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    juliebabelio le 02 juin 2023
    Bonjour à vous,

    Je vous retrouve pour le dernier défi d’écriture que j’animerai seule entièrement (le temps passe vite !). Le prochain sera par co-animé avec une nouvelle stagiaire chez Babelio. Mais nous en reparlerons en temps voulu !


    Le thème de ce mois de juin se résume en quelques mots : Et si c’était vrai ?
    Qu’est-ce que vous inspire cette phrase ? Sujet d'actualité ou fiction ?
    Je ne souhaite pas vous donner trop d’informations sur ce sujet pour que vous n’ayez aucune contrainte et puissiez partir dans la direction que vous souhaitiez !
    Je vous laisse vous amusez avec ce sujet qui, je l’espère, vous plaira.

     

    Je vous rappelle que la taille et la forme de votre contribution sont libres et nous ne prendrons en compte que le premier texte que vous posterez ici en répondant ci-dessous. Et par respect pour tous et toutes, et afin d’encourager de plus en plus de monde à participer, nous vous encourageons à faire preuve de bienveillance pour chaque texte publié. Vous avez jusqu’au 30 juin pour participer et tenter de remporter un livre !
     
    A vos claviers,
    Julie


    GaLim le 02 juin 2023
    Merci Julie !

    Voici ma contribution pour ce mois-ci : cf. lire "Et si c'était vrai..." de Marc Lévy ! Et voilà un défi rondement mené, finalement très facile 😉... 

    Bon courage à toutes et tous.
    Cathye le 02 juin 2023
    Galim : c’est ce qui s’appelle un plagiat🙄😅
    Tellement bien imagé et imaginé que l’on peut se demander Et si c’était vrai🤗
    Allez, toutes et tous à vos plumes.
    franceflamboyant le 02 juin 2023
    Il dit ça car il est très jeune: c'est un bébé babelionote...
    glegat le 02 juin 2023

    La légende des siestes

    Accablé de paresse et de mélancolie,
    Je rêve dans un lit où je suis fagoté,
    Comme un lièvre sans os qui dort dans un pâté,
    Ou comme un Don Quichotte en sa morne folie…

    Ces vers de Saint-Amant trottent dans ma tête tandis que je tiens à peine dans mes mains, le livre de Gontcharov “Oblomov” que je lis d’un œil qui parfois se ferme. J’ai l’image d’Oblomov étendue sur son divan, enveloppé dans sa robe de chambre, un bras sous la tête, le regard vague, perdu, songeur, indécis. Tout somnole dans son appartement ; les meubles, la poussière les personnages. Le lecteur que je suis est hypnotisé par la voix de l’auteur qui m’emporte dans les profondeurs du rêve.
    Tout à coup je glisse, je m’enfonce, je sombre, bercé par le tic tac de l’horloge. Je pénètre dans l’appartement d’Oblomov. Je vois maintenant dans les moindres détails, les bibelots, les tapis ternes, les tableaux aux couleurs fatiguées, le désordre, le négligé. Ici tout n’est que paresse, langueur et oisiveté. Qu’il fait bon dormir et rêver dans le calme de son gîte.

    Quoi de plus agréable et de plus apaisant que de voyager dans sa bibliothèque, de choisir un livre et de se laisser guider vers des horizons inconnus. Partager et accepter le sort des personnages qui vous entraînent aux frontières du possible. Me voici transporté dans une autre époque, dans un lieu lointain et mystérieux. Je peux voir et sentir, toucher et entendre, ce n’est pas une illusion. Je comprends toutes les langues et tous les destins, je navigue solitaire, mais entouré, je ressens le tumulte, mais il ne m’atteint pas. Le croyez-vous ? Et si c’était vrai ?
    SarM le 03 juin 2023
    Un taxi pour ailleurs

    Il pleuvait cette nuit-là, une pluie diluvienne accompagnée d'un vent furieux dont les rafales avaient renversé certaines poubelles. Chaque bourrasque insufflait aux déchets éparpillés une vie propre, ils s'animaient dans une danse saccadée jusqu'à ce que les trombes d'eau les rabattent de nouveau sur le bitume mouillé.
    Bien à l'abri dans son taxi, Karam arpentait les artères de la ville désertée de tout client potentiel avec pour seule compagnie la musique de son autoradio. La Mercedes sillonnait les eaux de la chaussée transformée en rivière et à travers le pare-brise embué ces dernières reflétaient les néons des enseignes en une myriade d'éclats de lumière crue. Engourdi par le ballet incessant des essuie-glaces, il envisageait sérieusement un retour au bercail quand surgit devant lui une bien étrange apparition. A l'autre bout de la rue, un être fantomatique bravait les éléments déchaînés. Ses bras nus, d'une blancheur spectrale, étaient levés en direction des nues et sa tête, penchée en arrière, s'offrait sans entrave au déluge. Fugitivement, le conducteur sentit les cheveux de sa nuque se dresser puis la raison prit le dessus pour lui confirmer que c'était bien un homme qui se tenait là-bas. D'où il était, Karam ne pouvait distinguer les traits de son visage mais tout dans son attitude indiquait qu'il n'était nullement incommodé par la tempête. Il tournoyait sur lui-même, comme un enfant – ou un fou –, ses vêtements trempés, plaqués contre son corps. Au ralenti, la Mercedes franchit les derniers mètres qui les séparaient. Était-il ivre ? se demanda le chauffeur en arrêtant son véhicule. Drogué peut-être ? Mais peu importait son état, ce n'était pas la première fois qu'il proposait ses services à ce genre de marginal... Du moment qu'il payait. Toutefois, son index resta en suspens au-dessus du bouton de la vitre électrique quand il réalisa que ce marginal-là ne portait pas de chaussures aux pieds. L'homme s'était immobilisé. Les bras repliés sur lui-même, il se pencha vers la vitre. Ses lèvres bleuies par le froid se fendirent d'un large sourire. Le chauffeur le dévisagea, pas encore certain d'activer la commande. Il n'avait pas l'allure d'un clochard. Il portait un jean délavé et un tee-shirt blanc immaculé, devenu presque transparent. Quand l'inconnu sortit un portefeuille en cuir de sa poche arrière, Karam se résigna à ouvrir suffisamment la fenêtre pour demander :
    – Tout va bien, monsieur ?
    – Au poil ! répondit l'autre en riant. Vous pouvez m'emmener ?
    Dans l'habitacle, le cliquetis du déverrouillage retentit :
    – Montez.
    L'homme ouvrit la portière dans un souffle qui ébranla le sapin désodorisant suspendu au rétroviseur, puis le calme revint une fois la porte claquée.
    – Vos sièges, dit l'homme toujours souriant mais visiblement gêné, je suis trempé...
    – Tenez, prenez ça.
    Karam lui tendit une serviette et précisa :
    – C'est plus pour vous que pour les sièges. Où va-t-on ?
    Comme si la question lui avait semblé incongrue, son client mit un certain temps avant de répondre :
    – J'avoue que je n'y ai pas encore réfléchi... Roulez et, ne vous en faites pas, j'ai de quoi payer.
    Vous avez de quoi payer mais pas de souliers... Karam haussa les épaules à cette pensée et démarra.
    Il n'était pas du genre bavard, comme certains de ses collègues. La musique seule dissipait le silence. Il en avait réglé le volume pour qu'elle soit audible sans incommoder son passager. Lui non plus n'était pas des plus loquaces. Des coups d’œil discrets dans le rétroviseur lui indiquèrent qu'il avait achevé de se sécher. Les mèches brunes de ses cheveux ébouriffés se dressaient en épis indisciplinés sur son crâne fumant. Il grelottait. Karam augmenta le chauffage et continua à observer discrètement l'homme qui l'intriguait d'autant plus qu'il ne savait toujours pas où aller. Un bel homme, se dit-il, confus par ce simple constat. Il passa une main moite sur sa barbe naissante. Sa gorge s'était couverte de plaques rouges qu'il sentit remonter le long de ses joues. Il déglutit et ne put s'empêcher de le guigner de nouveau. L'inconnu, nimbé de lumière à chaque passage sous un lampadaire, contemplait le paysage défiler sous ses yeux. Il affichait un air songeur mais heureux avec, toujours, ce léger sourire aux lèvres. Guidé par la seule force de l'habitude, le conducteur laissa lui aussi son esprit vagabonder. Qu'avait-il pu advenir dans la vie de cet homme pour le pousser à sortir par un tel temps sans chaussures ni manteau ?
    – La gare de Lyon... c'est loin d'ici ? demanda-t-il soudain, arrachant Karam à ses divagations.
    Par pur réflexe, le chauffeur consulta son GPS, le temps de se reconnecter à la réalité et de savoir où sa conduite automatique l'avait mené.
    – Une vingtaine de minutes, monsieur.
    Le passager jeta un coup d'œil aux chiffres rouges électriques du compteur.
    – Parfait, allons-y.
    Leurs regards se rencontrèrent dans le rétroviseur. Karam se dit alors qu'il devait être à peine plus jeune que lui, pourtant une drôle de résignation lui creusait profondément les traits à cet instant précis. L'homme détourna les yeux et son sourire revint.

    Karam immobilisa la Mercedes sur le dépose-minute balayé par le vent. La pluie avait cessé. Son client régla sa note en carte bleue et lui tendit un billet froissé et humide, cinq euros de pourboire.
    – Merci, monsieur.
    Leurs doigts se frôlèrent.
    Le vent rugit et ébranla l'habitacle quand la portière s'ouvrit puis claqua derrière le passager de nouveau livré aux éléments, pieds nus.
    – Monsieur !
    Le bras à demi sorti par la fenêtre ouverte, Karam hurlait presque pour être entendu :
    – Votre pointure ? demanda-t-il en désignant du menton les pieds de l'inconnu. Vous faites du combien ?
    L'homme fixa ses orteils comme s'il les voyait pour la première fois et partit d'un grand éclat de rire en revenant sur ses pas :
    – Du quarante-deux !
    – Attendez...
    Karam se pencha sous le volant, seules ses larges épaules étaient visibles par l'encadrement de la fenêtre. Il émergea en brandissant sa paire de chaussures.
    – … prenez-les ; elles risquent d'être un peu grandes mais ce sera plus confortable que rien du tout !
    L'inconnu, embarrassé, passa la main dans ses cheveux avant de saisir les souliers avec reconnaissance. Il les enfila puis se redressa ; son beau sourire illuminait ses traits.
    – Je vous les ramènerai, lâcha-t-il en rejoignant le hall à reculons, malmené par le vent.
    Quand il fut hors de vue, la vitre électrique remonta dans un chuintement mouillé. Karam éprouva l'étrange sensation des pédales sous ses chaussettes. Songeur, il contempla un moment le siège vide dans le rétroviseur et son regard fut attiré par la petite pile de ses cartes de visite sur la tablette, derrière le frein à main. Du bout des doigts, il les remit en ordre et démarra. Je vous les ramènerai. Les mots résonnaient encore à ses oreilles, comme une promesse. Et si c'était vrai... Lui aussi avait à présent ce beau sourire aux lèvres.
    glegat le 03 juin 2023
    SarM  On aimerait bien savoir qui est cet inconnu ?, en tout cas cette histoire est bien racontée même s'il faudrait ici où là quelques retouches, comme pour mes textes d'ailleurs.
    SarM le 03 juin 2023
    Karam en saura sans doute plus si l'homme tient sa "promesse" ;)
    Je suis preneuse de conseils quant aux retouches (en message privé pour ne pas encombrer le fil de la discussion).
    Merci Glegat
    charlene_bzh le 03 juin 2023
    Bonjour à tous,

    Voici ma participation pour ce mois-ci. Ce texte doit être un peu hors sujet, mais c'est ce que m'a inspirée cette question de juliebabelio  J'avais envie de vous partager un peu de rêverie et de poésie. 

    Au plaisir de vous lire au fil du mois.


    Un instant, juste un instant. Une pause sur mon chemin ce matin. Un répit dans les rouages d'une routine trop bien réglée. Sur un trottoir, au milieu de nulle part, dans une ville, presque une île, dans un monde bétonné que la main de l'homme a façonné. Un mur gigantesque et fleurissant se dresse devant moi. Et soudain, le vacarme citadin s’estompe. Il s’atténue pour ne devenir qu’un murmure lointain.

    Une odeur, juste une odeur. Une senteur, un parfum envoûtant, une effluve, une fragrance enivrante. Un transport de joie dans mon coeur. Un cadeau insoupçonné, une surprise dans ce matin gris de printemps. Je lève les yeux et mon regard se noie dans le dégradé de mauve devant moi. Une cascade de poésie le long de ce mur me fait frissonner d'émotion. Mon corps entier est happé dans cette vision. Mes pieds sur ce bout de trottoir et mon esprit qui prend la fuite.

    Je ferme les yeux et un autre univers s'ouvre à moi. Mon imagination m'emporte comme à chaque fois. Bien malgré moi, je suis embarquée dans un monde qui m’appartient. Le réel côtoie le chimérique, le raisonnable rencontre l’illusion, la logique télescope l'extraordinaire. Mon esprit vagabonde, mes rêves prennent vie. Je suis plongée, entièrement plongée dans ce paysage que ma fantaisie a créé. Rêve ou réalité ? Je ne sais plus moi-même où me situer en cet instant.

    La douceur de l'arôme fleuri réveille une vieille bâtisse en pierre saugrenue. Un pan de mur est couvert de vigne vierge. Le vert tendre met en valeur le doux violet de la glycine descendant en grappes vaporeuses. Jolis pétales, perles fleuries, bouquet de songes. Le murmure d’un ruisseau comme une délicate mélodie. La prairie se teinte du rose de la bruyère des contes de mon enfance. Le souffle tiède de la brise réchauffe mon corps engourdi.

    Je plisse les yeux pour apercevoir les moutons paître tranquillement au bas de la colline, proche du lac en contrebas. Leur tête noire, leur laine blanche contrastant avec l’herbe d’un vert éclatant, leur petite clochette tintant joyeusement. Un rayon de soleil vient donner une lueur brillante et chaude sur cette vue enchanteresse. Le reflet de l’eau est si éblouissant qu’il me fait monter les larmes aux yeux. 

    Un désir irrépressible me pousse à courir et à dévaler le vallon à toutes jambes. Dans ma course frénétique, j’ôte mes chaussures pour être au plus près de la terre. Je veux tremper mes orteils dans cette eau scintillante. Le vent soulève mes cheveux défaits. Ma jupe vole autour de moi. Mon rire envahit l’espace. 

    Essoufflée, je me laisse tomber dans cette nature étourdissante. Les abeilles bourdonnent, les insectes cheminent, les agneaux cherchent leur mère. Je ne veux pas me relever, ni rouvrir les yeux. Je prends pleinement conscience de mon corps sur ce tapis naturel. Je ne fais qu’un avec elle. Un sourire béat sur mes lèvres, mon esprit se vide complètement de pensées obscures contrôlées par l’heure qui tourne, pour se remplir uniquement de cet instant. Et si… 

    Mon être paralysé par cette vision et ce bien-être se retrouve brutalement secoué. Un bus vient à passer. Il me frôle le bras dans un arrêt fracassant. L’odeur de gaz d’échappement mêlée à celle de la cigarette laissée fumante au sol me renvoient à mon quotidien. Je sors fébrilement la carte de bus de la poche de ma veste, j’entre à mon tour dans la réalité d’un bus bondé. Le bruit m’assaille. Je retourne brutalement dans le vertige de ma vie. La parenthèse se referme, rêverie et poésie sont finies. 

    J’ai envie d’y croire, je désire y retourner, je souhaite recommencer. Vivre dans mes rêves et ignorer la réalité. Et si… Un jour peut-être… Mais pour cette journée qui vient de commencer, dans cette foule dense et oppressante, j’emporte avec moi l’odeur et la couleur que cette glycine reposante a fait couler sur moi.
    Snoopythecat le 03 juin 2023
    Chouette ce nouveau sujet qui est très, très large. Reste à trouver l'inspiration et la direction .
    Walex le 04 juin 2023
    glegat, SarM et charlene_bzh : C'est toujours un réel plaisir de vous lire, et c'est très agréable de voir ce défi s'ouvrir avec vos très belles participations !!! :)
    Voilà un défi qui s'annonce déjà de qualité !
    Darkhorse le 04 juin 2023
    glegat, je te vois bien plonger ainsi, corps et âme, dans tes livres.

    De même, charlene_bzh, je t'imagine aisément te perdre dans la poésie de tes rêveries.

      Je suis chauffeur de taxi, SarM, donc je me suis bien mis à la place de ton personnage. Une rencontre pour le moins étrange...
    (D'ailleurs j'écrirai une nouvelle ayant un rapport avec le taxi un de ces jours...)
    charlene_bzh le 04 juin 2023
    Merci beaucoup Walex  
    Je m'y perds au quotidien Darkhorse
    SarM le 04 juin 2023
    Carolina78 a dit :

    S’agit-il juste d’une fantaisie ou y a-t-il des sens cachés à trouver ?

    Qui est l’inconnu ?


    Au risque de vous décevoir, il n'y a rien de caché dans le texte ni énigme à résoudre, ni message intentionnel ;) Pour le coup je comprends que ça puisse être décevant de ne pas en savoir plus sur cet inconnu. C'est frustrant, mais comme Karam, on ne peut que spéculer. Et si c'était un homme qui fuit, qui a tout lâché, et si c'était une apparition mystique, juste une rencontre, quelqu'un que l'on aimerait revoir... J'aime l'idée qu'il puisse être tout ce que le lecteur est en mesure d'imaginer et je trouve très intéressant votre retour qui montre à quel point une histoire peut résonner différemment selon le ressenti de chacun (ou, ne pas résonner du tout ! ;)
    (Désolée pour la faute de frappe ; corrigée ! ^^)

    Walex, Darkhorse, merci pour vos retours.
    charlene_bzh le 04 juin 2023
    Carolina78   non je ne fume pas, mais il est fréquent d'attendre le bus avec des fumeurs qui jettent leur mégot sans les éteindre au pied du bus. C'est un dur retour à la réalité.
    franceflamboyant le 05 juin 2023
    ET SI C'ETAIT VRAI PARLE !

    Comme souvent, ce texte risque de subir des modifications internes.
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    Il vient d'y en avoir quelques-unes ! 


    Dans quelques instants Sophie Desruelles et Augustin Thierbois vont recevoir celui qu'ils attendent depuis des mois pour une émission radiophonique qui restera dans les annales. Et si c'était vrai sera parmi eux et s'adressera aux auditeurs. Voilà qui fera encore grandir la réputation de Radio Une, l'une de celles que préfèrent les Français. Pour Sophie et Augustin, ce passage à l'antenne de Et si c'était vrai est le fruit d'une longue patience. Il a fallu beaucoup parlementer pour faire sortir de sa tanière celui qui jamais ne se montre et n'existe que par des mots, mais ils y sont parvenus. Pour rien au monde, ils ne diraient comment ils ont fait. Il est presque dix-huit heures en cette belle journée d'avril à Paris et dans quelques instants, le générique de « Un Grand moment avec vous » va retentir . L'invité d'honneur est là mais ne dit rien. Il a l'allure d'une grand jeune homme poli, élégant, beau et attentif. Ça y est ! C'est l'heure !

    -Sophie Desruelles : Bonsoir, Si c'était vrai.
    -Et si c'était vrai : Bonsoir à vous. Bonsoir à Augustin également.
    -Augustin : bien des auditeurs vont s'estimer privilégiés ce soir car vous allez vous présenter à eux, vous qui n'êtes pour beaucoup qu'une expression qui revient tant chez les gens heureux que malheureux ! Ils sauront que vous êtes une personne, ce à quoi on ne pouvait guère s'attendre.
    Et si c'était vrai se rengorge. Il porte un beau costume bleu sombre et une chemise blanche et son maintien est celui d'une star hollywoodienne comme son type de beauté net et lisse.
    -A vrai dire, vous n'êtes pas sans ignorer que je devais, pour me présenter à vous adopter une apparence séduisante, et avoir une belle voix. Je sais bien que nous sommes à la radio et en direct mais ce n'est pas une raison pour négliger les petits détails. Je suis une expression très courante en français mais aussi dans toutes les langues ! Il faut faire bonne impression, n'est-ce pas ? Toutefois, je suis d'ici et de partout. Mon identité est nationale et internationale puisque j'existe dans le monde entier. Je suscite autant d'engouement que d'abattement ou d'incrédulité et on peut parler de moi dans de multiples circonstances.
    -Augustin : Vous avez toujours été là ?
    -Si c'était vrai : oui, du moins dès qu'on a pu faire des récits de création. L'apparition du monde des vivants a été conditionnée à un souhait : les ténèbres séparées de la lumière, les eaux des terres, les poissons peuplant les océans et les mammifères les terres, l'Homme et la Femme prenant chair...Il fallait bien qu'on fasse appel à moi, qu'une puissance supérieure s'exclame : Et si c'était vrai ! Vous voyez, j'ai répondu présent.
    -Sophie : en effet ! De ce fait, des siècles se sont écoulés sans que vous cessiez de vous employer !
    -Et si c'était vrai : mais absolument. Si vous faites le compte des situations de la vie où on va me mentionner, vous constaterez que j'apparais souvent !
    -Sophie : c'est qu'on voudrait tant que ce qui est bénéfique pour nous se concrétise !
    Et si c'était vrai fronce les sourcils et secoue la tête :
    -Je dirais que là est le piège de ma fonction. On m'appelle et je dois apporter la satisfaction !  Pour être plus clair, je vais illustrer mon propos par un exemple. Prenez, Paco, cet espagnol qui dans un café bondé de Madrid un samedi à 19h parie sur des chevaux. Il les connaît bien ces trois là car il a déjà parié sur eux sans succès. Il ne les a pas joués dans l'ordre. Là, il est sûr que c'est une combinaison gagnante et moi aussi, je le sais, car j'ai un don de prescience. Notre Paco, gesticule, parle à ses copains, attend nerveusement la fin de la concours hippique et se répète en boucle : "si c'était vrai, si c'était vrai de vrai ! " Il force la chance, il me force. Les chevaux gagnent ; il récolte une belle somme d'argent et dit à la cantonade : « Si c'était vrai » m'a porté chance, je le sais. Mon intuition était la bonne. J'ai été guidé ! » Il n'a pas tort ce type mais ce n'était qu'un jeu d'argent. J'ai été vraiment gentil...
    A cet instant, Et si c'était vrai est devenu ce quinquagénaire madrilène qui a fait la fête toute la nuit. Il a son visage ni beau ni laid, ses vêtements plutôt simples et ses cheveux épais et frisés plus gris que noirs. Et bien sûr, il parle espagnol.
    -Augustin : mais n'est-ce pas ainsi que les gens vous attendent ? Ils émettent un souhait, ils s'y accrochent et soudain vous faites le nécessaire.
    -Si c'était vrai : attendez ! Je vais être plus précis.
    Le voilà qui, en un rien de temps, reprend son apparence de jeune homme avant de devenir une jeune femme dans une maternité. Elle est à terme mais n'arrive pas à expulser son bébé, ce qui la chagrine beaucoup. Autour d'elle, on s'agite. Elle s'appelle Jeanne et  a vingt sept ans. Elle est très tendue car elle a fait une fausse couche deux ans auparavant... Dans le couloir, attendent son compagnon et leurs parents. En sueur, pâle, elle peine à reprendre son souffle mais a encore une grande force intérieure : « oh ma belle petite fille, si c'était vrai que tu naissais maintenant, que je prenais contre moi et que tout l'amour du monde t'entourait ! On serait tous si heureux et tu le serais aussi, je t'assure ! » Bien sûr, tout s'arrange et elle accouche d'un bébé bien joli qui la regarde avec surprise ! Et tout le monde est heureux. On apporte des cadeaux pour l'enfant et pour elle !
    -Et si c'était vrai : voilà, je vous ai répondu davantage. A propos de cette naissance, je dirais que c'est plutôt à cela qu'on doit me reconnaître et m'estimer. Vous avez vu ce que j'ai fait ? J'ai récompensé l'espérance folle et l'ouverture du cœur ! « J'ai appelé à moi la justice et la bonté, dit cette jeune mère, et vous voyez, j'ai une belle petite Amélie ! »
    franceflamboyant le 05 juin 2023
    ET SI C'ETAIT VRAI PARLE !

    Augustin et Sophie échangent des regards stupéfaits. Le don de transformation de leur invité les laisse sans voix. Il parle et agit vraiment comme s'il était eux !
    -Sophie : vous savez, c'est très impressionnant !
    -Et si c'était vrai : oh, il y a bien d'autres cas encore !
    -Augustin : d'autres cas où l'on vous sollicite et où vous agissez?
    -Et si c'était vrai : oui, mais malheureusement, je n'emporte pas la mise à tous les coups ! Voyez plutôt...
    En effet, Et si c'était vrai est devenu un marin irlandais qui, avant la première guerre mondiale, a été sauvé de la noyade car il a prié très fort la Sainte Vierge. Il s'est basé sur la ferme conviction qu'elle ne l'abandonnerait pas. En de fait, il en a réchappé. On vient de le déposer sur le rivage et il dégouline d'eau de mer. L'image est saisissante ! Mais bientôt c'est un autre marin, cette fois breton, qui, en partance pour Terre Neuve, tombe de son navire lors d'une tempête et ne peut être secouru alors qu'on escomptait le sauver. Ses supplications à la Vierge restent sans effet.
    Le studio est désormais un lieu de tempête. Des vents violents soufflent, les vagues se déchaînent, le ciel est d'un gris foncé terrifiant. Les deux journalistes sont trempés de la tête aux pieds et ils grelottent.
    -Et si c'était vrai : je suis impuissant quelquefois ! Vous le constatez vous-même à l'instant ! 
    -Sophie : oui mais vos victoires sont nombreuses ! 
    -Augustin : attendez !  Nos auditeurs n'ont pas idée de ce qui se passe et c'est bigrement ahurissant !
    Le journaliste et sa consœur rapportent les faits comme ils le peuvent. Il est évident que les auditeurs de la première heure sont stupéfaits et que d'autres prennent l'émission en route. Ils comprennent bien que le studio est soumis à d 'incompréhensibles transformations ! C'est du jamais vu ! Et du jamais entendu ! Ils passent ainsi des cris de soulagement à des hurlements de désespoir tandis que le vent mugit et les vagues font un bruit terrifiant.
    Quand le temps s'améliore, Sophie et Augustin se reprennent vite laissant le corps du marin noyé tomber lentement dans l'océan tandis que celui qui a été sauvé fait la fête en famille. Enfin, le silence revient. Redevenu un beau jeune homme, Et si c'était vrai s'exprime :
    -J'aime que des gens simples disent « Et si c'était vrai » ! Là, je fais de mon mieux et réussis souvent car il s'agit de lois humaines simples : l'exigence de l'amour, celle de la dignité, l'amour de la vie...
    -Augustin : même si parfois vous échouez, vous agissez par amour et par compassion! Vous prenez des risques que je qualifierais de spectaculaire !
    -Et si c'était vrai : allons, allons, la modestie me sied davantage !  Mon intervention dans le bar à Madrid, c'était pour apporter un coup de chance et la maternité, pour déjouer les forces du Mal.  Avouez que c'était touchant. Les deux marins et les trombes d'eau, c'était l'être humain contre la violence de la nature. Dans ces cas-là, c'est sûr, je ne réussis pas toujours. Mais, je vous sens très effrayés !  C'est fini maintenant.
    En effet, le studio a retrouvé son calme et son ordonnance.
    -Sophie : non, tout va bien ! Dites-moi, ne voudriez vous pas nous parler d'un autre type de situation ?
    -Et si c'était vrai :Eh oui, il y en a un ! On attaque une nouvelle phase : celle des guerres. Là, intervenir m'est bien plus difficile.
    Un char russe se matérialise brusquement dans le studio. Il est de taille réduite mais impressionne tout de même. Il en sort un soldat qui se met à hurler. Dans le même temps, passe en courant un soldat ukrainien.
    -Augustin : quel est votre champ d'action dans ce cas ?
    Si c'était vrai porte désormais une tenue militaire et a le crâne rasé. On dirait un officier du renseignement. Il prend son temps pour s'expliquer :
    -Dans une guerre, chaque soldat dira : Et si c'était vrai que demain la guerre se termine, que je pouvais retrouver ma fiancée, mes amis, ma famille sans avoir été blessé, en ayant tué le moins de monde possible...Mais chaque puissance belligérante affirmera : il n'y a pas de « si », il nous faut l'emporter. Nous sommes patriotes, disciplinés, nous avons des aides internationales ou l'appui de pays puissants. Notre idéologie est la meilleure. Alors, pour vous répondre, je suis dans une grande confusion. Je vous l'ai dit : j'existe depuis la nuit des temps, dans tous les pays, dans toutes les langues, je traverse tous les esprits. On m'utilise à tort et à travers ou on fait comme si je n'existais pas ! Je trouve cela honteux. Vraiment, ça me révulse !
    -Sophie : vous évoquez la guerre et ses horreurs et votre indignation est grande  car vous pensez que chaque camp vous revendique. En même temps, il y a des soldats sauvés comme par miracle après chaque bataille.
    -Et si c'était vrai : oui, bien sûr. Je réponds à pas mal de sollicitations malgré tout. Mais la guerre me met mal à l'aise, comme je l'ai déjà dit.
    -Sophie : il n'y a pas que des soldats et des gradés dans une guerre ! Il y a des victimes : de simples civils qui étaient là au mauvais moment et ceux que le régime en place a voulu persécuter.  Vous savez forcement que, parce qu'ils se sont appuyés sur vous, des prisonniers qui se sont échappés de camps de rééducation ou d'extermination ont pu faire passer leur message et parvenir à faire libérer ceux qui pouvaient l'être encore !
    - Et si c'était vrai rougit : je vous remercie pour cette remarque !
    Augustin poursuit dans cette veine :
    -Je pense aussi au Mossad qui ne s'est pas laissé influencer par le fait qu'aller arrêter d'anciens nazis en Argentine pour les traduire devant les tribunaux était une grande illusion. Leurs agents se sont emparés de vous, si je puis dire, et ils ont fait de « si c'était vrai », « eh bien voilà, c'est vrai. » On a pu arrêter des êtres monstrueux, sanguinaires.
    - Et si c'était vrai se rengorge encore : c'est vrai !
    -Sophie : en fait tout ce que vous nous avez rapporté est digne d'éloges. Existe t'il une de vos fonctions qui vous déplaise ?
    franceflamboyant le 05 juin 2023
    ET SI C'ETAIT VRAI PARLE !

    Et une nouvelle fois, tout change.
    Le beau jeune homme rougissant se transforme soudain en Raspoutine puis en empereur Nicolas II.
    -Je déteste qu'on s'empare de moi pour étayer une théorie pseudo historique fumeuse. Par exemple : non le dernier tsar n'est pas mort  et de toute façon, Raspoutine était gentil ! Oui, Hitler n'a jamais péri dans son bunker mais a passé des années en Argentine en culotte de peau, chaussettes montantes et chapeau tyrolien ! Vous voulez  connaître ce qui s'est vraiment passé le 11 septembre ? Vous découvrirez que toutes les explications qui vous ont été données étaient stupides ! Et toutes ces théories fumeuses sur le fait qu'il n'y a rien dans l'espace ! Méfiez-vous. Imaginez un peu que ce soit vrai et qu'on vous ait menti, qu'on vous mente encore !
    Transformé en extra terrestre jaune à pois bleus, Si c'était vrai parle une langue étrange et gesticule soudain beaucoup.
    -C'est moi ! C'est moi ! Je viens de la planète SuperXam ! On vous a dit qu'elle n'existait pas mais certains chercheurs ont eu l'intuition du contraire ! Regardez ! J'ai d'immenses pouvoirs !
    Le studio est de nouveau plongé dans le chaos...l'espace de quelques instants. Sophie et Augustin, désorientés, se réfugient sous des tables quand il s'avère que celles-ci reprennent forme. Le super héros qui arrivait triomphalement d'une planète lointaine est affalé dans un coin. On dirait qu'il porte la défroque d'un personnage de cirque. C'est un pantin.

    Puis tout change encore mais cette fois, les deux journalistes le comprennent, c'est la fin de l'aventure. Ce que Si c'était vrai a voulu leur apporter va se conclure mais bien sûr, tout va être déconcertant.
    Si c'était vrai se démultiplie alors : tantôt homme, tantôt femme, tantôt enfant. Il est éthiopien, japonais, australien, danois, italien, néo-zélandais, argentin, canadien...On entend son nom dans toutes les langues. On voit des larmes rouler sur des visages, on entend des éclats de rire, on constate que certains se mettent à prier, d'autres à danser....

    Enfin, tout redevient calme. Et si c'était vrai est devenu un sage. Il porte une longue tunique blanche et son visage rayonne. L'instant d'après, il est une sainte femme.
    -Comme vous l'avez compris, on exige beaucoup de moi dans deux domaines distincts et on se sert de moi comme alibi dans un troisième. Mais le plus important est que je suscite l'espoir, que j'ouvre les cœurs, que j'installe dans l'espérance ! Cela transcende toutes les divisions et tous les mensonges.
    -Sophie : merci infiniment Si c'était vrai ! Vous nous avez énormément appris.
    -Je vous ai fait peur un peu aussi...
    -Augustin : oui mais ça a été une expérience extraordinaire !
    -Et si c'était vrai : vous comprendrez que je vous laisse animer le débat et que je ne réponde à aucune question des auditeurs ! Vous savez, pendant que je vous parlais, mon téléphone a vibré à de multiples reprises. De nombreuses interventions m'attendent partout dans le monde ! Je file.
    Une musique divine emplit le studio. La conversation se poursuit dans l'harmonie la plus totale. Puis Et si c'était vrai s'en va comme il était venu, modestement. Bientôt le téléphone commence à sonner. Les questions des auditeurs se succèdent. Pour Sophie et Augustin, c'est un succès sans précédent...Et pour Et si c'était vrai aussi. Mais lui, il a l'habitude !
    Darkhorse le 05 juin 2023
    Voilà un invité fabuleux, franceflamboyant !
    La forme de ton récit est très originale,  c'est bien vu.
    Et il nous permet de nous questionner sur les multiples facettes de l'espoir.
    Walex le 05 juin 2023
    C'est un texte vraiment plaisant à lire franceflamboyant, avec une approche absurde comme je les aime, façon Douglas Adams, merci pour ce beau moment de lecture :)



    Darkhorse a dit :


    Je suis chauffeur de taxi, SarM, donc je me suis bien mis à la place de ton personnage. Une rencontre pour le moins étrange...
    (D'ailleurs j'écrirai une nouvelle ayant un rapport avec le taxi un de ces jours...)

    Oh ! J'avais pourtant compris que c'était toi le personnage de son histoire





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