mourraient de soif à l’autre bout du monde.

    La montre à son poignet se met à vibrer.  La voiture est prête.  Il s’approche de la porte et entend à l’extérieur les hauts parleurs diffuser dans la rue un message préconisant le port du masque avec le filtre au niveau maximum suite à une hausse importante de particules fines dans l’atmosphère.

    Il débranche son masque, vérifie le niveau de la batterie, tourne le bouton de réglage jusqu’à la butée puis l’installe sur son visage.  La première inspiration lui donne l’impression d’étouffer bien qu’il porte ce masque tous les jours, il n’arrive pas à s’y habituer.  Il lui faut un temps d’adaptation avant d’arriver à avoir une respiration presque normale, plus fluide.  Des gants viennent compléter sa tenue afin de protéger ses mains et enfin il prend son parapluie.  Dans le miroir de l’entrée, il y a le reflet d’un homme affublé d’une combinaison et d’un masque, seuls les quelques cheveux blancs qui ne sont pas encore tombés sont visibles.  Il est prêt à affronter une nouvelle journée dans ce monde post apocalyptique.

    En ouvrant sa porte, il replonge en enfance.  Des millions de flocons descendent du ciel semblables à ceux qui tombaient lors des périodes de noël, quand il attendait le gros monsieur en rouge comme il l’appelait.  Il aimait ces cristaux d’un blanc immaculé avec lequel il faisait des bonhommes de neige ou des batailles en se lançant des boules.  Les étoiles qui tombent aujourd’hui ne sont pas faites d’eau mais de poussières et autres déchets.

    Il ouvre le parapluie et se glisse en dessous, il entend le choc sourd de la matière qui tombe du ciel contre le tissu.  A quelques mètres, contre le trottoir est visible la voiture REBU.  Tout en maintenant son parapluie, il essuie avec son gant la couche de boue grisâtre afin de libérer le lecteur de carte et les voyants lui permettant d’ouvrir la voiture.  Il saisit le badge accroché à sa combinaison et l’insère dans le lecteur jusqu’à ce que la lumière passe du rouge au vert.  La porte coulisse ce qui lui permet de s’installer sur le siège.  Il referme son parapluie et le range dans l’emplacement prévu à cet effet avant que la porte ne se referme.  Un compartiment s’ouvre à sa droite, il y place son masque.

    La voiture se présente : « Bienvenue Monsieur Richard, je suis Alice, l’intelligence artificielle de cette voiture, durant tout le trajet je serai à votre disposition, si vous avez besoin de quoi que ce soit il vous suffit de prononcer mon nom et de me demander ce dont vous avez besoin.  Merci d’entrer les coordonnées de votre destination » Un clavier sort de sous un écran qui est à la place du volant.  Il saisit M-A-L-T-E-C-H et valide.  Un mot de passe est demandé, il pianote K-A-T-E-T-1-9 puis entrer.  La destination est validée.  L’entreprise étant sous le dôme, une identification biométrique du passager est obligatoire.  Un pad avec le dessin d’une main sort du tableau de bord, il y appose la sienne.  Une lumière intense, verte, balaye ses empreintes d’un aller-retour avant de bipper puis un œil de fer descend du plafond scannant ses rétines.  « Identification palmaire ok, identification rétinienne ok ».
    HarryKodkinofficiel le 11 janvier 2020
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    Le dossier du siège s’abaisse légèrement et l’assise tourne pour se mettre dans le sens contraire de la marche.  Alice informe Joseph que le coût de la course est de 3 unités et qu’il lui faudra quinze minutes pour atteindre MALTECH.  Le symbole d’une ceinture de sécurité s’allume.  Joseph s’attache, le voyant s’éteint.  Le moteur se met à vrombir et la voiture s’insère dans la circulation.

    Sur les fenêtres s’accumule une sorte de mélasse jaunâtre, une fois fondue, c’est ce qui est distribué aux ouvriers après un léger traitement pour leur besoin en eau.  Une goutte suffit pour entraîner démangeaisons et plaques rouges à cause de son acidité.  Durant les quelques kilomètres qui le sépare du dôme, il voit tous les ouvriers munis de leur habits orange, il ne manque plus que le numéro dans le dos pour ressembler aux bagnards des années 1920.  A travers la vitre, l’extérieur est un spectacle de désolation, plus on approche du dôme plus la brume est tenace, il devient même difficile de distinguer les murs des immeubles encadrant la route.  L’industrie capitaliste a enrichi quelques énarques en tuant la faune et la flore ainsi que les hommes les plus pauvres.

    Enfin arrivé à l’entrée du dôme, un immense rideau métallique bloque la route au-dessus duquel un écran géant affiche le chiffre 7.  Le passage s’ouvre et la voiture se dirige vers un box surmonté du même numéro.  Le garage se referme.  Une fois entré le véhicule est scanné par une immense lumière rouge.  Un affichage au-dessus du rideau de sortie annonce : « Scan terminé, nous vous souhaitons une très bonne journée dans la cité parisienne », en même temps une ouverture apparaît ouvrant un passage vers le dôme.

    La vie est complétement différente en dessous, des fleurs de toutes les couleurs égayent les rues et des arbres sont disposés régulièrement.  La température est maintenue à 19° quelle que soit la saison.  Les bleus côtoient les verts dans ce paradis pendant que les ouvriers sont contraints de vivre en enfer à seulement quelques mètres de là.  Ici pas de particules tombant du ciel mais une météo clémente et ensoleillée d’un astre synthétique.  Vestige du passé, la magnifique dame de fer surplombe toujours la ville mais aujourd’hui elle est l’attraction de quelques privilégiés de même que les musées et tout ce qui a trait à la culture.  Une fois à destination, Alice lui souhaite une bonne journée.  Joseph reprend ses effets personnels et sort de la voiture.

    Devant l’entrée, il s’arrête quelques secondes, respirant cet air pur rempli d’odeurs de fleurs, pas besoin de filtre pour en profiter.  Une cloche retentit, c’est l’heure de prendre ses fonctions.  Il passe en dessous d’un logo MALTECH énorme constitué d’un croisement entre une voiture et des composants électroniques au centre du symbole nucléaire.  Les portes s’ouvrent dès qu’il s’en approche.  Son badge lui permet de passer les portiques de sécurité, il s’immobilise les bras en croix le temps qu’un agent passe un détecteur de métaux puis se dirige vers le laboratoire.  Il salut ses collègues et va à son poste de travail.

    Ce sont ses recherches qui ont permis l’explosion du chiffre d’affaires de l’entreprise grâce à la création de la première puce permettant une indépendance totale des voitures.  En remerciement l’entreprise lui a juste offert un logement dans la banlieue.

    La cloche sonne de nouveau à midi, informant les ouvriers de la pause déjeuner.  Joseph rejoint ses collègues au réfectoire.  Un androïde sert à chacun une bouillie grisâtre et un verre d’eau trouble.  Aucune saveur ne se dégage de ce plat sensé être plein de vitamines et permettre à l’organisme de tenir jusqu’à la fin de journée.

    Vient le moment de reprendre son poste, il allume son ordinateur et continue sa journée jusqu’à la sonnerie de 17 heures qui signifie un retour à la maison.

    Joseph se rend à pied jusqu’à l’arrêt REBU le plus proche, comme tous les soirs il y a une file d’attente importante.  L’attente avant d’avoir son véhicule est particulièrement longue.  Lorsqu’il se présente face à une voiture il est 17 heures 20, il insère son badge, s’installe, la voiture se présente, elle s’appelle Christine, il entre les coordonnées de sa destination, range ses affaires dans les compartiments, et s’attache.  Il regarde de nouveau sa montre, il est 17 heures 27 quand le moteur se met en marche et que la voiture sort de son stationnement.

    Il se rapproche de la sortie du dôme quand un véhicule lui coupe la route à toute vitesse et vient percuter un mur.  Le freinage d’urgence s’enclenche, enfonçant Joseph profondément dans son siège.  La voiture accidentée prend feu, la personne à l’intérieur hurle et frappe de toutes ses forces contre les vitres essayant de s’extraire de sa ceinture.  Joseph reprend ses esprits.

    « Christine, laisse-moi descendre ! » Aucune réaction.  « Christine, je t’ordonne de me laisser descendre ! » Rien ne se passe.  Le stress commence à monter.  « Christine, appel la pol… » À ce moment un second véhicule passe en trombe à côté de Christine et en percute violemment un troisième qui se retourne avec la puissance du choc.  La terreur remplace le stress, Joseph appuie sur le bouton d’urgence afin d’être mis en relation avec les services de secours.  Les hauts parleurs diffusent l’appel :

    « Vous êtes en communication avec la police de la cité parisienne, veuillez patienter en attendant qu’un agent se libère.  Cet appel sera enregistré.  Tout abus sera sévèrement puni.  Vous êtes en communication avec la police… »

    Le moteur se remet en marche, la voiture se met à accélérer et parcourir les rues de la cité parisienne à vive allure.

    « Tous les agents sont actuellement en ligne, nous vous invitons à réitérer votre appel.  »

    Les secondes s’allongent et lui paraissent interminables, le danger se cache derrière chaque virage, chaque accélération, chaque freinage et personne ne vient à son aide.  Il essaye une nouvelle fois de contacter la police mais au moment où il va atteindre le bouton, un virage sec le projette à l’opposé, heureusement il est maintenu par la ceinture de sécurité.  Il appuie de tout son poids puis tend sa main pour réitérer son appel.

    De nouveau ce message « Tous les agents sont actuellement en ligne, nous vous invitons à réitérer votre appel.  »

     La peur se lit dans ses yeux en plus des tremblements et d’une respiration saccadée.  Au prix d’un effort surhumain il parvient à se calmer.  Au loin le bruit d’un réacteur se fait entendre de plus en plus fort puis un bruit de chute avant qu’une explosion retentisse.  En levant la tête Joseph voit le dôme se fissurer.  Des plaques immenses tombent du ciel.  L’atmosphère se remplit très rapidement de brume.  Par les fenêtres il aperçoit des hommes et des femmes tousser puis tomber au sol, asphyxiés.

    Tout à coup une sirène retentit dans toute la cité au travers de haut-parleurs placés un peu partout en ville.  Un message remplace temporairement l’alarme : « Ceci n’est pas un exercice, le dôme n’est plus étanche, je répète le dôme n’est plus étanche… ».  Le dôme est ouvert sur plus de la moitié de sa surface et des morceaux tombent un peu partout touchant tantôt un mur tantôt une voiture mais aussi les personnes qui sont dehors.  La poignée de la porte ne fonctionne pas malgré l’insistance de Joseph.  Autour de lui, toutes les voitures se mettent à foncer au hasard dans la foule.

    La ceinture empêche Joseph d’atteindre la boite qui contient son masque.  Il essaye de forcer sur la fermeture mais rien n’y fait, il est coincé dans cette voiture folle.  Rien autour de lui ne parait utile afin de se défaire de ses liens.  Il tire de toute ses forces sur la bande qui se bloque.  Dans un mouvement de désespoir sa main percute un objet le long de sa ceinture.  Un regard lui suffit pour voir la pochette noire qui contient un couteau suisse que lui a offert son grand père à un Noël il y a bien longtemps.  Il l’ouvre et le saisit.  Le premier outil qui sort est un décapsuleur, il en sort un second qui se trouve être un tournevis puis une sorte de pince mais pas de couteau.  Il le retourne et trouve enfin le couteau qu’il sort avec peine.  La lame s’approche de la ceinture lorsque qu’un virage brusque le surprend et il laisse tomber le couteau.

    Un nouvel avion traverse lui le trou surplombant le dôme avant de s’écraser sur la Tour Eiffel.  Il faut faire vite.  Afin de reprendre ses esprits, il enchaine de grandes inspirations suivies de longues expirations.

    Son couteau gît au sol, il se sert de la semelle de son pied gauche afin de positionner l’outils multifonction sur le dessus de sa chaussure droite.  Il rapproche son pied de son corps, sa main tendue est à quelques millimètres de l’objets convoité, des gouttes de sueur coulent dans ses yeux.  Il pousse de toutes ses forces sur ses liens jusqu’à ce que sa main puisse s’en emparer.  Les fibres de tissu cèdent petit à petit au contact du couteau puis elles se déchirent et la partie supérieure s’enroule en une fraction de seconde libérant enfin Joseph.

    Maintenant il faut arrêter la voiture, il cherche dans sa mémoire car il a participé à la conception de ces véhicules.  Il découpe le sol afin de mettre à jour le boitier de contrôle qui est maintenu fermé par quatre vis qui cèdent immédiatement au contact du tournevis que Joseph a sorti.

    Un circuit imprimé reliant de nombreux composants via des câbles électriques apparait.  Il décide de couper le fil rouge mais rien ne se passe si ce n’est que les essuie glaces se mettent en route.  Il sectionne le vert, la voiture accélère d’un coup envoyant Joseph contre les parois l’assommant à moitié.  Enfin il coupe le bon.  Le véhicule pile projetant Joseph contre le siège.
    HarryKodkinofficiel le 11 janvier 2020
    3/3

    Au loin il voit un train dérailler d’un pont, la locomotive explosant au moment où elle percute le sol créant une immense boule de feu, puis elle est suivie par le reste des wagons qui tombent un à un en se pliant en accordéon.

    Une fois que Joseph a repris ses esprits, il cherche son masque afin d’aller à l’extérieur.  La boite qui le contient est bloquée.  Il utilise un tournevis afin de faire levier ce qui ouvre légèrement la boite mais ne lui permet pas de saisir ses effets personnels.  Ses doigts attrapent le bord et il se sert de ses jambes pour pousser.  Il sent le métal couper sa peau mais il continue jusqu’à ce que l’espace créé soit suffisamment grand pour qu’il récupère enfin son masque.  Il l’installe sur son visage puis fracture la vitre avec son coude et sort de la voiture par cette nouvelle sortie.  Juste à temps pour éviter le morceau de dôme géant qui s’abat sur la voiture la réduisant en bouillie.

    Des particules blanches tombent du ciel, c’est magnifique, tout se termine par ce qui a tout entamé, la pollution.  Joseph est serein, il retire son masque et attend que l’air se fasse plus rare dans ses poumons.  Une vive douleur se fait sentir, il a envie de vomir mais se tient debout digne, pour Marie avant son dernier souffle et la perte de connaissance définitive…

     

    *

     

    Un bip lancinant d’un réveil le sort de ses songes, il tend la main pour l’éteindre et se dirige vers la salle de bain.  Une douche lui permet de se détendre et de reprendre ses esprits.  Dans quelques heures il dévoilera son projet devant une salle immense.  Il repense à son discours qu’il répète sous la douche.  Il prend la savonnette, durant quelques secondes il y voit un visage qu’il ne reconnait pas mais qui lui dit quelque chose, gravé mais celui-ci disparait en une fraction de seconde.  Il prend de la mousse à raser et se rase le plus proprement possible, il se regarde dans le miroir.  L’after-shave finalise son rasage puis il s’attaque à ses cheveux qu’il coiffe avec un peu de gel.

    Sa garde-robe contient le costume parfaitement ajusté protégé par une housse, un mouchoir sort de la pochette comme lui a préconisé le vendeur.  Le nœud papillon n’est pas parfait mais tout à fait acceptable après une dizaine de tentative.  Il se regarde devant la glace et pense à tout son parcours qui l’a mené jusqu’ici.  Pendant une fraction de seconde, le reflet de son costume devient orange avant de reprendre sa couleur noire.  Il se dit que se doit être un effet de lumière.  Sa montre indique 19h00, juste le temps d’enfiler un trenchcoat et de prendre son parapluie avant de sortir rejoindre le taxi.  Des flocons de neige tombent du ciel et frappent le tissu du parapluie.

    Le taxi l’emmène jusqu’au siège de MALTECH en plein cœur de la capitale.  L’entrée est surmontée d’un immense logo.  Après avoir passé plusieurs contrôles, il pénètre dans un immense théâtre sous les bureaux.  En tant que fond de scène un logo géant souligné de la phrase « la technologie au service de l’homme ».  La salle est vide pour le moment, il va dans sa loge et face à la coiffeuse, il répète son discours dont il connait la moindre ponctuation par cœur.  La dernière heure avant d’être appelé sur scène est consacré à la énième relecture et correction.  Puis vient le moment d’aller se placer dans les coulisses.  Au centre de la scène se tient un homme devant un pupitre.

    « … merci d’acclamer celui qui va changer l’histoire et enrichir nos actionnaires » rires dans le public « Monsieur Joseph Richard ! » L’homme sur la scène invite Joseph à se joindre à lui en lui adressant un sourire bienveillant et en tendant une main amicale dans sa direction.

    Après une grande inspiration Joseph s’approche du pupitre et sert la main de l’homme qui n’est autre que le Président Directeur Général de MALTECH.  Un tonnerre d’applaudissements l’accueille.

    « Je laisse notre ami vous expliquer comment tout ça marche.

    — Bonjour à tous et à toutes, en ce jour du 31 Mars 2037, j’ai l’honneur de vous annoncer que nos recherches nous ont permis de fabriquer une nouvelle puce qui va révolutionner l’industrie automobile.  Effectivement grâce à la puce « HK2037 », nous allons tous les jours sauver des vies ! Aujourd’hui 90% des accidents de voiture sont dus à des erreurs humaines, demain grâce aux véhicules 100% autonomes nous sauveront la vie de milliers de personnes ! » Applaudissement du public.  « A ce jour la puce n’est développée que pour les véhicules terrestres mais demain ce sera les trains et les avions ! Plus d’embouteillage, plus de mort sur les routes et un monde plus sûr ! Grâce à notre partenariat avec l’entreprise REBU, nous allons d’ici quelques années pouvoir construire à la chaîne des véhicules 100% autonomes.  La puce est le résultat de plusieurs décennies de recherches et de la mutualisation du travail de plusieurs personnes dont Marie qui va devenir ma femme dans quelques mois ! Merci à tous ! Et bonne soirée.  »

    Nouvelle salve d’applaudissements puis un film est lancé sur l’histoire des véhicules autonome depuis les laboratoires Tsukuba en 1977 jusqu’à ce jour.

    Joseph retrouve sa fiancée dans un restaurant pour fêter cette victoire.  Ils ont réservé dans le meilleur restaurant de la ville.  Ils trinquent à leurs recherches qui aboutissent après tant de tests, tant de nuits blanches et tant d’échecs.

    Sur le chemin du retour, Joseph est interpellé par une télé qui diffuse le journal dans la vitrine d’un magasin.

    « Dans quelques semaines se joueront les présidentielles, la campagne bat son plein et Jacques Brolin serait en tête selon les sondages.  Au niveau international, après les États-Unis et l’Inde, c’est en Chine que la pollution à atteint un niveau tellement important que le port d’un masque muni de filtres est obligatoire pour sortir dans les rues… »
    lovemetal1212 le 11 janvier 2020

    Bon aller je me lance.. 
    ahum ahum.. 

    Juste après.

    il fait froid, et il fait noir.
    il est tard et le soleil est couché depuis presque 2h maintenant. 
    Je compte les minutes, je compte les secondes. 
    le temp est précieux et je doit bientôt y aller.
    mais il fait froid.
    je n’est pas le choix.
    on a pas le choix.
    cest arrive il y a une dizaine de jours maintenant, un virus nous a presque tous décimé... 
    ce qui  reste ne sont plus comme avant.. il ne pense plus, ne mange plus, ne parle plus.. ils ne font que marcher dans les rues, comme des zombies ne pensant qu’à manger. 
    c’est gens contaminés sont tous terriblement contagieux.. marcher à côté d’eux pourrait nous être fatal.. 
    ils sont tellement dans les rues... 
    ils sont tellement qu’on ne peut y respirer tranquillement.. Ils meurent tous à petit feu, ils se décomposent sur place et laisse leurs cadavres joncher le sol..
    des tonnes de personnes ont péris.. 
    ‘nous ne sommes que 5 à avoir survécu.. la faim nous tiraille sans arrêt, sans oublier la soif.. 
    nous parcourons la ville de nuit tous habillé de façon à ce que même un centimètre de notre peau ne soit  en contact avec l’air.. 
    Nous ne savons Pas ce qu’il vas se passer mais nous n’avons pas envie de le savoir.
    on survis juste.
    ou on essaie..
    j’ai perdu toute ma famille. 
    ils doivent marcher quelques part dans les rues.. 
    en tournant en rond toute la journée sans arrêt.. 
    la nuit, les gens contaminés sont en « pause » et ils ne bougent plus.. ils ne sont pas non plus dangereux et agressifs.. 
    la journée ils le sont par contre..
    ils veulent nous arracher nos masques afin qu’on deviennent comme eux.. 

    voilà, on doit sortir, normalement c’est la dernière fois qu’on doit faire ça.. 
    normalement tout ça doit s’arrêter bientot.. hm, on nous l’a dit.. ne me demandez pas qui j’en sait rien, mais c’est comme ça, enfin j’en ai le pressentiment.. c’est pour bientôt.. la fin de ce massacre.. la fin de cest contaminés.. 
    ils ne restent plus rien à manger.. dans cette ville en tout cas.. 
    on ne peut pas bouger autre part oh ça non.. c’est la mort assuré.. 
    oh oui je ne vous est pas tout dit.. vous allez rire.. on est sur une île.. vous savez la.. c’est genre un mini pays entouré de flotte.. sans rien autour.. alors oui on est dans une ville c’est sûr.. mais.. une petite ville alors.. 

    ne me demandez pas pourquoi on est là.. ahah ahah vous allez rire encore.. j’en sais rien.. je me suis réveillée la.. avec toutes c’est autres personnes.. et.. vous allez rire.. on vient de rentrer de notre expédition.. et devinez quoi.. quelqu’un a falsifié nos combinaisons.. ainsi que nos masques.. 
    et vous allez rire.. la moitié du groupe sont déjà passé en mode zombies..
    et.. vous allez rire.. j’en ai marre de tout ça..
    et.. vous allez rire.. j’ai trouvé un couteau bien aiguisé dans un restaurants.. je l’es pris avec moi on sait jamais..
    et.. vous allez rire.. on était 3.. et maintenant je suis toute seule... 
    et vous allez rire... ils sont éventrés à côté de moi.. il y a du sang partout.. et j’en ai plein les mains..
    et vous allez rire.. c’est pas ParceQue je l’es ai sauvé..
    c’est ParceQue je l’es ai tué.. 
    a quoi bon les laisser vivre dans ce monde de fou.. j’en peut plus.. 
    et vous allez rire... 
    et vous allez.. 
    et vous..
    et... 

    fin.. 🤭

    Antoine_D le 11 janvier 2020
    Bonjour, la première fois que je me lance dans l'écriture... Soyez indulgent ;)

    L'innocence.

    Tobias a 14 ans aujourd'hui. Depuis plusieurs jours ses parents semblaient de plus en plus préoccupés mais Tobias ne comprenait pas pour quelle raison, d'autant plus que son frère, Rio, de 3 ans son aîné paraissait également anxieux ces derniers jours.
    Les deux frères très proches depuis toujours avaient l'habitude de quitter la maison ensemble pour que Tobias aille en cours au centre éducatif. Sur le chemin, ils en profitaient pour discuter ensemble des journées de cours du cadet et de ses nouvelles choses qu'il apprenait tous les jours. C'était l'occasion pour Tobias de discuter seul à seul avec son frère sur les cours d'Histoire qu'il aimait tant. Rio se contentait d'écouter le plus jeune et ne parlait jamais des journées qu'il passait. Au fil des années qui s'écoulaient Tobias avait l'impression que son frère était de plus en plus morose.

    Aujourd'hui lors du trajet habituel pour aller au centre éducatif, Tobias explique à son frère que la professeure d’Histoire leur a parlé de la catastrophe qui avait eu lieu en 2084. Dans l'après-midi ils devaient avoir le dernier cours sur l'année de la catastrophe. Généralement lors de ces derniers cours ils enfilaient des lunettes pour être transportés virtuellement dans l'époque étudiée.

    Il est environ 15h00 lorsque les élèves enfilent les lunettes et qu'ils sont transportés virtuellement dans le monde des années 2080.
    Lors de ce voyage numérique, ils suivent leur professeure dans les rues reconstituées de New-York et peuvent admirer la multitude de personnes autour d'eux.
    « Regarde tout ce monde autour de nous ! » Dit Tobias à son camarade.
    « C'est vrai qu'il y a beaucoup de monde ici, ça change de chez nous. » réponds Foris

    Effectivement, depuis qu'ils étaient nés, aucun de ces jeunes n'avait quitté le village de New-Boston. Ils avaient cours tous les jours comme c'était la norme partout dans le pays et cela ne laissait pas le temps pour partir en week-end dans la grande ville située à plus de 200 miles. Jusqu'à 14ans chaque élève devait tenir ce rythme scolaire. L'année de leur 14ans, ils devaient se rendre à Helmont, dans le centre éducatif de la ville pour passer l'examen de certification. C'était l'objectif fixé à tous les élèves sans exception. Les parents de chaque enfant expliquaient régulièrement qu'avant l'obtention de cet examen, il était interdit de quitter le village.

    Après avoir reçu quelques informations au sujet du New-York des années 2080, les jeunes suivent la professeure à travers plusieurs rues. Ils avaient eu l'occasion de voir comment vivaient les New-Yorkais il y a 200 ans et c'était effectivement une vie bien différente de celle qu'ils connaissaient. D'un seul coup, un bruit assourdissant se fait entendre, et tous les élèves regardent vers le ciel en même temps. Une boule de lumière se dirigeait vers eux et devenait de plus en plus grosse au fil des secondes. En quelques instants seulement, la boule de lumière touche le sol et un éclat de lumière éblouit l'ensemble de la classe.
    Lorsque Tobias ouvre les yeux, tous ses camarades sont repliés vers le sol et se sont recroquevillés. C'était ridicule, ils le savaient qu'ils étaient dans une simulation éducative comme d'habitude, mais c'était la première fois qu'il se passait quelque chose de si violent. D'habitude les élèves se contentent de suivre la professeure à travers différentes villes à d'autres époques et il ne se passait pas grand chose. Aujourd'hui, c'était différent.
    En regardant autour d'eux, la ville qu'ils venaient de découvrir était méconnaissable. Toutes les personnes qui déambulaient dans les rues avaient disparu, tout était devenu gris. Un silence pesant s'était installé alors que quelques secondes auparavant les sons de la ville empêchaient les élèves de s'entendre mutuellement.
    Foris était bouche bée. Tobias se dirige vers son ami et lui secoue le bras.
    C'était quoi çà ?
    J'en sais rien ! C'est bizarre, tout a disparu autour de nous, et regarde les bâtiments ! C'est comme s'ils étaient cassés !

    La professeure était restée droite et immobile. Elle savait au fond d'elle qu'il s'agissait des derniers instants d'innocence de ces jeunes qu'elle avait instruit depuis plusieurs années. Depuis 15ans qu'elle faisait ce métier, elle ne s'habituait jamais à cette séquence de visio-histoire.
    Elle se tourne vers ses élèves et la vision de sa classe au milieu des décombres lui fit une nouvelle fois prendre conscience que les prochains mots qu'elle allait dire seraient déterminants pour l'avenir des jeunes en face d'elle.
    Depuis qu'ils ont été intégrés au centre éducatif, les différents voyages virtuels se déroulaient dans le calme et les étudiants découvraient de nombreuses époques et civilisations à travers le monde.
    De la préhistoire à la révolution industrielle en passant par l'antiquité, tout se déroulait sans incident et dans le calme le plus total. Ils l'ignoraient mais ils étaient préservés de toute images de guerre, on leur présentait une version aseptisée de l’histoire du monde. Cette séance d'histoire dans le New-York des années 2080, était un bouleversement pour les élèves et elle le savait. C'était une vérité abrupte et sans détour, qui était livrée aux apprenants, habitués a évoluer dans un environnement paisible. Elle se tenait toujours face à Tobias et ses camarades. Après une profonde inspiration elle décida de répéter comme chaque année à une classe différente, la phrase prescrite par le gouvernement :
    Vous venez d'assister à la catastrophe qui a frappé le monde en 2084.

    Ni plus, ni moins. Sur ces simples paroles, il était mis fin à la simulation et les élèves enlèvent leur lunette et se retrouvent de nouveau dans l'immense salle de cours.
    Les élèves sont en état de choc. Depuis leur plus tendre enfance, ils n'avaient jamais été confrontés à une telle violence.
    C'était une déchirure pour tout ces apprenants, qui n'avaient aucune idée de ce qu'était la notion même de violence. De leur naissance jusqu'à ce jour, ils vivaient dans un microcosme dont ils ignoraient l'existence même. Pour eux, la vie se déroulait sans accroc. La notion de Mal était inexistante pour l'ensemble des jeunes de New-Boston, ils n'avaient jamais assisté à une quelconque dispute, bagarre ou autre type de violence.
    Ils venaient d'être confrontés en l'espace de quelques secondes à la chose la plus choquante et brutale qu'ils n'avaient jamais vu.
    Le cours prenait fin dans le silence le plus complet.

    Tobias à l'issu de ce cours, sentait un malaise grandir en lui, une impression que le monde était en train de s’effondrer. Plus vif d'esprit que ses camarades, il sent que quelque chose de grave est en train de se passer.
    Sans être en mesure de rassembler toutes les pièces du puzzle, il réalise que ces derniers jours ils ont assisté avec ses camarades à un autre cours qui lui semble assez étrange avec le recul.

    Il y a environ une semaine, un professeur qu'il n'avait jamais vu au centre éducatif était venu et avait donné aux élèves un test a réaliser. Sur la tablette de chaque élève, un questionnaire avait été envoyé et ce professeur leur avait demandé de répondre en toute franchise à une série de question.
    Les premières questions concernaient les projets des élèves et Tobias avait répondu qu'il aimerait voyager dès que possible après son examen de certification pour découvrir le monde. Ses capacités scolaires au dessus de la moyenne lui permettaient de clairement exprimer son souhait de voyager et d'améliorer la vie de ses semblables. Au fil des questions, et sans savoir pourquoi, Tobias se sentait de plus en plus mal à l'aise.
    Il se souvient de la question 64 à laquelle il a difficilement répondu ;
    « Que pensez-vous du mensonge ? »
    Il réalisait que cette question était importante mais elle n'avait aucun rapport direct avec les autres questions.

    Par le passé, on leur avait vaguement expliqué ce qu'était le mensonge mais ce n'était pas très clair pour la plupart des élèves. Ils se demandaient à quoi cela pouvait bien servir. Quel était l'intérêt de dire quelque chose qui n'était pas vrai ? Tobias n'en voyait aucun mais il sentait que cette question n'était pas anodine sans savoir précisément pourquoi. Il faisait parti d'un petit nombre d'élèves qui parvenaient à pousser le résonnement un peu plus loin que les autres et il avait réussi à formuler lors de cet examen que ; si un mensonge permettait d'améliorer la vie de son entourage, alors ce n'était peut-être pas quelque chose de si néfaste.

    Après le cours où la catastrophe de 2084 leur était présentée de la manière la plus brutale possible, la classe avait été divisée en deux groupes. Tobias était dans un groupe de 4 personnes tandis que le reste des 26 élèves constituaient l'autre groupe. Le professeur qui leur avait fait passer un test la semaine dernière est entré dans la classe et a demandé au groupe de Tobias de le suivre.
    C'est la première fois que les élèves étaient séparés depuis le début de leur scolarité. Habituellement tous les élèves d'une même classe sont en permanence ensemble pour assister au différentes séances d'éducation. En se retournant, Tobias croise le regard de Foris, sans comprendre pourquoi, une certaine nostalgie commence à envahir Tobias.

    Le professeur demande à Tobias et ses trois camarades de monter dans un camion qui est arrêté devant le centre éducatif. Sans un mot, les élèves s’exécutent et montent à l'arrière. Ils sont assis les uns en face des autres, chacun d'un coté du camion et le professeur qu'ils ne connaissent pas monte avec eux.
    Les vibrations du moteur se font ressentir et le camion avance en suivant la r
    Antoine_D le 11 janvier 2020
    Les vibrations du moteur se font ressentir et le camion avance en suivant la route. Tobias jette un regard sur le centre éducatif qui s'éloigne de plus en plus. Un silence pesant règne à l'arrière du camion.
    Au bout de quelques minutes, le camion continue de rouler et Tobias réalise qu'il n'a jamais été aussi loin de chez lui. Il n'en parle à personne à bord, mais une il éprouve un certain malaise. Il regarde le professeur assis en face de lui et remarque qu'il a le visage fermé et reste silencieux.

    L’arrêt brutal du camion ramène Tobias à ses esprits. Il entends le chauffeur parler à une personne qui semble être arrêtée sur la route. Le professeur prends la parole :
    Les enfants, ne nous décevez pas.
    Ce sont les seuls mots que le professeur a directement prononcé aux élèves.
    Les quatre étudiants se regardent et n'osent parler pour le moment. Le véhicule redémarre pour se stationner quelques mètres plus loin, le professeur demande aux élèves de descendre et ces derniers s'exécutent.
    L’environnement est étrange et ne ressemble a rien de ce qu'ils ont l'habitude de voir. Habitués a vivre dans de petites maisons individuelles en bois, les élèves choisis se retrouvent face à une énorme porte en fer.

    L'inscription « SITE 45 » est visible sur cette énorme porte d'une dizaine de mètres. Les murs semblent épais et le ciel n'est plus visible. En se retournant, Tobias remarque que sur la route qu'ils viennent d'emprunter, plusieurs hommes portant une tenue identique sont postés au bords de l'asphalte. Ces hommes portent une tenue totalement noire et tiennent dans leurs mains une sorte de bâton dont Tobias ignore totalement l'utilité. Ces hommes semblent attendre quelque chose. C'est à ce moment là que Tobias aperçoit son frère qui longe la route dans sa direction et qui arrive au niveau des hommes en noir. Il présente un papier qu'il avait dans sa poche et les hommes le laissent passer. Rio ne remarque pas la présence de son frère Tobias et continue de se diriger vers une porte qui s'ouvre automatiquement. Rio passe la porte qui se referme après son passage. Tobias réalise alors qu'il n'a jamais su où son frère allait après l'avoir déposé comme chaque matin au centre éducatif. Il réalise dorénavant que Rio continuait chaque jour de marcher le long de cette route pour se rendre à ce complexe entouré de béton.

    Le professeur demande à Tobias et ses camarades de se placer face à la gigantesque porte portant l'inscription « SITE 45 ».
    Ouvrez ! Crie le professeur.
    Tobias ressent les vibrations de la porte dans tout son corps. A sa gauche se trouve Tina, il remarque qu'elle tremble énormément depuis qu'ils sont face à la grande porte.
    La porte continue de s'ouvrir et le monde au delà de cette dernière se dévoile aux élèves. Un long silence perdure quelques minutes. Aucun des apprenants n'est en mesure de prononcer la moindre parole. Ils sont en état de choc.
    Au bout de quelques instants Tobias tourne la tête vers la gauche car il vient de sentir un léger courant d'air. Tina n'est plus là. Il décide de regarder derrière lui et il voit qu'elle court le long de la route en direction de New-Boston. Lorsqu'il regarde de nouveau devant lui, le professeur se tient immobile. Il regarde vers les hommes en noir et sa tête se baisse légèrement dans un signe de résignation pour donner le feu vert aux hommes postés plus loin.
    Une détonation résonne et le cœur de Tobias s'accélère. Il n'a jamais entendu un tel son et se demande ce qu'il a pu se passer. Il se retourne une nouvelle fois, Tina est au sol et baigne dans une flaque rougeâtre. Un des hommes tient son bâton dirigé vers elle et de la fumée s'échappe de l'extrémité. Tobias et ses camarades sont sous le choc, ils découvrent pour la seconde fois de leur vie, la violence.

    Des larmes coulent le long des joues de Tobias qui décide de regarder finalement devant lui de l'autre coté de cette porte. La silhouette du professeur se dessine devant ce tableau apocalyptique. Le monde qu'il découvre de l'autre coté est dévasté. L'herbe est absente et le sol est couvert d'une poussière rouge, sur les collines au loin il remarque que la totalité des arbres sont morts. Le ciel est sombre et la lumière de soleil ne parvient pas a percer les épais nuages. C'est une vision d'horreur qui s'impose à Tobias et ses camarades.
    En se retournant une dernière fois, il comprends que le monde qu'il vient de quitter n'existe pas. Le soleil lui semble faux, l'herbe trop parfaite et les nuages trop blancs. Un paradis artificiel pour les préserver de la réalité.
    Il comprends à cet instant la réelle signification du mensonge.
    Hodi33 le 13 janvier 2020
    Bonjour,

    Voici ma nouvelle - pas trop longue j'espère - intitulée "Les yeux bleus en amande"


    Le bruit réveilla doucement Lia, qui ne le reconnut pas tout de suite. Après quelques secondes elle comprit et se leva d’un bond, oui c’était bien ça, ces cliquetis irréguliers et parsemés sur le toit de tôle de son cabanon : il pleuvait. Elle n’avait plus le décompte en tête mais cela faisait plusieurs mois que tout le monde attendait ce moment, en essayant de ne pas penser au pire. Le soulagement que Lia éprouvait s’accompagnait malgré elle d’une angoisse, celle d’entendre ce bruit s’arrêter. Elle décida d’aller contempler le spectacle, devenu bien trop rare, et s’affubla en hâte d’un débardeur et d’un short qui traînaient sur une chaise avant de sortir.

    Les gouttelettes fouettent son visage. Elle avait oublié à quel point c’était bon. La pluie est légère mais au vu des nuages épais amoncelés au-dessus d’elle Lia imagine que cela durera au moins toute la journée, tout du moins l’espère-t-elle. Le rideau de pluie masque l’horizon et la jeune femme ne voit guère plus loin qu’une cinquantaine de mètres, tandis qu’en temps normal, tandis qu'en temps normal elle peut discerner tout le paysage.

    Idéalement positionné à mi-chemin dans la vallée, son promontoire offrait une vue imprenable sur le système de collecte des eaux de pluie mis en place depuis le haut de la montagne jusqu’au barrage en contrebas dans lequel elles étaient stockées. Avec le temps le barrage avait été renommé la Banque dans le langage commun. Les sources environnantes étaient également captées lorsqu’elles affleuraient de nouveau en temps de pluie. Chaque matin, Lia ne pouvait s’empêcher de penser au temps d’avant. Chaque matin, ce nœud dans sa poitrine se formait quand elle tournait la tête et voyait la photo défraîchie par le soleil épinglée sur sa porte. Mais déjà la sirène sonnait dans les baraquements en contrebas, et elle empoigna son fusil et son sac à dos pour aller rejoindre son poste. En chemin, elle se remémora la série d’événements qui l’avait menée jusqu’ici.

    Dès le début des années 2000 plusieurs rapports scientifiques alarmants avaient été publiés, sur la raréfaction imminente des ressources en eau, et la nécessité de prendre des engagements forts pour y remédier. A l’époque, la fabrication d’un simple pantalon pouvait nécessiter jusqu’à deux-mille cinq-cents litres d’eau, luxe aujourd’hui tout bonnement impensable. Mais loin de s’alarmer, les politiques et les habitants de l’époque préférèrent continuer de vivre comme à leur habitude ; dans le déni. Inexorablement on vit très vite le niveau des nappes phréatiques baisser, les sources se tarir, et les coupures d’eau se multiplier. La pollution exponentielle des milieux naturels n’aidant en rien, la situation devint intenable. Les premiers impactés furent, comme souvent en cas de crise, les citadins. Et quand l’eau ne coula plus du robinet, les émeutes explosèrent d’un seul coup, terriblement violentes. Les gens, devenus incontrôlables, étaient prêts à tuer pour un bidon d’eau. Sans eau, l’être humain meurt en trois jours, et peu d’habitants avaient été suffisamment prévoyants pour emmagasiner les ressources nécessaires à une fuite vers la campagne. Là-bas, se disait-on, l’eau des rivières serait au moins potable, et à défaut d’avoir un toit on aurait de quoi boire, de quoi survivre. Ceux qui le purent migrèrent donc dans l’espoir d’une situation meilleur.
    Seulement, devant la baisse constante des quantités d’eaux potables disponibles, certains décisionnaires au pouvoir n’avaient pas attendu la crise pour privatiser de nombreux secteurs, quand l’argent avait alors encore de la valeur. Ainsi partout des groupes armés contrôlaient ici leur ruisseau, là leur rivière... Le constat était net et sans appel, pour survivre il fallait trouver son point d’eau et le défendre, ou bien posséder des produits à échanger. Tout se marchandait contre de l’eau ; le litre était devenu la nouvelle monnaie étalon.

    Lia avait eu la chance de vivre dans un petit village isolé d’Aveyron, dans le Sud-Ouest de la France, où elle était restée tranquille durant plusieurs années, vivant sobrement mais heureuse. Un jour l’eau là-bas aussi vint à manquer, et elle dut partir avec son frère cadet, Tom, qui avait dix ans seulement à l’époque. Leurs parents avaient disparu depuis longtemps et elle était responsable de lui. Durant plusieurs mois ils avaient vagabondé sur les routes, tous les matins à lécher la rosée, tous les matins à espérer la pluie, et tous les matins à n’avoir qu’une pensée en tête pour toute la journée : boire. Son frère n’avait jamais été de forte constitution et ne supporta pas ce régime très longtemps. Un soir en allant se coucher dans leur abri de fortune, il l’étreignit un peu plus longtemps qu’à l’accoutumée. Le lendemain il ne se réveilla pas. Lia ne versa pas une larme. Elle n’avait plus assez d’eau pour cela, ni d’énergie. Elle continua à avancer, le regard morne et le cœur déchiré. Seulement quelques semaines après sa mort, elle atteint cette vallée où elle vivait aujourd’hui, privatisée par un riche investisseur australien, d’après les rumeurs. Par chance ils avaient alors besoin de renforts, et n’ayant rien à perdre elle s’engagea.

    Contre 4 litres d’eau quotidiens, elle travaillait toute la journée et surveillait son secteur, le protégeant d’éventuelles intrusions. En cas de pluie son travail était d’autant plus délicat qu’on y voyait moins, et que les tentatives de vol se faisaient plus nombreuses. Le châtiment était aussi simple que terrible, le voleur était automatiquement abattu. Par chance Lia n’avait pour le moment eu à accomplir cette tâche que sur des animaux. Elle détestait l’idée que l’eau de pluie ne soit pas à tout le monde, mais après tout comme on leur avait expliqué, si on laissait tous ceux qui venaient se servir, la Banque serait à sec en moins d’une semaine. C’était un sale boulot, mais il fallait que quelqu’un le fasse. Et puis, il faut bien vivre.

    La pluie s’était légèrement intensifiée, Lia marchait bouche ouverte et appréciait l’humidité qui se répandait sur sa langue. Elle pensa malgré elle : « En ai-je le droit ou est-ce interdit ? ». Elle aurait aimé que Tom soit là, lui qui avant la fin, avait durant des jours regardé le ciel les yeux pleins d’espoir. Depuis qu’il était parti elle ne ressentait plus rien, si ce n’est cette angoisse sourde qui l’étreignait tous les matins. Elle parlait de moins en moins, et aller chercher sa ration d’eau était souvent son seul objectif de la journée.

    Lia était arrivée à son poste, et monta prendre sa place dans le mirador. Perchée là-haut, elle discernait sa parcelle, identifiée comme le numéro trente-trois. Orientée côté Ouest, elle était encore à l’ombre, et de toute manière le soleil peinait à traverser les nuages. C’était un vallon quasiment vide de végétation à part son herbe courte, où subsistaient ici et là quelques bosquets. Pour récolter le maximum d’eau au sol, la majorité des arbres avaient été au début rasés, mais l’érosion des sols avaient alors parfois provoqué de grands éboulements. Quelques arbres avaient donc été replantés pour atteindre le juste équilibre. Perdue dans ses pensées, Lia fixait la cime d’un hêtre qui oscillait légèrement, et tentait d’imaginer des brebis pâturer dans le champ. L’élevage avait depuis longtemps été arrêté, les quantités d’eau que les bêtes exigeaient étant tout simplement colossales. Aujourd’hui à part les œufs de temps en temps, très peu d’aliments d’origine animale étaient encore consommés, à moins d’être un puissant propriétaire. Lia avait un jour abattu un sanglier, mais n’apercevait que rarement des animaux sauvages.

    La journée se déroula somme toute assez vite, et quand la relève arriva Lia sursauta en attendant quelqu’un monter les barreaux de l’échelle. Elle n’avait pas vu le temps passer. Elle quitta son poste et se dirigea vers la Banque, qui était à plus d’une heure de marche mais le détour était nécessaire, elle n’avait plus d’eau chez elle. En chemin, elle se rendit compte que la pluie s’était arrêtée.

    Quand elle arriva devant la Banque, une queue d’une vingtaine de personnes s’y était déjà formée, chacune tenant à la main son bidon d’une capacité de 5L. Ce bidon était avec le temps devenu comme un nouvel organe du corps humain, indispensable, et chacun veillait scrupuleusement sur le sien. L’entrée de la Banque était unique, et gardée par plusieurs soldats en faction lourdement armés. Elle donnait sur le mur supérieur du barrage où un cheminement était aménagé jusqu’à un portail fermé, derrière lequel des galeries s’enfonçaient dans le béton armé de l’ouvrage, jusqu’à un jeu de vannes qui fournissait l’eau tant désirée par tous. Lia n’était jamais allée plus loin que la grille. Son tour arriva vite et elle laissa son fusil aux gardes avant de s’engager sur le barrage. Trente mètres plus loin elle s’arrêta devant des grilles fermées et s’adressa à la personne en faction.

    -          « Lia, matricule n°5872. »

    Après avoir consulté un énorme registre, la personne tourna une clé dans une serrure et une ouverture se fit au milieu des barreaux, permettant à Lia de glisser son bidon.

    -          « Combien de litres ?

    -          Trois, répondit machinalement Lia. »

    Chaque jour, elle gagnait quatre litres d’eau qui étaient alors crédités sur son « compte bancaire ». Sur ces quatre litres déjà un demi-litre litre était prélevé pour contribuer à la préparation du repas du soir. Lia n’utilisait généralement que trois litres par jour, et son compte était donc assez bien fourni. Avec dix litres d’eau on pouvait s’acheter un deuxième bidon, et Lia avait fait cet investissement pour remonter suffisamment d’eau chez elle les jours où elle se lavait, tous les 7 jours.
    Hodi33 le 13 janvier 2020
    [Les yeux bleus en amande 2]

    Au bout d’une courte attente son bidon réapparut par l’ouverture de la grille et elle le saisit, vérifia la bonne fermeture du bouchon, puis le rangea dans son sac et se rendit au réfectoire. Elle dîna rapidement puis rentra chez elle, où elle s’endormit vite d’un sommeil de plomb.

    Le lendemain, le même rituel matinal eut lieu puis Lia partit pour son poste. Arrivée à son mirador, elle balaya le vallon du regard, puis s’assit.

    Quelques heures plus tard, du coin de l’œil, Lia crut percevoir un mouvement furtif, à côté d’une futaie en contrebas. Elle la fixa longuement, mais rien ne bougeait. Sûrement un lapin ou un oiseau, mais elle avait l’obligation d’aller vérifier de ses propres yeux. Elle descendit lentement l’échelle et se dirigea vers les arbustes. Malgré elle, son rythme cardiaque commença à s’accélérer en arrivant plus près. Elle serra son fusil un peu plus fort, et commença à contourner les hêtres par la droite. Elle tendit l’oreille et crut discerner un léger bruit, comme si un animal était en train de remuer la terre. Soudain, elle les vit, cachés entre deux arbres, et un frisson glacé lui parcourut l’échine. Elle s’immobilisa et les observa. La fille devait avoir douze ans, et le garçon une dizaine d’années. Ils étaient noirs de crasse, et occupés à creuser à mains nus, sûrement pour tenter d’atteindre un drain qui collectait les eaux. C’était peine perdue, ceux-ci étaient enfouis à plus de deux mètres de profondeur. Soudain, le garçon leva les yeux, et le cœur de Lia explosa. Deux yeux bleus en amande la fixait, elle avait l’impression de voir ressurgir le fantôme de Tom. Le garçon tapota le bras de la fille, et tous deux arrêtèrent leur besogne.

    -          «  Vous ne pouvez pas être là, bafouilla Lia. Les enfants ne bronchèrent pas, ils continuaient de la dévisager, sans avoir l’air effrayés ou surpris. Elle enchaîna :

    -          Il faut que vous partiez, des rondes peuvent passer ici à tout moment. »

    Certaines personnes étaient en effet chargées de tourner régulièrement parmi tous les postes d’observation pour vérifier que tout allait bien. Tout en parlant Lia réfléchissait aux différentes possibilités. La théorie était simple, elle devait les abattre. Il y avait déjà des enfants dans la communauté, et personne n’accepterait deux orphelins coûteux en eau. Elle-même ne pouvait pas, ses quatre litres quotidiens lui suffisaient à peine. Mais Lia était incapable de presser la gâchette. Elle pouvait les cacher mais le même problème se poserait, il lui faudrait trouver trois fois plus d'eau et de nourriture. Elle ouvrit la bouche pour parler mais un coup de sifflet la coupa net : une ronde. Elle n’était pas à son poste et ils utilisaient le sifflet pour l’avertir de leur présence. Le garçon sursauta en entendant ce bruit, et la jeune fille lui passa un bras autour de l’épaule. Elle le rassurait en silence. Cette scène acheva de décider Lia. Bien qu’ils n’eussent pas dit un mot depuis le début, Lia posa un doigt sur ses lèvres pour leur faire signe de se taire. Elle sortit son bidon de son sac et versa un peu d’eau dans un récipient de fortune en fer blanc que possédaient les deux enfants. Puis, elle regagna son poste en contournant le bosquet par l’autre côté.

    -          « Quelque chose à signaler ? », lui demanda l’homme, un fusil semi-automatique en bandoulière. Lionel, de mémoire.

    -          « Un oiseau qui a agité les branches d’un arbre. Je suis allée voir. Il s’est envolé. ». Lia lui mentit sans détourner le regard, et sans hésiter. L’homme la dévisageait, son visage buriné ne laissait transparaître aucune émotion.

    -          « Retournez à votre poste alors. »

    Puis Lia vit avec soulagement Lionel s’éloigner du côté opposé aux enfants. La journée s’écoula lentement, Lia n’osait pas y retourner, de peur qu’une ronde passe à cet instant, ou de peur qu’ils ne soient plus là. Le soir elle retourna dans sa cabane pour récupérer son deuxième bidon d’eau avant de partir les remplir à la Banque. De retour chez elle, elle s’allongea sur son matelas de paille. Elle fixait le toit et réfléchissait. Un plan s’élaborait doucement dans sa tête mais c’était risqué. Trop risqué. Elle passa la nuit les yeux ouverts, et quelques heures avant le lever du soleil, elle se leva, rassembla toutes ses affaires et ouvrit la porte. Un dernier regard sur la photo, et elle partit. Pour la première fois depuis longtemps, le poids dans son ventre n’apparaissait pas ; il s’était transformé en détermination latente. Les muscles de son corps sec et musclé étaient tendus vers son nouvel objectif.

    Elle rejoignit ensuite son poste d’observation et retourna là où elle avait laissé les enfants. Sous la lumière de la demi-lune qui transparaissait à travers les nuages elle eut du mal à les trouver du regard, mais soudain elle les vit, blottis l’un contre l’autre sous une couverture. Elle caressa doucement les cheveux du garçon et leur fit signe de se préparer. Ce fut rapide. Elle retraça mentalement l’itinéraire qu’elle avait composé, puis commença à marcher, dos à la lune. Les autres partiraient à sa recherche, et ce serait dangereux, mais sa décision était prise, elle choisissait la vie.

    Elle marchait vite et les enfants durent courir pour la rattraper. Chacun d’un côté, ils la tenaient par le bas de sa veste.

    Lia jeta un œil au garçon, qui la vit et qui, après une hésitation, lui sourit de ses dents irrégulières. Lia sentit son ventre se serrer tant ce visage ressemblait à celui de la photo. Elle lui rendit un sourire crispé. Une goutte ruissela soudain sur son visage et, surprise, elle leva les yeux au ciel avant de comprendre. Il était donc encore possible de pleurer.





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