| charlene_bzh le 03 août 2023
Sensation étrange que ce corps qui change. Hier encore, il n’y avait rien. Rien de perceptible pour moi, rien de visible pour le monde. Hier encore, l’insouciance m'enveloppait de ses bras graciles et la liberté m’emmenait où bon lui semblait. Hier encore, aucune question autre que ma futile petite vie ne venait perturber mon sommeil alors si profond. Mais toi, toi tu étais déjà là, minuscule au fond de moi. Toi, tu savais déjà.
Sensation étrange que ce corps en pleine transformation. Les seins alourdis, douloureux, plus imposants, débordants. Les cheveux plus lumineux, que jamais jusqu’à ce jour, je n’osais laisser libre. La taille s’épaississant, surplus de peau disgracieux impossible à camoufler. Les nausées s’invitant de façon très ponctuelle, les fringales devenues irrépressibles et impromptues. Un odorat se transformant au fil des jours, mettant à l’épreuve ma routine. Les maladresses se multipliant à mesure de la place grandissante que tu prends dans ma vie. Une perte de contrôle de la prise de poids sur la courbe que l’on m’a fourni. Tu es mon corps, mais je ne te reconnais plus. J’oscille entre amour et désamour. Les larmes bien souvent coulent, la culpabilité me submerge. Je t’ai tant voulu et maintenant, je ne sais plus.
Sensation étrange que ce corps s’arrondissant. Modifications incontrôlables et parfois terrifiantes. Je caresse avec un geste tendre et un regard plein d’amour cette peau tendue, devenue presque transparente, quelquefois douloureuse. Tu me réponds toujours par un frôlement plein de douceur. Je recherche ton contact, autant que toi le mien. Je peine au quotidien par la lourdeur de ce corps qui ne m'appartient plus que pour moitié. La lenteur du temps qui s’écoule en t’attendant me fait frémir, et pourtant, j’en savoure chaque instant. Une parenthèse aussi angoissante qu’euphorisante. Je souhaite que tout se termine, mais je veux te garder encore rien que pour moi. Nous sommes deux, mais nous ne formons qu’un.
Sensation étrange que ce corps douloureux. C’est un ouragan qui me traverse. Une tempête qui me submerge. Un raz-de-marée qui m’emporte. Je ne suis plus femme, mais animal. Un hurlement sort des profondeurs de ma gorge pour percuter le monde qui m’entoure. Un cri sauvage qui sourd de ce corps perclus de douleurs. Entre deux vagues, mes yeux se ferment, un râle grave et profond se laisse entendre, comme une berceuse. Instinct de survie. Protection contre les agressions extérieures. Personne ne peut me toucher. Ma peau est en feu. Personne ne s’approche. Mais je te vois toi, au fond de moi.Toi aussi tu batailles. Je n’ai pas la force de te parler, ni celle de te rassurer, mais je suis là. Nous sommes une équipe, ne l’oublie pas.
Sensation étrange que ce corps épuisé par l’épreuve se retrouve soudain au repos. Le silence règne dans la pièce. Ton petit corps nu, blotti contre le mien, a su trouver sa place. Ce moment tant attendu, tant rêvé, tant espéré est enfin arrivé. La souffrance de ces dernières heures est oubliée. L’attente enfin récompensée. Ton souffle chaud et serein sur mon sein apaise mes craintes. Ce léger effleurement me tranquillise. Cet amour nouveau fait exploser mon cœur. La sensation est telle que, jamais je n’aurai pu imaginer une force si intense, un amour si immense m’envahir. Je n’ai pas encore réintégrer mon corps de femme, je ne suis q’une mère.
Sensation étrange que ce corps vide. Tes petits coups sous ma peau ont laissé place au néant. Un ventre mou perdu dans ce débordement d’hormones et cette vie qui a repris comme avant, ou presque. Tout est pareil et pourtant, tout est différent. Un autre combat commence. Contre moi-même et mon regard biaisé qui oscille entre amour et haine de soi. Adopter ce nouveau corps que je ne connais pas, le faire mien et l’accepter avec ses cicatrices, ses plis, ses défauts qui ne sont vus que par moi à travers le prisme des critères actuels de beauté. Il me faut remercier ce corps si puissant, cette force de la nature qui m’a permis de te donner la vie.
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