Bonjour à tous,
Voici ma participation pour ce mois-ci. Ce texte doit être un peu hors sujet, mais c'est ce que m'a inspirée cette question de
juliebabelio J'avais envie de vous partager un peu de rêverie et de poésie.
Au plaisir de vous lire au fil du mois.
Un instant, juste un instant. Une pause sur mon chemin ce matin. Un répit dans les rouages d'une routine trop bien réglée. Sur un trottoir, au milieu de nulle part, dans une ville, presque une île, dans un monde bétonné que la main de l'homme a façonné. Un mur gigantesque et fleurissant se dresse devant moi. Et soudain, le vacarme citadin s’estompe. Il s’atténue pour ne devenir qu’un murmure lointain.
Une odeur, juste une odeur. Une senteur, un parfum envoûtant, une effluve, une fragrance enivrante. Un transport de joie dans mon coeur. Un cadeau insoupçonné, une surprise dans ce matin gris de printemps. Je lève les yeux et mon regard se noie dans le dégradé de mauve devant moi. Une cascade de poésie le long de ce mur me fait frissonner d'émotion. Mon corps entier est happé dans cette vision. Mes pieds sur ce bout de trottoir et mon esprit qui prend la fuite.
Je ferme les yeux et un autre univers s'ouvre à moi. Mon imagination m'emporte comme à chaque fois. Bien malgré moi, je suis embarquée dans un monde qui m’appartient. Le réel côtoie le chimérique, le raisonnable rencontre l’illusion, la logique télescope l'extraordinaire. Mon esprit vagabonde, mes rêves prennent vie. Je suis plongée, entièrement plongée dans ce paysage que ma fantaisie a créé. Rêve ou réalité ? Je ne sais plus moi-même où me situer en cet instant.
La douceur de l'arôme fleuri réveille une vieille bâtisse en pierre saugrenue. Un pan de mur est couvert de vigne vierge. Le vert tendre met en valeur le doux violet de la glycine descendant en grappes vaporeuses. Jolis pétales, perles fleuries, bouquet de songes. Le murmure d’un ruisseau comme une délicate mélodie. La prairie se teinte du rose de la bruyère des contes de mon enfance. Le souffle tiède de la brise réchauffe mon corps engourdi.
Je plisse les yeux pour apercevoir les moutons paître tranquillement au bas de la colline, proche du lac en contrebas. Leur tête noire, leur laine blanche contrastant avec l’herbe d’un vert éclatant, leur petite clochette tintant joyeusement. Un rayon de soleil vient donner une lueur brillante et chaude sur cette vue enchanteresse. Le reflet de l’eau est si éblouissant qu’il me fait monter les larmes aux yeux.
Un désir irrépressible me pousse à courir et à dévaler le vallon à toutes jambes. Dans ma course frénétique, j’ôte mes chaussures pour être au plus près de la terre. Je veux tremper mes orteils dans cette eau scintillante. Le vent soulève mes cheveux défaits. Ma jupe vole autour de moi. Mon rire envahit l’espace.
Essoufflée, je me laisse tomber dans cette nature étourdissante. Les abeilles bourdonnent, les insectes cheminent, les agneaux cherchent leur mère. Je ne veux pas me relever, ni rouvrir les yeux. Je prends pleinement conscience de mon corps sur ce tapis naturel. Je ne fais qu’un avec elle. Un sourire béat sur mes lèvres, mon esprit se vide complètement de pensées obscures contrôlées par l’heure qui tourne, pour se remplir uniquement de cet instant. Et si…
Mon être paralysé par cette vision et ce bien-être se retrouve brutalement secoué. Un bus vient à passer. Il me frôle le bras dans un arrêt fracassant. L’odeur de gaz d’échappement mêlée à celle de la cigarette laissée fumante au sol me renvoient à mon quotidien. Je sors fébrilement la carte de bus de la poche de ma veste, j’entre à mon tour dans la réalité d’un bus bondé. Le bruit m’assaille. Je retourne brutalement dans le vertige de ma vie. La parenthèse se referme, rêverie et poésie sont finies.
J’ai envie d’y croire, je désire y retourner, je souhaite recommencer. Vivre dans mes rêves et ignorer la réalité. Et si… Un jour peut-être… Mais pour cette journée qui vient de commencer, dans cette foule dense et oppressante, j’emporte avec moi l’odeur et la couleur que cette glycine reposante a fait couler sur moi.