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    Pippolin le 08 avril 2020
    Eh bien ! Belle histoire franceflamboyant ! 
    scooby le 08 avril 2020
    Ver et compagnie

    En ces temps difficiles
    Voir le vert de l'espoir
    Oublier ce qui est noir
    Voir le vert de la victoire

    Ne penser qu'au positif
    Voir le verre à moitié plein
    Plutôt que le verre à moitié vide
    Rejeter le négatif

    Profiter de la télé
    Pour revoir ses films préférés
    Cendrillon et son soulier de vair
    Mais aussi les trois mousquetaires

    Profiter aussi de la nature
    Observer les vers de terre
    Respirer un bon air pur
    Ecrire des vers sans bavure

    Et surtout aller vers l'avenir
    Pippolin le 09 avril 2020
    Le Joli Pays tout Vert  (Variante)


    C’est un joli pays tout vert. Un joli pays de petites collines rondes comme des pommes -vertes sur lesquelles une route – vert d’eau – rebondit puis disparait au gré de pentes et des bosses, « comme un ruban qu’on déroule ». De ci de là, il y a des bosquets, d’un vert bouteille, des chênes isolés et des pâtures piquetées des vaches aux grandes tâches verts épinard ou parfois des chevaux à la robe vert émeraude. Au loin, l’horizon dessine des courbes douces sous un ciel d’un vert printemps, lumineux. Une voiture, dont on ne distingue pas bien la couleur à cette distance, (mais qui semble bien verte) roule dans notre direction.

    Dans ce joli pays tout vert, deux enfants jouent au ballon. Un frère et une sœur, tous deux vêtus de vert, chemisette et bermuda vert menthe pour le garçon, petite robe verte absinthe pour la fille. Aux pieds des tennis pour lui, des sandales pour elle – de couleur vert céladon. Ils se lancent le ballon, le ballon vert et le rattrapent en poussant des cris joyeux. Si la scène était un dessin, on verrait des phylactères au-dessus de leurs têtes, dans lesquels seraient inscrits : « Hi ! Hi ! Ah ! Ah ! », bulles blanches dans ce décor tout vert. Le garçon, plus petit, est en haut de la pente, la fille, plus grande mais pas si grande, même encore petite, est en bas, près d’un puits vert mousse autour duquel se prélassent des vers de terre.        

    Le garçon veut montrer sa force, il tire le bras en arrière et envoie le ballon si haut que sa sœur n’arrive pas à le rattraper et le ballon roule, roule et la petite fille court après. C’est fâcheux parce que dans la descente le ballon vert prend de la vitesse et que la petite fille ne court pas si vite. Mais elle accélère, elle accélère, de peur que le ballon ne tombe dans la rivière, juste après la route. 

    L’auto n’est plus très loin. C’est une petite auto vert citron, petite fantaisie que s’est acheté son conducteur, un homme avec un chapeau melon vert impérial sur la tête, qui s’en revient de son travail. Il est vendeur dans une boutique de parapluies – de toutes les teintes de vert – et sourit parce qu’il connait bien le climat d’ici et sait qu’il va bientôt pleuvoir à verse. D’ailleurs il y a déjà quelques gouttes d’un vert anis qui tombent sur son capot. Le chauffeur au chapeau melon vert impérial sur la tête rêve aux belles ventes qu’il fera demain quand il ressent un choc vers l’aile avant gauche et qu’un éclat de verre apparait sur son parebrise vert opaline. Le chauffeur est contrarié. Il a économisé longtemps pour sa petite auto. Il espère qu’elle n’est pas rayée.

    Le vendeur de parapluies s’est trompé. La pluie n’est pas tombée. Jusque quelques gouttes. Il est inutile de mettre en route les essuie-glaces. Dans le joli pays tout vert, aux arbres et bosquets verts, le vendeur de parapluie poursuit son chemin.

    La petite fille a rattrapé son ballon juste à temps. Elle a eu raison de courir, de courir encore, d’insister… Fière d’elle, elle fait rebondir son ballon bleu… Bleu ? La petite fille est éberluée.. Bleu comment est-ce possible ? Mais ?... Sa robe est toute jaune ! Comme un bouton d’or ! Et ses cheveux sont blonds… comme les blés de ce champ, près des pâtures où des vaches aux taches marron et des chevaux à la robe alezan ou isabelle la dévisagent d’un air bienveillant. Et tout change, se colorie, se pare de couleurs chatoyantes et assorties. Et sur l’horizon, apparait un magnifique arc en ciel.

    Moralité : Tout finit bien quand on persévère…
    glegat le 09 avril 2020
    J'ai bien aimé ce texte très coloré Pippolin
    Pippolin le 09 avril 2020

    Merci glegat ...J'apprécie.

    La 1ère version, avec sa fin glauque ne me plaisait pas.... J'aime mieux les happy ends. C'est mon côté fleur bleue.
    Sflagg le 11 avril 2020
    Salut !

    Comme promis voici un texte tout frais, juste sorti du stylo. C'est pas vraiment la suite de l'autre, mais un peu quand même. En tout cas il en a été inspiré :


    Le ver de terre et le jeune pêcheur                 (11/04/20)


    Il était un ver de terre
    Qui lui vivait par terre
    Et qui était cousin de l’autre,
    Celui de l’appartement, le pauvre.
    Il habitait sous une souche de bois
    Dont il avait fait son toit,
    À l’orée d’une forêt
    Où, son trou, il avait foré.
    Il était un jeune pêcheur
    Qui était en quête de leurres
    Pour assouvir sa passion,
    La pêche des gros poissons
    Qui se trouvaient dans l’océan
    Où il aimait trempé son séant.
    Il se munit donc d’une bêche,
    Sans oublier sa canne à pêche.
    Il était un ver de terre
    Qui voulait aller voir la mer
    Pour y faire trempette
    Et des bulles quand il pète.
    Il était un jeune pêcheur
    Qui était de bonne humeur,
    Car, en creusant le sol
    Il eut du bol.
    Il était un ver de terre
    Qui l’avait bien amer
    Quand enfin il plongea dans l’eau
    Et qu’il se fit malmener par les flots.
    Il était un jeune pêcheur
    Qui, avec les poissons, jouait les aguicheurs
    Grâce à son frétillant appât
    Qui lui ne s’amusait pas.
    Moralité :
    Si vous êtes un ver de terre
    Évitez d’aller à la mer,
    Et retenez bien cette leçon
    Pour pas finir au bout d’un hameçon.

    S.Flagg !!

    Bonne chance à tous !!
    glegat le 11 avril 2020

    Un monde fou où les mots s'entremêlent sans respecter la distanciation sociale

    En contrebas, au pied d'un cyprès au musc haletant, un hanneton muni d'un haut-de-forme s'avançait nonchalamment le long d'un long lombric. J'observais la scène du haut d'un pont ponctué de taches de couleurs assorties aux odeurs environnantes. Absorbé par le spectacle, c'est à peine si j'entendis venir l'agent de police qui se dirigeait vers moi sans vergogne ni cravate. Le grattement soyeux provoqué par ses espadrilles sur le carrelage de l'autoroute qui bordait le trottoir me fit faire volte face d'un air détaché et désinvolte.

    - Bonjour citoyen ! Me lança le moustachu de la maréchaussée montante en plaquant deux doigts sur la lisière de sa casquette avec une aisance qui témoignait d'une longue pratique.

    - Bonjour monsieur l'agent, répondis-je à brûle-pourpoint.

     L'assermenté, en plein exercice de ses fonctions, parut surpris par ma réplique impromptue et je vis soudain son uniforme rétrécir d'une longueur que j'estimais proportionnelle à la distance qui nous séparait.

    - Votre attestation, je vous prie, me demanda-t-il avec un accent circonflexe typique du Sud de la Rhénanie.

     Je fis un mouvement circulaire réglementaire et platonique pour montrer ma bonne foi et sortie d'un geste puéril le document demandé en jetant discrètement un regard dans ma poche. Le gardien de la paix ne sembla pas remarquer mon manège, mais instinctivement, il fit un geste de protection à l'égard de son pompon qui jusque-là était resté coi et pelucheux.

     Il examina avec circonspection l'objet demandé et une tendresse non feinte s'échappa de ses yeux sous la forme de minuscules colimaçons versicolores qu'il rattrapa de justesse avant qu'ils ne se fracassent sur le sol moite et lumineux.

     L'agent scrupuleux lu abondamment, puis ses bras redescendirent d'un niveau, entraînant à leur suite le papier qui n'en demandait pas tant. Dans le même temps, son visage se rapprocha du mien d'une manière maussade et pointue. Ses lèvres frémirent comme des éclats de copeaux sous le soleil et je l'entendis me dire d'un air de reproche :

    - Mais il n'est pas vert ce papier !
    Sflagg le 12 avril 2020
    Salut !

    Je sais j'abuse, mais voici un dernier texte pour finir ma trilogie sur les vers de terre, car comme on dit : jamais deux sans trois.


    Le jeune ver de terre à la montagne                (12/04/20)

     
    C’était un jeune ver de terre
    Qui vivait sur une jolie montagne.
    Ce qui est plus logique que dans une galère
    Et moins pénible que dans un bagne.
    C’était un jeune ver de terre
    Qui habitait un pré tout vert,
    Entouré de vaches et de marmottes
     Et qui créchait sous une motte.
    Ce qui est moins la loose
    Que dans une bouse
    Et plus sûr que dans un abricot,
    Pas comme ses voisins, les asticots.
    C’était un jeune ver de terre
    Qui voulait juste prendre l’air
    Car il n’avait point d’idée de grandeur.
    Pas comme ses deux cousins, ces glandeurs.
    C’était un jeune ver de terre
    Qui voulait juste voir comment l’herbe est verte,
    Mais qui ne vit que le bec d’un oiseau.
    Ce qui n’est pas mieux que se retrouver sous les eaux
    Ou sous la roue d’une voiture,
    Mais tout aussi immature.
    C’était un jeune ver de terre
    Qui n’avait dans la tête qu’un seul rêve,
    Qui ne fut, hélas, qu’un cauchemar
    À l’apparence d’un canard
    Et qui finit dans le malheur,
    Comme ses deux cousins, ces branleurs.
    En conclusion :
    Quand on est un ver de terre,
    Que l’on vive en appart ou en bord de mer,
    Voir même à la montagne,
    On n’est pas forcément mieux loti qu’à la campagne.
    Conclusion pas forcément formidable,
    Mais ainsi se termine cette longue fable.

    S.Flagg !!

    A+ et bonne chance à tous !!
    nilebeh le 12 avril 2020
    Ma contribution, première du genre

    Game vert

    Dimanche de Pâques confiné à la campagne, quelque part en Seine et Marne.

    Vous habitez à Vaires ? m'interroge un garçon mal embouché à qui je demande de bien vouloir sortir de mon verger. Il est là, accroupi sous le cerisier, parmi les herbes folles. Mais que peut-il bien y faire ?

    Et de quoi se mêle-t-il ? De quoi ai-je donc l'air ?

    Oui, enfin, vers cette ville, ce n'est pas mon univers. Mais pourquoi diable êtes-vous caché dans la verdure de mon jardin ? Et n'essayez pas de de me la faire à l'envers, vous n'avez rien à y faire !

    Si. J'écris. Des vers. Et comme vous m'avez dérangé, me voilà vert de rage à l'idée de recommencer. Vous n'imaginez pas le temps qu'il me faut pour être satisfait de mes vers, c'est comme si vous aviez induit le doute en mon esprit, un peu comme un ver dans un fruit. Alors, j'arrête, je perds l'idée . Triste revers ! A partir de zéro, il va falloir tout refaire. La poésie, c'est comme le travail du verre, on en souffle les images jusqu'à ce qu'elles prennent forme et deviennent jolies. Mais si on est dérangé, paf ! les vers se brisent en mille éclats de rire ! Et tout va de travers.
    Vous voulez vraiment m'infliger ça ? Vous serez responsable d'un drame, en prose ou en vers, ça peut mal finir. Seriez-vous à ce point pervers ?

    Bon, j'ai compris. N'ayez donc pas si haut le verbe. Je ne vous veux pas de mal. Pour me faire pardonner, on sort du verger, on va chez moi prendre un verre ? Et de vos vers, vous m'enverrez bien un exemplaire ? Promis, je transmettrai à Babelio, aux amis toujours curieux de productions littéraires. En comptant sur leur indulgence séculaire....

    Mais que diable suis-je allé faire dans cette galère !
    richardb le 15 avril 2020
    Écoutez le trouvère

    Écoutez le trouvère
    Qui de par l’univers
    Contre tous et envers
    Clame les mots de son calvaire

    Écoutez le trouvère
    Qui de ses larmes de vers
    Claires comme le verre
    Ose attendrir l’hiver

    Écoutez le trouvère
    Qui à l’abri des revers
    D’un lourd manteau de vair
    Se cache du diable Vauvert

    Écoutez le trouvère
    Qui au printemps le plus vert
    Par l’automne recouvert
    Annonce à tous une fin… en vers

    paronomase
    ©RichardB
    nilebeh le 15 avril 2020
    Joli! Sauf la fin ...!
    CaraT le 16 avril 2020
    Bien trouvé, @Glegat !
    Et tout à fait de circonstance
    vibrelivre le 16 avril 2020
    Au val vert

    Le soleil faisait le tour du propriétaire. Il répandait ses rayons, disposait ses faisceaux, dardait ses flèches, il perçait, filtrait, pénétrait, baignait. Il était partout. Il était puissant.
    Les vallons aux formes si sensuelles reposaient sous sa lumière caressante. Ils étaient d'un vert doux, ras, une couverture souple où s'assiéraient les rêves sans poids. Les vallons étaient nus, aucune maison ne s'étageait sur leurs pentes, nulle bête n'y paissait.  Seul l'astre lustrait leurs dos tièdes, épanouis. Déjà c'était l'heure quiète de fin d'après-midi, quand la none n'était pas encore atteinte.
    Plus loin, d'un vert plus sombre qui rappelait l'artichaut, une colonne d'arbres aux troncs grêles se dressaient immobiles. Vers où regardaient-ils ? Regardaient-ils ? Attendaient-ils une présence intruse dans ce désert qui verdoyait ? Qui aurait l'audace d'y mettre une note dissonante ?
    Au pied des vallons, c'étaient les prairies. L'herbe y était plus longue, flexible, aérienne. Elle palpitait. Elle chatoyait. Des taches de transparence illuminaient le tapis vert qui volait dans le libre, roulait dans le vif, semant pastèques, menthes, frais basilics, des billes d'olives, et de petites pommes rondes, d'un vert très clair, luisant, se mêlaient à l'argent, et d'autres, au vert plus foncé et bistré de tavelures, perdaient leur corps biscornu dans les ombres sombres. C'était un pelage changeant, vivant, qu'on eût voulu brosser, une fourrure en soie d'un vert profond, sous laquelle frémissaient encore les muscles fluides d'un félin végétal, concentré, silencieux.
    A une grande distance, la diaprure disparaissait sous une arche d'un vert presque noir, fendu horizontalement d'une béance scintillante. Il fallait écarter des broussailles verdâtres, qui n'engageaient pas avec leurs ronces sournoises et des cheveux sales comme des scalps de sorcières. L'air se ramassait et devenait épais. Des fougères, aux feuilles graphiques, dessinaient des éventails qui n'éventaient pas, des plumes d'autruche, des crosses, des ailes tourmentées, des étendards, dans des verts familiers et étranges, des verts tendres, francs, ténébreux, cendrés, étincelants, mouchetés de sores. On reconnaissait la réglisse sauvage à ses verts austères, comme mélancoliques, et qui ne se donnaient pas. L'euphorbe espiègle jouait ses verts acidulés. Le soleil, en régisseur superbe, y posait des touches d'or. Le lieu s'humidifiait, et dans la pénombre enchantée d'émeraudes et d'ocelles dorées, somnolait un étang glauque, croûté de mousse, de vase en filaments poisseux, de lentilles d'eau qui flottaient avec mystère. Les arbres qui y plongeaient leurs ramures veillaient sur ce serpent herbeux d'un vert qui tirait sur le rouge ou s'obscurcissait dans des tons brunâtres. Le soleil faisait resplendir sur une feuille en suspension -de l'anis ou de l'absinthe?- de la pure dentelle, une toile arachnéenne encore indécise. Le temps s'était arrêté. Une barque imaginaire planait entre des rangs de peupliers majestueux, des aulnes verts aux feuilles gaufrées, et dont les racines brunes veloutées d'un vert pleureur semblaient des doigts énormes boursouflés de verrues, des frênes tirant des langues d'oiseau d'un vert plus marqué sur le dessus, diaphane en dessous, et qui donneraient du cidre. Le soleil câlin embrassait leurs feuillages irisés, un wax explosant en vert, en jaune, en gris, en rires, en blanc, et ils se laissaient faire.
    Alors la tête se levait, et une puissante pluie d'or irradiait, transfigurant le vert. Il en coulait une hypnotique paix.


    glegat le 16 avril 2020
    vibrelivre   Très belle envolée lyrique !  Comme une introduction à une histoire champêtre. J'aime.
    glegat le 18 avril 2020

    PASSERELLES VERS L'IMAGINAIRE

    Première partie


    Lorsque Félix décacheta l'enveloppe qui lui avait été remise par le notaire, le rédacteur de cette missive, son oncle, le professeur Octave Janus, était décédé depuis quelques semaines.

     Félix s'installa dans son fauteuil et commença à lire. Il reconnut aussitôt, avec émotion, la fine et élégante écriture de son plus proche parent :

    « Mon cher Neveu,

     Nous sommes le 21 juin 2019, dix ans se sont écoulés depuis les événements qui ont bouleversé ma vie. Me voici vieux et malade, je pense qu'il est temps pour moi de transmettre le secret que j'ai préservé si longtemps.

     C'est à toi, Félix que je dois cette confession. Je ne négligerai aucun détail, si insignifiant qu'il puisse paraître, tu sauras sans doute y trouver des indices qui t'aideront à résoudre cette énigme. Je garde un souvenir très précis de cette aventure car, j'ai eu maintes fois l'occasion d'y repenser. Voici comment tout a commencé.

     J'empruntais souvent à la même heure, la petite allée bordée de géraniums du parc Robinson, pour y retrouver mon lieu de lecture préféré ; un banc de pierre posé à l'ombre d'un tilleul géant. En ce début d'été, le parfum très marqué de cet arbre majestueux guidait mes pas. J'étais parfois accompagné par quelques abeilles attirées par les fleurs mellifères de mon hôte bienveillant. Le parc était situé à quelques centaines de mètres du Lycée Champollion. Dans cette illustre institution, j'enseignais depuis plus de trente ans, l'histoire et la littérature aux élèves des classes supérieures. Éternellement vêtu de mon costume beige, d'un chapeau léger et portant sous le bras la gazette du jour et à la main un cartable en cuir contenant quelques livres, je marchais d'un pas serein vers ma destination. Je répétais ainsi un scénario qui se déroulait au quotidien avec une régularité et une ponctualité sans faille. Une sonnerie marquait la fin de mon dernier cours de la journée et déclenchait un rituel qui se répétait avec la précision d'un mécanisme d'horlogerie. Après avoir libéré mes élèves et rangé mes affaires, je sortais de l'établissement par un lacis de couloirs et d'escaliers pour me retrouver enfin sur le chemin du parc. Je me sentais délivré d'une pesante contrainte. Non pas que je détestasse mon métier ou mes élèves, mais à la longue, je commençais à éprouver une certaine lassitude. Je ressentais le besoin de me ressourcer et de me détendre. C'est la lecture qui me permettait, depuis toujours, de retrouver mon équilibre. Chaque fin d'après-midi donc, lorsque le temps s'y prêtait, je me rendais au parc. L'hiver, c'est à la bibliothèque du quartier que je me réfugiais. Je respectais comme un cérémonial l'horaire et le trajet. Les voisins, les habitués des lieux et les observateurs attentifs, étaient, par ma présence et en toute saison, informés de l'heure et rassurés sur la bonne marche du monde en constatant que rien ne dérogeait à l'ordre des choses. Tout autour de moi reflétait l'image de l'immutabilité de l'univers.

     Arrivé à destination je m'installais comme à mon habitude à l'extrémité du banc, autant pour laisser la place à un autre promeneur que pour profiter des rayons de soleil qui à cet endroit précis, parvenaient à se frayer un passage à travers le tissu dense de la frondaison.

     Toute la journée, le soleil avait réchauffé les feuilles des géraniums, libérant ainsi leur timide odeur d'orange. Devant moi déambulaient quelques promeneurs nonchalants. Un peu plus loin, dans un espace aménagé, un enfant faisait couler du sable entre ses doigts. Cette ambiance calme et reposante était propice à la lecture.

     Je commençais par lire les nouvelles, après quoi, je me plongeais dans un roman ou une étude historique.

     J'avais ce jour-là emporté un roman de Jules Verne, «Voyage au centre de la Terre ». Je relisais avec plaisir ce livre qui m'avait laissé une si forte empreinte dans ma jeunesse. Je retrouvais avec la même acuité mes impressions d'alors. Après une heure de lecture, je sentis peser sur moi la touffeur de l'été. J'éprouvais une curieuse sensation, comme si le monde qui m'entourait se diluait dans un brouillard saturé de vapeur. Je fus soudain projeté à mille lieues du parc, au fond d'un vieux volcan islandais, plongé dans les entrailles de la Terre, seul et exténué par une longue descente, accablé par la chaleur. Mes sensations étaient bien réelles, mais j'ignorais quel sortilège m'avait précipité dans cet univers. J'étais partagé entre la crainte de ne pas pouvoir sortir de ce monde étrange et l'invincible curiosité de découvrir où cette aventure allait me conduire. Au sortir d'une galerie se révéla ce qui semblait être l'entrée d'une cathédrale ou d'un palais, à en juger par la taille de la porte. Après avoir à grand-peine ouvert l'un des battants, je pénétrais à l'intérieur d'un édifice inconnu. Je m'attendais à y trouver Otto Lidenbrock et son neveu Axel, les deux héros du roman de Jules Verne, mais les lieux étaient seulement peuplés de livres. Une quantité infinie d'ouvrages s'étalaient devant mes yeux ébahis. Une lumière miraculeuse surgissait de nulle part et caressait les reliures aux reflets bigarrés.

     Je m'imaginais à l'intérieur d'un immense navire dont la coque aurait été retournée. Des poutres de chêne taillées en courbe convergeaient vers le sommet formant ainsi comme une gigantesque épine dorsale de baleine. Des étagères remplies de volumes serrés en masses compactes et colorées couvraient les murs. Un premier niveau montait jusqu'à environ quatre mètres et était surmonté par une plateforme permettant d'accéder à un deuxième palier d'une hauteur équivalente. À intervalles réguliers, on accédait à des passerelles suspendues permettant de passer d'un côté à l'autre sans avoir besoin de redescendre. L'ensemble formait un réseau complexe de passages dont l'origine et le point d'arrivée était les livres. Au-dessus des dernières étagères le mur s'arrondissait et formait une voûte dont la vue donnait le vertige. Partout des échelles coulissantes permettaient d'accéder au moindre recoin. Cette cathédrale de livres n'avait pas été édifiée en hommage à une divinité quelconque, mais dans le but de répondre aux appétits de lecture d'une légion d'érudits. Dans le ventre de ce géant, je me sentais comme Jonas entraîné par un océan de livres dans les profondeurs abyssales de l'imaginaire ou comme une sorte de Noé bibliothécaire qui aurait construit son arche pour sauvegarder la mémoire de l'humanité. Le monde qui s'ouvrait devant moi n'était pas moins magique que celui d'Alice au pays des merveilles. Peut-être étais-je tout simplement au paradis des lecteurs. Je m'approchais des rangées de livres et en pris un au hasard, il s'agissait d'un roman de Jules Verne, "Le testament d'un excentrique". L'ouvrage était neuf et semblait tout droit sorti des presses, il s'agissait d'une édition récente de petit format. Je l'ouvris et lu le début du premier chapitre, puis je mis machinalement l'ouvrage dans ma poche. À cet instant, mon attention fut détournée par le tic-tac d'une pendule qui sonna au moment où j'en découvrais les contours. Par la force d'un enchantement je me retrouvais subitement transporté sur le banc du parc.

     C'est le tintement de l'angélus du soir qui m'avait réveillé. Ce rêve était si prégnant que j'eus beaucoup de mal à m'en extraire et c'est la réalité elle-même, avec laquelle je reprenais peu à peu contact, qui me sembla onirique.

     Ce rêve m'obséda une grande partie de la journée du lendemain. Les occasions de détourner ma pensée de ce souvenir ne manquaient pas, pourtant j'y revenais sans cesse. Les images et les sensations qui m'avaient impressionné semblaient correspondre à des faits réels. Tout ceci était très troublant.

    à suivre...
    glegat le 18 avril 2020

    PASSERELLES VERS L'IMAGINAIRE

    Deuxième partie et dernière partie

    Je ne distinguais aucune différence entre ce rêve et les perceptions du réel. J'en venais à me demander si le monde que je voyais n'était pas juste une illusion, et si, malgré l'extravagance de la situation, ce que j'avais cru être un songe était en fait la réalité, un peu comme dans la parabole du chinois qui rêve qu'il est un papillon, et se réveillant, se demande s’il n'est pas plutôt un papillon qui rêve qu'il est un homme. Il me fallut beaucoup d'efforts de raisonnement pour mettre un terme à cette confusion. J'attribuais mon trouble au phénomène des rêves lucides qui confèrent au dormeur la capacité de garder le contrôle de ses actions durant son sommeil. J'étais à ce point perturbé que je n'avais pas remarqué le fait le plus inexplicable de toute cette histoire. Dans la poche droite de mon veston se trouvait le livre que j'avais consulté dans cette bibliothèque chimérique. Je me souvenais même avec précision des premiers mots du texte, je pus le vérifier facilement, ceci était d'autant plus extraordinaire que jusqu'alors je n'avais jamais entendu parler de ce roman. Ma stupeur fut telle que, contrairement à mes habitudes, je décidais de rentrer directement chez moi à l'issue de mes cours.

     Quelques jours passèrent qui me permirent de retrouver une certaine sérénité. J'hésitais sur la conduite à adopter. En parler autour de moi ? Mais qui pourrait me croire ? N'étais-je pas tout simplement victime d'une sorte de mirage ? Finalement, c'est ma curiosité qui l'emporta, je pris la décision de renouveler l'expérience. Pour en avoir le cœur net, je me rendis au même endroit avec le livre que je lisais la première fois. Tout se déroula selon le même scénario, à une différence près, mon rêve me transporta dans la bibliothèque du congrès à Washington. Je revins de mon périple avec quelques bouquins. Les jours qui suivirent se déroulèrent à l'identique. Je maîtrisais de mieux en mieux le phénomène qui se reproduisait quel que soit le livre qui me servait de véhicule. Je pus ainsi visiter les bibliothèques du monde entier, qu'elles soient réelles, imaginaires, antiques ou modernes.

     J'ai visité des lieux célèbres, comme la librairie Larousse dans les années 1870, j'ai consulté dans leur berceau des ouvrages parés de l'éclat de leur jeunesse, publications devenues introuvables. Au temps des Ptolomées j'ai fait la connaissance de Callimaque, le conservateur de la bibliothèque d'Alexandrie. J'ai observé Pierre Larousse au travail et avant lui, Emile Littré, Diderot, d'Alembert. J'ai assisté à des lectures publiques de Charles Dickens, parcouru le grand nord avec Jack London, navigué avec Josef Conrad, fumé le narguilé avec Pierre Loti, rencontré Balzac au château de Saché, canoté avec Maupassant. Tolstoï, Gogol et Dostoïevski m'ont plongé dans le mysticisme. J'ai connu l'exil avec Victor Hugo et visité le pays de Beaudelaire, là, où tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté. Dans ces mondes à la frontière du réel et de l'imaginaire le temps semblait suspendu, chaque seconde s'écoulait comme un instant d'éternité.

     C'est ainsi, mon cher Félix, que j'ai pu composer cette collection d'ouvrages que tu aimais tant consulter lors de tes visites. Aujourd'hui ma bibliothèque t'appartient, je sais que tu en prendras soin. Elle te fera voyager comme moi, dans l'espace et dans le temps mieux que n'importe quelle machine. Peut-être même que tu pourras explorer le futur ou des univers parallèles, le prudent voyageur que je suis s'est contenté de rester dans des limites raisonnables. Il me semble que l'imaginaire de chacun peut ouvrir des perspectives différentes. Je n'ai parlé à personne de tout ceci, tu es le nouveau dépositaire de ce secret, libre à toi de le divulguer. Mais peut-être qu'un tel prodige n'est pas reproductible à l'infini et qu'il ne peut pas s'appliquer à tout le monde. Le billet de transport pour ce voyage insolite se paye sans doute en grains de folie. Et si quelqu'un t'annonce que, profitant de mon sommeil, un enchanteur a fait disparaître ma bibliothèque, n'en croit rien, il n'y a que le naïf Don Quichotte pour souscrire à une telle fable.

    Affectueusement,

    Octave.»

                                                                            ***

     Après la lecture de cette singulière épître, Félix resta un long moment perplexe. Son regard se porta vers la fenêtre d'où il pouvait apercevoir le parc Robinson. La journée s'annonçait ensoleillée et pleine d'imprévus. Sous le grand tilleul, le banc de pierre était libre pour accueillir un nouveau lecteur.

    FIN
    Pippolin le 18 avril 2020

    Très beau texte glegat. Très beau texte


    J'ai suivi les aventures du Professeur Janus avec plaisir.

    Une petite remarque, si tu m'y autorises :

    Je me suis trouvé tellement immergé dans le récit du Professeur que, même sans me souvenir du  "Voyage au centre de la terre", il me parait inutile de préciser qu'Otto Lidenbrock et son neveu Axel, sont les deux héros du roman de Jules Verne. Je pense que la phrase  "Je m'attendais à y trouver Otto Lidenbrock et son neveu Axel, mais les lieux étaient seulement peuplés de livres" est plus nerveuse et plonge plus encore le lecteur dans le récit, l'obligeant à faire le lien entre les noms et le livre (je ne sais si tout ce que j'écris est très clair)...


    glegat le 18 avril 2020
    Merci Pippolin   ta remarque est très pertinente, je vais y réfléchir et merci pour ton appréciation qui va éclairer ma journée.
    Jeangeo le 18 avril 2020
    Vert espérance

    Le virus est là. Le monde est confiné.

    Par ce beau temps ne pas sortir devient un calvaire. Certains en sont verts de rage. Les mains vertes jardinent. Les ufologues pistent les petits hommes verts. Les habits verts ne se réunissent pas pour ajouter Corona Virus à la lettre C. Les paroissiens prennent leur vert missel et prient. Pour les commerçants c’est un revers de fortune les plus touchés pensent au revolver.

    Pour les écoliers, oubliée la classe verte, qui devait mener certains vers Sceaux et d’autres dans le Jura, vers Mouthe. L’inspection académique n’a pas donné son feu vert. Ils resteront confinés alors qu’ils auraient pu être mis au vert.

    La ville est calme. Aux terrasses des cafés pas de verres, pas de vino verde. Ni de couverts dans les restaurants. Quelques personnes au visage couvert se pressent qui chez le boulanger toujours ouvert qui chez le pharmacien leur carte verte à la main.

    Le parc, parsemé de primevères, est d’un tendre vert printanier, avant que la sévère chaleur ne jaunisse le gazon. Chanceux, je suis entouré d’espaces verts de la ville. J’entends le coucou essayant de mettre le couvert chez les autres, le pic-vert frapper les écorces protégeant les insectes confinés au fond des trous verts, les colverts du petit lac cherchant les vers d’eau, alors qu’un vert geai se pose sur un pommier.

    Le gîte des pèlerins de Compostelle n’est pas ouvert. Un marcheur suisse chemine à l’envers. Je lui indique à distance et oralement la direction vers Bâle. Un pèlerin belge d’Anvers, enrhumé ne rentre pas chez lui car Anvers est contre toux ; il a pris froid en enlevant son pull-over alors qu’il aurait dû être avec le vent couvert.

    La statue du Pèlerin, au bronze vert-de-gris, est toujours à la même place, confinée sur son banc ; le bourdon posé de travers, la coquille à son revers.  Il regarde vers demain, un verre de terre rempli d’eau fraîche à portée de main. Il est aussi poète et trouvère, en langue d’oil sont ses vers. Oil ne s’exprime plus en rimes mais en billets verts. Oil se dit Lio vers Laon.

    Mais l’espérance est là. Il faut voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide. Le onze Mai ensemble, on z’met ensemble. Et on marche. Vers où ? Vers les plus belles marches, celles que l’on n’a pas faites.
    Azallee92 le 18 avril 2020
    Magnifique, Jeangéo, belle écriture qui rafraichit par ces temps difficiles, une petite balade tout en restant chez soi (...chanceuse, je suis entourée d’espaces verts de la campagne...!) Merci pour ce billet illustrant cette période où " Par ce beau temps ne pas sortir devient un calvaire".





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