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    leslecturesdeclemm le 27 août 2022
    @CalouRmn et Snoopythecat , merci pour vos retours qui me vont droit au cœur :)
    Hekate2018 le 27 août 2022

    Voici mon texte pour le défi d’écriture d’août.



    Il est tard, et, alors que je sors de la librairie, une silhouette me frôle, glisse sa main  dans ma poche et part en courant. Pensant qu’il m’a volé quelque chose, je le poursuis, mais il (je dis “il” car il me semble, d’après sa carrure, que c’est un homme) est bien trop rapide et tourne à un coin de rue. Je continue ma course et débouche soudain dans un cul-de-sac. L’homme s’est volatilisé. 

    Déçue, je rentre chez moi et, une fois installée dans mon canapé, vide les poches de ma veste en jean. En posant toutes mes affaires sur la table basse, je découvre que l’individu ne m’a rien volé. Parmi les mouchoirs, les clés et le portefeuille, je trouve même un petit papier blanc froissé et roulé en boule. C’est un ticket de caisse. Ananas, marshmallow, thé… Il n’a, à première vue,  rien d’inhabituel, mis à part des prix exorbitants. Pourtant, mon instinct me dit que ce ticket a un secret. Si cet homme me l’a mis dans la poche, c’est qu’il attend quelque chose de moi. En y regardant de plus près, je vois un message caché: Attendez-moi devant la fontaine, à deux heures du matin. Surtout, habillez-vous chaudement, il va faire froid cette nuit. Je ris de cette dernière information. Nous sommes en plein été. Pourquoi devrais-je m’habiller chaudement? Mon amusement passé, je me demande alors qui me veut quoi. Peut-être est-ce juste des enfants qui essaieraient de faire un canular? Je ne sais pas si je devrais y aller.

    Pourtant, à une heure et demie du matin, je suis en train de tourner la clé dans la serrure, et ai enfilé un épais trench-coat. J’appelle l’ascenseur, mais ce satané engin est encore en panne. Je vais encore devoir descendre six étages à pieds. Je cours presque dans les escaliers, de peur de rater mon rendez-vous avec le mystérieux inconnu. Enfin arrivée devant la porte de l’immeuble, je peine à l’ouvrir tant elle est lourde. Une fois dehors, je pars vers la fontaine de la place de la mairie. Il n’y a personne. Les rues, qui sont d’habitude noires de monde, sont désespérément vides. Plus l’heure du rendez-vous approche, plus je me sens stressée.

    Je suis arrivée. Il est deux heures moins le quart. Je vais devoir attendre. Heureusement, j’ai pris un livre de poche. J’essaie de lire, mais l’excitation m’en empêche. Je n’arrive pas à lire une phrase sans me déconcentrer au moindre petit bruit. Je regarde ma montre. Plus que cinq minutes. Je ferme mon livre, le range dans mon sac et m’apprête à fermer les yeux pour réfléchir quand…

    « Vous êtes bien Adélaïde Petit? »

    Je déteste mon nom de famille, et l’entendre prononcé à haute voix me donne des frissons. Mais je me retourne pourtant vers l’inconnu.

    « Elle-même. Et… vous êtes? »

    Je tremble. Pourtant la voix de l’homme est douce. Presque mielleuse.

    « Ambroise. Vous n’avez pas à connaître mon nom de famille. »

    Si je ne tremblais pas comme une feuille, je me serais très certainement énervée. Ambroise. Quel prénom étrange. Et si peu commun. 

    « Que me voulez-vous? Pourquoi m’avoir demandé de venir ici, à deux heures?

    -Vous le savez très bien.

    -Je ne vous suis pas. »

    Et c’est vrai. Je n’y comprends rien. 

    « Vous ne me reconnaissez donc pas?

    -Non, je… »

    Et soudain, c’est le déclic. Cet homme a été mon voisin. 

    « Votre femme… elle s’appelle Claire, n’est-ce pas? Je me souviens de vous. Vous étiez un couple qui venait de se marier, et vous êtes partis il y a six mois.

    -Oui. Et j’ai besoin de votre aide. Pour résoudre son meurtre. »

    Ses yeux bleus s’embuent de larmes, il fixe un point au loin, même si je ne suis pas sûre qu’il regarde quelque chose de précis. D’ailleurs, il est très beau, avec ses cheveux bruns. En l’apercevant ce matin, je ne m’en étais pas rendu compte, mais il est très mince et très grand.

    « Pourquoi moi?

    -Je sais que vous êtes inspectrice. Je sais que vous êtes très intelligente. Je sais que vous avez résolu toutes vos affaires. »

    Cet homme sait tout de moi. Je ne sais pas comment il peut connaître ma vie. Nous ne nous sommes parlé qu’une seule fois: lors d’une panne d’ascenseur. C’était il y a près d’un an. Et nous avions discuté de la pluie et du beau temps, rien d’autre.

    « Comment le savez-vous?

    -Eh bien, ce n’est pas extrêmement compliqué à comprendre. Vous avez votre insigne de police qui dépasse de votre poche. Il y a un an, nous avions un peu parlé et vous m’aviez appris que vous aviez résolu toutes vos affaires. Et d’après cette dernière information, j’en déduis que vous êtes intelligente. »

    Je suis bouche bée. Sa déduction me coupe le souffle.

    « Et, pourquoi avez-vous besoin de mon aide?

    -Résolvez le meurtre de ma femme.

    -Est-ce un ordre? 

    -Prenez plutôt cela comme une… »

    Il se mordille la lèvre en réfléchissant.

    « Une recommandation.

    -Une recommandation? Et que se passera-t-il si je vous dis non? »

    Plongeant sa main dans son manteau, il en sort un revolver et le pointe sur moi.

    « Si vous n’acceptez pas, j’appuie sur la détente. »

    Je panique. Cet Ambroise est un fou. Il est capable de tuer pour résoudre le meurtre de sa femme.

    « Très bien, je… j’accepte. Pourriez-vous abaisser votre revolver?

    -Oh, ça? Il est chargé à blanc. Je n’allais pas vous tuer. Je voulais simplement voir si vous résistiez à la pression. »

    Il est fou, je confirme. J’aurais du m’en douter. Je me sens honteuse. Une policière qui n’arrive même pas à distinguer un pistolet chargé avec un pistolet chargé à blanc! On n’a jamais vu cela.

    « Je résisterais, lancé-je sèchement. Ce n’est pas la peine de me menacer avec un pistolet à blanc.

    -Parfait. Et bien, disons… demain? Douze heures trente? À la terrasse de La belle Fontaine? »

    Et, comme l’idiote que je suis, j’accepte. Je me porte garante de l’enquête sur la mort de Claire. J’aurais logiquement accès aux archives demain matin. Un vent mordant nous prend alors de court, et je comprends donc l’intérêt du trench-coat.

    Et me voilà, le lendemain, dans mon bureau à six heures pour être sûre d’avoir accès avant tout le monde ce matin. Paul, l’un de mes nombreux collègues, ouvre enfin la porte des archives. Il me regarde, stupéfait alors que je cours à l’intérieur. J’adore cette partie du bâtiment. L’odeur du vieux papier est ma préférée. Je vais alors voir les archives du mois de février. Ça y est, je l’ai. Le dossier sur Claire Lavoute. Je regarde ma  montre. Il est déjà onze heures trente. J’ai passé près de trois heures à l’intérieur des archives. Je vais devoir me dépêcher d’aller à La belle Fontaine si je ne veux pas être en retard. Attrapant ma veste sur le dos de ma chaise de bureau, je passe devant le miroir pour me recoiffer. Après les avoir rapidement détaché, je passe ma main dans mes cheveux pour les démêler. Puis je me précipite à la porte après avoir glissé un rapide Au revoir à mes collègues. Dehors, j’inspire profondément. Je repense à tous les événements d’hier. Et si ce n’était qu’un rêve? Non. Impossible. Je n’aurais pas pu me souvenir du nom exact des deux personnes d’un couple que je n’ai croisé qu’une seule fois. Je marche rapidement, sans m’arrêter et j’arrive enfin devant le restaurant. Je m’assois à la terrasse, commande un verre de jus de citron et attends. Je feuillette le dossier. Claire Lavoute avait vingt-cinq ans. Elle a été atteinte par une balle alors qu’elle était en plein travail. On a arrêté le coupable. Il avait dix-sept ans et était déjà fiché. Vol à l’étalage, braquage etcétéra. Lui et son groupe avait l’habitude de s’armer de faux pistolets, mais, cette fois, un imbécile s’était amusé à intervertir un vrai avec un faux. Et c’en fut fini de Claire. Je referme le dossier et je vois Ambroise arriver. Il regarde dans toutes les directions, me cherchant.

    « Monsieur Lavoute. Je suis ici. »

    Il me voit. Il est surpris de m’entendre l’appeler par son nom de famille. Puis il voit le dossier sur mes genoux. Il sourit.

    « Je vois que vous n’avez pas traîné. C’est le dossier?

    -Oui, dis-je. Asseyez-vous, je vous en prie. »

    J’hèle le serveur, qui s’avance vers nous.

    « Vous désirez?

    -Les menus, s’il vous plaît.

    -Évidemment, évidemment. »

    Il s’éloigne et nous le voyons attraper deux menus. Il nous les tend. Je regarde. Les plats sont excessivement chers.

    « Mademoiselle, que voulez-vous prendre? Je vous invite. Disons que c’est une sorte de remerciement par rapport à votre enquête.

    -Je devrais donc continuer le plus longtemps possible, dis-je malicieusement. »

    Il rit. Je choisis donc le plat qui me tente le plus. Un plat de carbonara. Il choisit quand à lui une entrecôte, cuisson saignante, accompagnée de pommes de terre. Durant vingt minutes, nous ne nous adressons pas la parole. Les plats arrivent enfin. Le mien est délicieux. Étant habituée aux petites brasseries de quartier, ce plat représente le meilleur que je n’ai jamais mangé.

    « Bien. Alors, mademoiselle Petit. Qu’avez-vous appris.

    -Pourrions-nous nous tutoyer? Je hais mon nom de famille. »

    Il cligne des yeux.

    « Eh bien, si vous le voulez. Donc, Adélaïde. Qu’as-tu appris?

    -Ce que tout le monde sait déjà, annoncé-je d’une voix lasse. Votre femme était une employée de la banque qu’a braqué Yann Robert et sa bande. Elle a tenté de protéger l’entrée, mais l’un de ces braqueurs lui a tiré dessus avec un revolver qui devait être chargé à blanc. Voilà tout.

    -Et c’est tout? Tu ne vois pas quelque chose d’étrange?

    -Non. »

    Il soupir

    Hekate2018 le 27 août 2022
    Il soupire et me prend le dossier des mains. Il pointe alors le rapport du médecin légiste du doigts. 

    « Le médecin légiste a indiqué que la balle ne lui avait pas été fatale. Elle a été empoisonnée. Qu’avait fait Claire pour être assassinée? »

    Je lui arrache le dossier et lit tout le rapport. Le médecin est très laconique dans ses phrases. Il note juste le mot empoisonnement. Il y a une photo. Claire était extrêmement belle. Pourtant, il y a quelque chose me dérange dans son visage. Ses lèvres. Elles ont une teinte bleue.

    Un empoisonnement au cyanure.

    « Ambroise, ta femme avait-elle l’habitude de boire un verre entre collègues?

    -Oui. Avec sa meilleure amie et collègue Anna, sa patronne et un certain… comment s’appelait-il? Ah, oui ça me revient: Pierre. Pierre Valirin. Ils allaient toujours au même restaurant.

    -Où ça?

    -Ici même. »

    Donc Ambroise m’a emmenée au restaurant dans lequel sa femme a probablement été assassinée. Très bien. Cette journée va être gaie, je le sens.

    « Pensez-vous que… l’un de ces trois là l’a empoisonnée dans ce restaurant?

    -Eh bien, étant donné qu’ils ont été les seuls à la côtoyer ce jour-là, oui. Le cyanure fait effet très rapidement. Elle n’a pas pu l’ingurgiter avant au moins treize heures trente.

    -Vous… enfin, tu es sûre de toi?

    -Autant te dire que, avant d’être inspectrice, j’ai du étudier le domaine médico-légal. Devoir travailler avec une envie de vomir constante, je peux vous dire que je m’en souviendrai très longtemps. Alors, oui. Je suis sûre de moi. »

    Nous terminons notre assiette dans un silence de plomb. Le serveur, le même que la dernière fois, nous retire nos plats. Ambroise commande alors un Earl Grey avec une touche de lait, moi un café. Il prend aussi un ananas tranché. Il me pousse l’assiette vers moi. J’accepte volontiers et en prend une. C’est le plus bon ananas que j’ai jamais mangé.

    « Leur thé est délicieux. Leur ananas aussi, d’ailleurs. J’adore le Earl Grey. Surtout avec du lait. Mais j’imagine que vous l’avez remarqué? En regardant mon ticket de caisse? »

    Je rougis. Il a tout à fait raison.

    « Effectivement. Ne m’en veux pas. À force de rechercher des indices partout quand je travaille, ça devient une habitude. Et puis de toute façon, dis-je en me renfrognant, si je ne l’avais pas inspecté de haut en bas, je ne serais pas devant toi en train de me pencher sur le dossier de la mort de ta femme.

    -Certes. »

    Il boit une nouvelle gorgée de thé. Je remue ma cuillère dans mon café pour dissoudre le sucre, même si je sais pertinemment qu’il a déjà fondu. J’essaie de gagner du temps. Du temps pour qu’il m’explique la vie de Claire Lavoute.

    « Puis-je te poser une question sur Claire?

    -Vas-y, répond-il après un moment d’hésitation.

    -Comment était-elle? Pas physiquement, plutôt son portrait psychologique.

    -On croirait entendre une psychologue.

    -Ça tombe bien, je suis inspectrice.

    -Tu es très drôle, dis-moi. »

    Je lui lance un petit sourire charmeur. Pourquoi? Je n’en ai aucune idée. 

    « Donc, comment était ta femme? 

    -Elle était assez timide, mais dès qu’elle se familiarisait avec quelqu’un, elle devenait tout de suite amicale. Enfin, si elle l’appréciait. Lorsque nous nous sommes rencontrés, elle était avec un groupe d’amies et elles lui avaient lancé un défi: elle devait aller me parler. Et Claire l’a fait. Nous avons parlé des heures puis, quand elles ont décidé de partir, nous avons échangé nos coordonnées. Après cela, nous nous sommes revus presque tous les jours suivants. Un jour d’hiver, nous discutions de tout et de rien en face d’une tasse de thé, et ce jour-là, nous nous sommes embrassés. C’était la première fois et ni l’un, ni l’autre ne savait ce qu’il faisait. 

    -Pourrais-tu m’épargner les détails s’il te plaît?

    -Je vais essayer de me concentrer sur l’essentiel. »

    Il prend une grande inspiration, expire lentement (ce souvenir doit être très douloureux pour lui), puis reprend:

    « Nous nous sommes mariés en septembre, et ce fut le plus beau jour de ma vie. Claire était magnifique dans sa longue robe blanche. Nous l’avons fait en très petit comité. Six mois avant sa mort, elle est tombée enceinte. D’une petite fille. J’étais le plus heureux des futurs papas. Malheureusement, à cause de cet saleté de tueur, elle n’a jamais pu voir le jour. En tuant ma femme, ils ont aussi tué ma fille. »

    Une larme roule sur sa joue. Me levant de ma chaise, je m’agenouille près de lui et lui murmure à l’oreille:

    « Je suis désolée. »
    Hekate2018 le 27 août 2022
    Je sais que rien ne pourra le consoler, mais je pense tout de même que ces trois mots auront un impact sur lui. Je jette une nouvelle fois un œil sur le dossier, et vois quelque chose que je n’avais pas remarqué avant. La chose la plus importante d’une enquête. Les traces ADN. Elles indiquent clairement que le verre de menthe qu’a bu Claire a été touché par Pierre Valirin. 

    « Ambroise, regarde-ça. Les empreintes digitales. Ce sont celles de Pierre Valirin. Son collègue. C’est lui qui l’a tuée. »

    Il frappe joyeusement dans ses mains. Je ne comprends pas ce changement d’humeur. Il pleurait il n’y même pas deux minutes et le voilà avec un grand sourire aux lèvres.

    « Bravo, Adélaïde! Je te félicite. Tu es l’une des seules personnes à avoir trouvé le meurtrier de Claire Lavoute.

    -Attends, tu veux dire que… Mais, Claire? Ce n’est pas ta femme.

    -Bien sûr que si! Claire, viens ici! »

    Une jeune femme blonde s’approche de nous. La même que celle sur la photo. Ses yeux bleus pétillent de joie. 

    « Mais… mais… Et le rapport d’autopsie? Et ces traces ADN? Et cet histoire de braquage?

    -Tout a été inventé de toutes pièces! Regardes le ticket de caisse. C’est avec lui que tout a commencé, n’est-ce pas? Vous n’avez rien remarqué d’étrange sur ce ticket? »

    Ébahie, je sors le ticket de caisse de ma poche. Claire pointe le bas du papier du doigt. Je secoue la tête. Comment ai-je pu être aussi stupide?

    « BABELIO. Vous en connaissez beaucoup, des magasins avec ce nom? C’est une caméra cachée. Nous vous filmons pour ce site internet. En fait, nous allons proposer votre enquête à de jeunes auteurs pour qu’ils puissent y trouver une source d’inspiration. Merci à vous pour votre contribution, d’ailleurs! »
    Hekate2018 le 27 août 2022
    Désolée pour ce texte un peu long. D’ailleurs, avait-on un nombre limité de mots?
    Ymerej13 le 28 août 2022
    @hekate2018 j'ai beaucoup aimé votre histoire !  Ça sent l'amateur de policiers ;-)
    Hekate2018 le 28 août 2022
    Merci beaucoup, @Ymerej13 =)
    scooby le 29 août 2022
    Un peu de crevettes
    Pour ne pas être bête
    Suivi d'ananas
    Pour moins de tracas


    Un peu de lait
    pour ne pas être laid
    Et quelques marshmallows
    Pour se sentir beau


    Pourquoi pas du citron ?
    Préparé en décoction
    Mais surtout pas d'ail
    Attention odeur de bétail !


    Utiliser son rasoir
    Et non le sécateur
    Contre les poils disgracieux
    C'est un vrai bonheur


    Ne pas oublier l'allume feu
    Et les ustensiles de cuisine
    Si l'on veut profiter
    De cet encas improvisé


    La javel il faut y penser
    Avec un peu d'insecticide
    Pour ensuite tout nettoyer
    D'une façon plutôt rapide


    Prévoir une clé USB
    Ou de l'encre pour imprimer
    Si l'on veut se rappeler
    Tout ce que l'on doit acheter


    Et pour bien digérer
    Sortir faire un tour
    Avec son parapluie
    En cas d'intempérie


    Ce ticket de caisse perdu
    Avec sa liste de course dessus
    Me permet  d' imaginer
    Celui qui l'a laissé tombé


    franceflamboyant le 30 août 2022
    leslecturesdeclem : "J'espère que ce n'est pas ce misérable imprimé qui me mettra derrière les barreaux." Une accumulation d'interrogations et un traitement agréable du sujet.

    Ymerej 13 : je suis restée un peu sur ma faim. Que va t'il se passer qu'on ne sait pas...Ceci dit, vous savez créer une ambiance, susciter les interrogations.

    scooby: j'aime beaucoup. C'est rythmé, imaginatif et la fin est bien dans le ton du sujet donné. On peut en effet tenter de s'imaginer celui qui a laissé tomber le ticket.
    franceflamboyant le 03 septembre 2022
    elea votre récit est en pleine phase avec le sujet.J'en ai aimé les méandres. Votre plume est vive.
    vibrelivre le 03 septembre 2022
    T'as un ticket ?



    Elle aurait dû ramasser ce papier.

    Elle s'était réveillée en sursaut. Elle transpirait. Elle haletait.
    Elle essaya de se rendormir. Impossible. Elle avait perdu le sommeil. Oh, elle se rappelait tout. Les nuits sont d'avisées thérapeutes. Pas moyen de biaiser. Elle l'avait vu, ce papier. Elle aurait pu le ramasser. Oui, mais voilà, quelque chose l'arrêtait. Quelque chose ... ou quelqu'un ! Ce papier ne se trouvait pas là par hasard. Quelqu'un l'avait jeté au sol, justement devant ses pieds. Et avant de le faire, il l'avait bousculée. Il marchait avec hâte, sanglé dans son imperméable, coiffé d'un chapeau Borsalino, comme un policier des années soixante ou comme un gangster des mêmes années ou comme un acteur -un acteur!- qui jouait le rôle du policier ou du gangster. Elle l'avait suivi du regard, encore sous le choc. Il avait dû sentir ses yeux dans son dos, des poils de sanglier qui lui brossaient la peau. Avant de tourner au coin de la rue, il l'avait dévisagée. Elle était sous sa coupe. Alors pourquoi n'avait-elle pas ramassé ce fichu papier ?
    Elle s'agita un moment dans le lit, puis comme possédée elle se leva, passa un manteau sur son pyjama, enfila des baskets et sortit de chez elle. Il faisait noir, il pleuvait. Elle en reparlerait de son libre arbitre. Elle était bien consciente qu'elle était prise de folie, mais s'il fallait être raisonnable tout le temps, peut-être passerait-elle à côté de quelque chose qu'elle pourrait regretter. Elle refusa tous les sages arguments, et se mit à courir, telle une bonne sœur de Loudun, vers le lieu où se trouvait le dit papier. Est-ce qu'elle le récupérerait ? Serait-il encore là ? Serait-il lisible ? Parce qu'elle en était sûre, il lui avait adressé un message.
    Elle était essoufflée, non pas tant par la course que par les romans qu'elle se faisait. Elle alluma son portable. Elle ne put réprimer un cri de joie. Non mais, quel trottin à deux sous était-elle. Si l'inconnu la voyait ! Le papier l'attendait, à peine caché par des feuilles déjà trempées. Elle lui ôta délicatement ses froissures, elle le lissa, puis brusquement elle s'arrêta. Qu'est-ce qu'elle faisait ? Un transfert ? Elle caressait quoi, qui ? Elle mit brutalement le papier dans sa poche, et courut. Elle ne rencontra personne. C'était déjà ça. Sauve et sauvée des railleries méritées. Saine, elle ne connaissait pas même le mot.
    Elle enleva son manteau, et se fit un café. Il fallait se reprendre. Elle pouvait s'en tenir là. Avoir fait tout ce cirque pour s'arrêter maintenant ? On était dans le grand n'importe quoi. Avant, ou en ce moment ? Elle pensait double. C'était le combat du risque-tout et du cul-de-plomb. Non, non, pas de cul. Si l'aventureux pouvait poursuivre un idéal, l'aventureuse ne s'égarait-elle pas ? La réponse était dans la question. Elle était perdue. Perdue pour perdue, autant lire le papier.
    C'était un ticket de caisse. Merde alors. Elle en était pour ses frais. Pourtant, il l'avait bien toisée. Ou elle l'avait rêvé ? Il ne l'avait pas coudoyée ? Elle n'avait pas senti comme une onde de chaleur, un frisson inattendu, se propager à l'endroit du choc ? Elle n'avait pas vu cet homme et cet imperméable ? Cet homme n'avait-il pas marqué un arrêt avant de disparaître, et ne l'avait-il pas retenue dans les rets de ses yeux magnétiques ? N'avait-il pas laissé une trace avec ce papier ? Ou bien elle se l'était imaginé ? Et pourquoi ? En tout cas, l'onde étrange et délicieuse, son corps ne l'avait pas oubliée, alors qu'elle en avait conçu un peu de honte mêlée à de la peur. Elle s'était même demandé fugacement qui elle était.
    Elle étudia le papier. Rien de particulier. Rien non plus de courant. Comme si l'homme projetait de faire une petite dinette dans son jardin, après avoir pris toutes les précautions. - Il n'était pas trop maniaque, au moins ? - Petites courses éclectiques. Un homme qui mangeait des bonbons, c'était peu viril - elle avait des préjugés - au moins ils pourraient les manger ensemble. Elle rit toute seule. Elle était en colère. Elle s'était monté la tête. Il l'avait bien eue. Comme mère de conseil, la nuit se posait là!

    ***

    Quelques heures plus tard, elle se réveilla de méchante humeur et nullement reposée. Sa journée de congé s'annonçait bien. Elle n'avait pas terminé son petit-déjeuner quand sa sœur passa.
    -Ne te dérange pas pour moi. Je t'apporte le linge pour Maman.
    Elles avaient placé leur mère dans une maison de retraite, et toutes deux se sentaient coupables. Aussi faisaient-elles tout ce qu'elles pouvaient pour que ce séjour fût le moins désagréable possible.
    -C'est quoi, ce ticket ?
    C'était sa sœur. Elle ne pouvait pas s'empêcher de regarder partout. En même temps le ticket trônait, comme le maître de maison.
    -J'ai fait quelques courses.
    -T'as acheté un allume-feu ?
    -C'est pour une amie.
    -Et où tu les as faites, tes courses ? C'est quoi, Babelio ? Une nouvelle enseigne ? Il n'y a pas de total, juste un point d'interrogation, avec une série de chiffres. Va falloir chercher Turing.
    -Il n'y a pas de total ?
    Sa soeur reprit son examen.
    -Mais c'est un code ! Astucieux ! Tu m'en diras tant. Je comprends que tu gardes soigneusement ce ticket. Hé, hé !
    -Un code ? Qu'est-ce que tu racontes ?
    -Regarde. Si tu lis de haut en bas, tu as à bientôt, et on comprend le point d'interrogation. C'est une question. Qui t'est posée. CQFD. Pas mal, cette idée de message. Bon, je file, j'ai autre chose à faire que d'inventer des types de communication secrète. Hé bien, tu ne t'ennuies pas. Tu remarqueras que je ne te demande pas comment tu as eu ce ticket. A plus. N'oublie pas de rendre visite à Maman.
    Elle ne manquait pas d'air, sa sœur. Lui dire d'aller voir sa mère, comme si elle ne savait pas qu'elle allait tous les jours à Korian. Toujours la petite remarque qui fait plaisir. Un code ?! Qu'est-ce que c'était que cette histoire ? Evidemment qu'il y avait les prix. Allume-feu, 21, brochettes de marshmallows, 3, -tiens, une offre, intéressant !- insecticide, 9, eau de javel, 9, navets, 15 -son légume préféré, mais il les avait payés la peau des fesses, non, non, pas de fesses - comme s'ils étaient exotiques ou alors ils étaient bio, très bio-, thé earl grey, 18 -oh, la délicate saveur de la bergamote- ombrelle, 19 -ombrelle ou parapluie ? non, ombrelle, symbole de souveraineté. En Asie, soit. Mais elle tenait à son prince, et charmant si affinités. Assurément. C'était électif. Elle le pressentait.
    A bientôt. Elle était quand même perspicace, la frangine. Le second t commençait le mot total. C'était vrai qu'il n'y avait pas de total. Elle ne l'avait même pas remarqué. Sûr qu'au grand jour on y voyait plus clair. Ou alors la caisse enregistreuse avait foiré le logiciel ? La somme était extravagante. 48.- 18 21 5- -4 5 19- -1 14 1 14 1 19- Elémentaire, Watson, à chaque chiffre, sa lettre correspondante, et avec la répétition du 1 et du 14, l'énigme était un jeu d'enfant. 48, rue des ananas. Et la seconde ligne , 5 5 5 5 5 ? Mais c'est bien sûr, c'était l'arrondissement. Des ananas, dans le cinquième ? Bizarre, comme c'est …
    A bientôt ?
    Spontanément, et sans mystère, elle écrivit oui au dos du ticket, puis elle ajouta volontiers.
    Sans se poser de questions -quand on est heureux, la vie est limpide- elle prit son manteau. Quel jour de congé elle passerait. Quel genre d'homme ce devait être. Sa mère attendrait peut-être un peu. Sa sœur trouverait encore à redire. Bah, elle avait le ticket.
    Cathye le 03 septembre 2022
    Bonjour,
    Quelques bonnes lectures à savourer
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    Un ticket aux mille saveurs

    Je m’baladais sur l’avenue le cœur ouvert à l’inconnu 🎹🎼 les yeux dans l’vague et l’nez en l’air. Quand je l’aperçois, qui gît au milieu des pavés luisants de la dernière pluie. Un vent léger le soulève pour le redéposer aussitôt. 
    Comme s’il pesait lourd.
    Ahh non, ça va pas l’faire !! M’enfin...on ne jette pas ses papiers sur la chaussée😡.
    Des pas rapides, plus loin devant moi, claquent en s’éloignant sur le trottoir. Aussitôt,  je relève les yeux…Pour voir disparaître une silhouette ou plutôt un pan de veste. Femme, homme, jeune certainement vu l’éclair qui s’est envolée et a disparu en quelques secondes à peine😳. 
    Après tout, l’inconnu.e ne s’est peut-être pas rendu compte ou tout simplement n’en est pas le propriétaire…
    Je reviens donc sur mes pas pour ramasser ce bout de papier et le jeter dans une corbeille située à proximité quand mon regard capte un alignement. Une liste de courses. Je comprends aussitôt qu’il s’agit d’un ticket de caisse. Froissé. Légèrement délavé, même.
    Bof, me dis-je, est-ce si important ?
    Mais ne résiste pas à le détailler. Au demeurant, banal. Des consommables et d’autres d’ordre ménager.
    Cependant, quelque chose m’interpelle, m’attire curieusement sans que je réussisse à définir quoi. 
    Bizarre. Bizarre.
    Fébrilement, je le tourne, le retourne, je ne ferai pas mieux avec une loupe, peut-être le verso révèlera un indice. Mais il reste vierge, désespérément vierge.
    Hésitant à le jeter, je tire sur mon nez, passe la main dans mes cheveux, courts, mais que je rejette quand même en arrière, signe d’une grande perplexité chez moi. 
    Pendant un bon bout de temps, je reste planté là, à réfléchir, troublé. Avant que, lentement, je reprenne ma route, le papier toujours dans la main et la tête non pas dans les nuages, encore que le flou envahisse mes neurones, mais plutôt dans le magasin dont le nom figure au bas du ticket. 
    Et pas des moindres !! Qui justifie, de fait, le prix.
    Et me fait penser que la personne qui l’a jeté ou perdu n’est pas n’importe qui.
    Alors, mentalement, je visionne les rayons des denrées alimentaires en référence aux produits qui composent l’achat. 
    Pffff…. Comme si la clé de l’énigme se trouve là !?
    De stupidité, je ris. Heureusement, personne aux alentours.
    Pourtant, je ne peux m’empêcher d’examiner plus attentivement l’imprimé.
    C'est évident, il y a de la recette dans l'air. 
    Mais le reste ? Pourquoi faire ? 
    Pas le temps de me poser d'autres questions, car, d’un seul coup, je sais !
    Comme ce bon inspecteur Bourrel, dans «les cinq dernières minutes», je balance « Bon Dieu ! Mais c'est… Bien sûr » ! 
    Immédiatement, j'imagine...La bouche gourmande de ce qui se prépare, les narines déjà frémissantes de ces arômes délicats.
    Voyons...
    En brochette, l’ananas, découpé en cubes, accompagnera les crevettes marinées dans du lait de coco et du citron, agrémenté de tranches d’ail, pour un met plus goûteux.
    L’allume-feu réchauffera le BBQ sur lequel quelques banches de cassis coupées au sécateur et posées sur la grille parfumeront les marshmallows grillés.
    Quoi de mieux, en accompagnement, que ces petits navets nouveaux et tendres, rôtis dans le beurre ou sautés à la poêle, arrosés de quelques gouttes du jus de ce fruit divin.
    Avec le rasoir, entailler et découper, j’ai toujours admiré ce savoir-faire, le zeste de quelques agrumes bien dodus et former des roses éphémères jaunes ou oranges pour une décoration plus suggestive.
    Ne surtout pas oublier le kit d’ustensiles de cuisine utiles à la manipulation des ingrédients, au risque de se brûler les doigts.
    Le pichet transparent, symbole de fraîcheur, rempli de thé Earl Grey blanc, trônera sur la grande table en bois, nettoyée d’une lichette d’eau de javel afin d’y détruire d’éventuelles scories qui auraient eu la bonne idée de passer au travers des nettoyages précédents. 
    Pulvérisation, au préalable, d’une touche d’insecticide en prévention d’invités suspects et non désirés et garder à portée de main le spray pour parer à toute attaque intempestive.
    Le cas échéant, le parapluie protègera, du soleil ou de la pluie, celui qui officiera à l’instant où le photographe déclenchera l’appareil.
    Puis, une première ébauche sur imprimante-encre facilitera les modifications ou les corrections nécessaires à ce pas-à-pas culinaire.
    Enfin, la clé USB servira de support à l’enregistrement du cliché définitif à soumettre à l’éditeur pour le prochain livre de cuisine, déjà en préparation. 
     
    Parce que oui je t’ai reconnu, toi, le plus fabuleux et le plus fantaisiste des cuisiniers. 
     
    Allez, sans rancune, déchiré et jeté. Tu n'en as plus besoin !
    Cathye le 04 septembre 2022
    leslecturesdeclem : une envolée saignante mais bien agréable à lire

    Scooby : toujours dans la rime. J’aime beaucoup

    elea2022 : une écriture qui ne laisse aucun répit, j’adore cette façon de raconter.

    Vibrelivre :  le ticket de l’amour. En voilà une belle histoire

    charlene_bzh : - « un oiseau qui n’existe pas, un sommeil agité et un ticket dans la main ». Du rêve à la réalité. Belle imagination

    Chlegranger : le ticket qui réunit une fratrie. C’est beau
    Snoopythecat le 06 septembre 2022
    Vibrelibre  Une histoire d'amour qui pourrait débuter, cela change des approches plus criminelles, chouette idée. 
    Snoopythecat le 06 septembre 2022
    Hekate2018  Quelle belle imagination et que c'est bien écrit;
    Avoir découpé le texte en plusieurs parties est une excellente idée. Cela aurait pu être long mais j'ai eu envie de savoir la suite et j'ai même un goût de trop peu, donc ce n'est pas long du tout .
    Snoopythecat le 06 septembre 2022
    elea2022  Que d'imagination, je vous tire mon chapeau, je n'aurais jamais pensé à aborder le sujet de cette façon. Bravo.

    PS : vous me donnez des complexes, j'ai l'impression d'avoir autant d'imagination qu'un Marshmallow grillé .
    franceflamboyant le 06 septembre 2022
    vibrelivre : après les pistes policières, il est heureux de découvrir votre proposition ! Joli texte qui sonne comme un prélude à une belle rencontre .

    Cathye: une vision originale, loin des univers plus sombres qui ont été évoqués dans plusieurs textes. Chaque objet cité trouve son utilité; tout concourt à montrer l'habileté du plus fantaisistes des cuisiniers !
    AndrewM1987 le 08 septembre 2022
    Bonjour @FlorinNogueira,

    Voici ma contribution au défi d'écriture du mois d'août 2022 :

    Titre de mon texte : Le ticket de la paix

    Samedi 23 août 2003, 13 h 56, Bagdad, Irak. Communiqué de presse de Mme. Luna Ahajjam, secrétaire générale de l’Organisation des Nations Unies.

    « La région connaît la guerre depuis plus de deux ans. Au lendemain de l’attentat ayant frappé le poumon de notre action, la communauté internationale appelle les dirigeants des pays membre à soutenir l’exécutif de M. Karzaï. L’objectif premier est une recomposition urgente d’un gouvernement stable. Les experts nous disent que la logique sécuritaire ne diminue pas la menace terroriste qui pèse sur les Irakiens. Nous demandons à tous les acteurs de ce conflit de travailler ardemment à une sortie de crise visant à stabiliser le régime politique en place et in fine redonner à la population la maîtrise de leur destin. »

    L’aube, cet unique moment de la journée propice à la réflexion, à la rêverie et aux souvenirs. Avant que le soleil ne m’agresse de ses rayons, j’erre dans la maison et m’interroge sur les sens de la vie. Je me demande : quelle aurait été ma vie ailleurs, dans un autre pays, avec une autre culture, sur un autre continent ? Vous allez me prendre pour une folle, mais tant pis. J’adore ça, créer des scénarios dans ma tête. Comprendre le monde qui m’entoure et ses beautés. C’est ainsi qu’on m’a éduqué et j’en suis fière.

    Au loin dans la maison, la voix de Mama résonne. C’est le surnom que je donne à maman, mais uniquement en famille. Par respect pour elle. Elle me demande d’aller au Centre commercial Al-Mansour Mall. Elle pense que je trouverai plus facilement les denrées à acheter. J’habite dans le quartier de l’université Al-Turath, à cinq minutes à pied. Pourtant, je déteste y aller pour faire les courses. Les gens sont bizarres. Ils vous dévisagent du regard. Je me sens mal à l’aise. C’est tellement étrange cette sensation de se retrouver nue devant eux. Mais pour faire plaisir à Mama, j’y vais quand même.

    Habituellement, je vais au supermarché Al-Rabea, près de l’hôpital. Un bus me dépose juste devant l’entrée. C’est facile et rapide. Les habitants du quartier y sont plutôt sympathiques. Il y règne une odeur agréable de jasmin et de menthe, et de Shawarma, l’en-cas typique, que tout le monde ou presque aime. Une viande braisée enfermée dans un sandwich avec de délicieux légumes frais. Un véritable délice pour les papilles. Dans la rue longeant le Centre commercial, la foule afflue en masse. C’est le jour du Marché. À cette heure de la journée, les commerçants distribuent généreusement les invendus à la population. À mes pieds, j’aperçois un ticket de caisse froissé. J’en suis certaine, il appartient à cette femme. Celle-là même qui m’a dévisagé avant de s’enfuir en un éclair. Je le ramasse pour le jeter. Une idée me vient alors en tête : découvrir ses intentions profondes.

    Mes proches me disent que je suis une femme bienveillante, curieuse d’esprit et intelligente. Pourquoi cette femme m’a déshabillé du regard tout à l’heure dans la rue ? Pourquoi a-t-elle volontairement fait tomber ce ticket devant moi ? Que cache-t-elle comme secret ? Que veut-elle ? Je ne cesse de m’interroger sur ses intentions.

    Dayanara : Mama ? Je t’entends mal. Parle dans le téléphone et diminue le son de la télévision s’il te plaît.

    Mama : tu m’entends ? Ma chérie, as-tu entendu les nouvelles ? Al-Quaeda a bombardé les Américains, ici chez nous. J’ai entendu le discours de Luna Ahajjam. Il faut que tu rentres le plus vite possible à la maison. Je suis inquiète.

    Dayanara : ne t’inquiète pas, je serai bientôt de retour. Je suis déjà presque arrivée à Al-Mansour. Je fais au plus vite.

    Mama : prends soin de toi. Je t’aime.

    Dayanara : je t’aime aussi.

    Rentrer à la maison avant d’en savoir davantage, impossible pour moi. En même temps, Mama m’attend avec impatience. Que dois-je faire ? C’est décidé, je rentre et j’oublie tout. Et surtout, pas un mot à Mama de toute cette histoire. Sur le chemin du retour, je suis prise d’angoisses. Et si cette femme me connaissait ? Et si elle voulait du mal à ma famille ? Je suis terrorisée.

    Inconnue : Dayanara ?

    Moi : qui êtes-vous ?

    Inconnue : j’ai besoin de vous parler. C’est urgent.

    Moi : que se passe-t-il ?

    Je la regarde intensément. Ses yeux sont profonds. Son corps est empli de sensualité. Je suis jalouse de cette inconnue, à peine croisée. Son ticket lui ressemble. Elle aime cuisiner, de temps en temps seulement, de savoureuses recettes exotiques. Elle utilise le lait et l’ananas pour la douceur, l’ail et le citron pour rehausser le goût de ses préparations, le crustacé pour la rondeur, le marshmallow pour la douceur, le thé vert pour la volupté et le navet pour le côté acre de l’aliment. Elle aime les barbecues et prendre soin d’elle. Définitivement, cette merveilleuse inconnue m’ensorcelle. Il est impératif que je reprenne mes esprits à présent.

    Inconnue : vous souvenez-vous de votre mission à Beyrouth ?

    Moi : pour qui travaillez-vous ?

    Inconnue : je m’appelle Maryam. Je travaille pour les Nations Unies. Accepteriez-vous à nouveau de nous aider ?

    Moi : je ne sais pas de quoi vous parler. Qui vous envoie me parler ?

    Maryam : c’est confidentiel. Vous le savez, n’est-ce pas ? Néanmoins, vous avez pu compter sur cette personne au Liban.

    Moi : je ne peux plus. Mama est gravement malade. Je suis rentré pour prendre soin d’elle et je ne désire plus quitter mon pays.

    Maryam : je suis sincèrement désolée pour votre mère. Mais nous avons besoin de vous.

    Moi : pourquoi m’avoir jeté ce ticket ?

    Maryam : l’objectif est de vous recruter au sein des Nations Unies, comme experte en sécurité intérieure. Vous avez le profil.

    Moi : je ne sais pas. Je suis une citoyenne irakienne maintenant. Pas une traîtresse. Plus une traîtresse. Je me suis repentie. Et Dieu l’a approuvé. J’ai tout laissé tomber pour vous et vos fichus intérêts stratégiques. Ma famille, mes frères et sœurs de cœur, tous. Le monde va mal. Vous le savez et vous ne faites rien. La peur du lendemain plane au-dessus de nos têtes. La famine ne cesse de nous atteindre. La guerre fait rage sur la planète. Quand allez-vous stopper vos ingérences dans les affaires des autres ?

    Maryam : Dayanara, s’il vous plaît. J’ai vu la façon avec laquelle vous avez ramassé, analysé et décortiqué ce simple bout de papier. Vous êtes là personne idéale pour ce poste. Croyez-moi. Vous n’avez rien perdu de vos habiletés d’antan. Soyez sans crainte, vous n’avez trahi personne. Votre droiture vous honore. Vous avez servi des intérêts qui vous dépassent. Vous avez bien fait.

    Moi : et ce numéro 2.287 592 ? Que veut-il dire ?

    Maryam : appelez-moi et nous discuterons de tout ça. Au calme et à l’abri des regards indiscrets.

    Moi : autour d’un thé vert ?

    Maryam : bien évidemment.

    Dans le meilleur des cas, je devrais tout raconter à Mama. D’abord, mes mensonges. Puis, mon engagement pour les Américains et enfin mon détachement pour le compte des Irakiens. Mais je dois me taire dans toutes les langues. Elle ne comprendrait pas. Elle serait peinée de mes décisions et à la fois si fière de moi. Sa fille ayant servi son pays avec foi, détermination et sincérité. Mais aussi le pays ennemi, selon elle. Un déshonneur pour nous tous. Une trahison. Et elle aurait raison. Dayanara : Mama ? Je suis rentrée à la maison.

    Mama : je t’ai demandé de faire vite au Centre commercial. Dans le contexte actuel, il est préférable de ne pas flâner en ville ma chérie, tu le sais. Je suis heureuse de te savoir de retour, en sécurité, à mes côtés. C’est de l’or.

    Dayanara : Mama ? Je t’aime et t’aimerai éternellement. Ceci dit, je dois te parler de choses importantes.

    Mama : je t’écoute mon cœur.

    Dayanara : il y a quelques années, après la mort de Baba, …

    Samedi 23 août 2003, 19 h 57, Bagdad, Irak. Communiqué de presse de Mme. Luna Ahajjam, secrétaire générale de l’Organisation des Nations Unies.

    « Ce soir, une attaque de drone a littéralement dévasté un quartier d’habitation non loin de l’université Al-Turath. C’est avec un immense regret que nous annonçons la mort d’au moins une de nos agents à Bagdad. Elle a travaillé de nombreuses années au Liban ou encore au Maroc pour le compte de son pays. C’est avec honneur et engagement qu’elle a servi également notre Organisation. La responsabilité, la loyauté et le professionnalisme l’ont incarné durant ses quinze années où elle a œuvré pour la paix, tant ici qu’ailleurs. Elle s’appelait Dayanara Mektoub. Toutes mes pensées vont aujourd’hui à sa famille et à ses proches. »
    glegat le 08 septembre 2022
    Quelqu'un sait-il quand se termine le défi du mois d'août ?, ne serait-ce pas plus simple de boucler sur un mois juste du 1er au 31 par exemple ? Comme c'était naguère.
    glegat le 08 septembre 2022
    CAZAUX   Merci pour la réponse.





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