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    MathildeSBabelio le 01 août 2023
    Bonjour à toutes et à tous !

    Pour celles et ceux qui ne me connaissent pas encore et les nouveaux/nouvelles arrivant(e)s sur ce groupe, je suis Mathilde, et je vais animer le défi d'écriture pour les mois à venir.

    Petit rappel des règles, qui ne changent toujours pas : vous avez jusqu'au 31 août, minuit pour publier votre texte dans le fil de discussion ci-dessous et tenter de remporter un livre. Je rappelle également que nous ne prenons en compte que votre premier texte posté.

    Pour ce défi, la taille, la forme et le genre sont libres.

    Voici donc le thème du mois d'août : "En corps". Le corps, être dans celui-ci, ressentir, sous toutes ses formes : un corps qui se voit, qui désire, corps réceptacle ou frontière avec le monde... Nous avons tous un corps, mille et une expériences particulières - il a des choses à dire, lui aussi.
    J'espère que ce thème vous inspire. Il est volontairement libre pour laisser place à votre créativité. 



    Bonne chance et à vos plumes !

    Mathilde
    Carolina78 le 02 août 2023
    MathildeSBabelio Le corps est le thème de la nuit de la lecture 2024, qui fait écho aux JO. Merci pour ce sujet très ouvert ! ça va pas être triste... j'ai hâte de découvrir les propositions des babéliotes !
    Snoopythecat le 02 août 2023
    En effet, Carolina78 , la palette des possibilités est infinie avec ce thème .

    Cela pourrait être muy caliente ou, au contraire, dramatique.

    Qui ouvrira le bal ?
    Sevpassion le 02 août 2023
    Bonjour Mathilde, bonjour carolina  
    Chouette ce thème,va falloir trouver comment l'aborder maintenant.
    Bonne chance et bonne écriture à tous.
    Belle journée 😊
    Sevpassion le 02 août 2023
    Snoopythecat  Bonjour 😊
    Je ne sais pas mais ça ne sera pas moi en tous cas 😝
    glegat le 02 août 2023

    PerfectBody

    La campagne publicitaire avait parfaitement fonctionné. Dès l’ouverture du magasin, des hordes de curieux et d’acheteurs potentiels s’étaient ruées vers les rayons dédiés au nouveau corps synthétique de dixième génération. Ce modèle, d’une perfection physique inégalée, était équipé d’un assistant cérébral bénéficiant des toutes dernières avancées en matière d’intelligence artificielle.

    La publicité montrait les performances dont étaient capables ces enveloppes corporelles qui se substituaient parfaitement aux corps naturels. Une séquence particulièrement impressionnante mettait en scène plusieurs « PerfectBody v.10 » en mode autonome c’est-à-dire sans l’apport des éléments vitaux et psychiques du receveur. L’illusion était parfaite, les gestes, la parole le comportement général ne présentait aucune faille permettant de déceler qu’il s’agissait d’un artefact. Dans sa version de base, le PerfectBody était doté de toutes les caractéristiques lui permettant de se fondre dans la population sans attirer l’attention. Toutefois ses performances intellectuelles et physiques exceptionnelles ne pouvaient être activées pleinement que par la volonté d’un véritable cerveau. Même ainsi bridé il pouvait se lancer dans n’importe quelle activité humaine avec un taux de réussite largement supérieur à la moyenne. Seule l’opération qui consistait à lui intégrer la mémoire et la conscience d’un humain permettait de débloquer toutes ses fonctionnalités pour le rendre encore plus performant.

    La dualité corps et esprit, naguère encore en discussion chez certains scientifiques et philosophes ne faisait plus de doute. Les corps naturels des acquéreurs d’un PerfectBody étaient tout simplement enterrés ou incinérés, ils n’étaient plus d’aucune utilité.

    L’engouement du public fut tel qu’il fallut mettre en œuvre des moyens colossaux pour satisfaire la demande. Bientôt la presque totalité de l’humanité fut composée de PerfectBody. L’homme avait-il réalisé son rêve de perfection éternelle ? L’humanité était-elle débarrassée à tout jamais de toute entrave matérielle constituée par le corps physique ? Quelques détails tout d’abord insignifiants commencèrent à semer le doute dans les esprits. Ces corps immarcessibles, insensibles aux douleurs, à la maladie et à l’érosion du temps furent progressivement confrontés à un problème majeur. La partie humaine qui subsistait dans cet assemblage avait conservé sa caractéristique essentielle : le vieillissement. Ainsi dotés d’un corps parfait, mais dirigé par un mental déficient, les hommes augmentés commencèrent à se comporter de façon étrange. La technologie permettait de maintenir en vie les individus au-delà des limites naturelles, mais était sans effet pour pallier aux maladies liées au vieillissement du cerveau. Ce déséquilibre entrainait des conséquences tragiques. Certains comprirent que les pseudos-humains au cerveau déficient deviendraient un jour majoritaires et provoqueraient la cause de la disparition de l’humanité. Il n’y avait qu’une solution pour éviter cette perspective.

    Il fut décidé, par l’aréopage des PerfectBody qui dirigeaient désormais la fabrication de leurs congénères, que les prochains transferts d’humain vers leur double artificiel se feraient sans l’apport des éléments vitaux naturels et que seule une version numérisée et inaltérable de leurs mémoires serait intégrée. Cette décision fut aussitôt combattue par la minorité des humains qui avaient résisté jusque là à la tentation de Faust. Mais leur mouvement de contestation fut rapidement étouffé, car ils étaient trop peu nombreux.

    ***

    En plein cœur de l’été 1820, après ce court récit exposé d’une voix douce et mélodieuse, Mary Shelley parcours d’un regard interrogatif le groupe d’amis venus l’écouter.

    Dans le grand salon de la villa Diodati le baron Hallifax est accoudé à la cheminée et semble figé dans la perplexité, sa femme Helena ainsi que la comtesse Bromsky se tiennent coites dans leur fauteuil tandis que le docteur Anderson, debout, un cigare à la main, hausse les sourcils avant d’exprimer son sentiment :
    « Ma chère amie, au risque de me montrer désagréable je préfère vous dire franchement que cette histoire est invraisemblable. Je pensais qu’avec votre dernier roman “Frankenstein” vous aviez dépassé les limites du raisonnable, mais j’étais loin de m’imaginer que vous fussiez capable d’aller encore plus loin dans la fantaisie ! Je vous en conjure jeter ce canevas ».

    Mary préfère ne pas répondre, car le seul moyen de convaincre ses amis qu’elle n’a rien inventé est de leur montrer sa machine à voyager dans le temps. Hélas cette machine, après lui avoir permis de revenir à son époque, s’est égarée dans les couloirs du temps. Elle garde donc pour elle cette révélation qui pourrait définitivement convaincre son entourage de son égarement mental.

    Fin
    Snoopythecat le 02 août 2023
    glegat  Quelle bonne idée d'inaugurer ce nouveau thème. Il fallait que le gagnant du défi précédent se lance le premier 🙂.
    Texte très bien écrit, comme toujours, mais pas que. La réflexion, l'interrogation sur ce futur peut-être plus si lointain, la tentation d'un monde quasi parfait sont de la partie.


    Je suis estomaquée par la vitesse à laquelle vous avez écrit un texte de ce niveau. Moi qui vais cogiter, rédiger, supprimer, recommencer,.... je vous envie.

    glegat le 02 août 2023
    Snoopythecat  Ce n'est pas mon habitude de trouver rapidement une idée, sans doute que mon inspiration a été aiguillonée par le fait d'avoir été félicité pour mon texte du défi de juillet.
    Cathye le 03 août 2023

    Bravo Glegat d’avoir dégainé aussi rapidement pour nous parler de deux thèmes Le Corps et Voyage dans le temps. Ou plutôt « Retour vers le futur » avec de belles références.
    Non, le monde ne sera jamais parfait mais puisse l’IA améliorer  les technologies essentiellement dans le monde médical.
    Excellent texte, comme d’hab, d’une écriture précise, ciselée et vivante pour évoquer cette machine infernale qui pousse à la réflexion. Et pas des moindres.

    GaLim le 03 août 2023
    Encore, Angkor, en corps... 🤔 Que de réflexions inspirantes pour ce thème qui a tant questionné, de sa création à nos jours ! 
    Et d'ores et déjà, un beau texte de glegat  qui espérons-le, n'est pas prémonitoire 😱. Quoi qu'il en soit, nul besoin d'attendre une époque future et les pseudo-humains pour constater que les cerveaux déficients deviennent majoritaires et contribuent dès à présent à la disparition de l'humanité ! 😭 Pour le reste, je suis entièrement d'accord avec le commentaire de Cathye . 😁
    Sevpassion le 03 août 2023
    glegat  whaouuu déjà! 
    Et quel texte!
    Déjà tu donnes matière à réfléchir et en plus de belles références sont amenées.
    Bravo de t'être jeter à l'eau en premier et une écriture de qualité.
    Merci 😊
    charlene_bzh le 03 août 2023
    Sensation étrange que ce corps qui change. Hier encore, il n’y avait rien. Rien de perceptible pour moi, rien de visible pour le monde. Hier encore, l’insouciance m'enveloppait de ses bras graciles et la liberté m’emmenait où bon lui semblait. Hier encore, aucune question autre que ma futile petite vie ne venait perturber mon sommeil alors si profond. Mais toi, toi tu étais déjà là, minuscule au fond de moi. Toi, tu savais déjà.

    Sensation étrange que ce corps en pleine transformation. Les seins alourdis, douloureux, plus imposants, débordants. Les cheveux plus lumineux, que jamais jusqu’à ce jour, je n’osais laisser libre. La taille s’épaississant, surplus de peau disgracieux impossible à camoufler. Les nausées s’invitant de façon très ponctuelle, les fringales devenues irrépressibles et impromptues. Un odorat se transformant au fil des jours, mettant à l’épreuve ma routine. Les maladresses se multipliant à mesure de la place grandissante que tu prends dans ma vie. Une perte de contrôle de la prise de poids sur la courbe que l’on m’a fourni. Tu es mon corps, mais je ne te reconnais plus. J’oscille entre amour et désamour. Les larmes bien souvent coulent, la culpabilité me submerge. Je t’ai tant voulu et maintenant, je ne sais plus.

    Sensation étrange que ce corps s’arrondissant. Modifications incontrôlables et parfois terrifiantes. Je caresse avec un geste tendre et un regard plein d’amour cette peau tendue, devenue presque transparente, quelquefois douloureuse. Tu me réponds toujours par un frôlement plein de douceur. Je recherche ton contact, autant que toi le mien. Je peine au quotidien par la lourdeur de ce corps qui ne m'appartient plus que pour moitié. La lenteur du temps qui s’écoule en t’attendant me fait frémir, et pourtant, j’en savoure chaque instant. Une parenthèse aussi angoissante qu’euphorisante. Je souhaite que tout se termine, mais je veux te garder encore rien que pour moi. Nous sommes deux, mais nous ne formons qu’un.

    Sensation étrange que ce corps douloureux. C’est un ouragan qui me traverse. Une tempête qui me submerge. Un raz-de-marée qui m’emporte. Je ne suis plus femme, mais animal. Un hurlement sort des profondeurs de ma gorge pour percuter le monde qui m’entoure. Un cri sauvage qui sourd de ce corps perclus de douleurs. Entre deux vagues, mes yeux se ferment, un râle grave et profond se laisse entendre, comme une berceuse. Instinct de survie. Protection contre les agressions extérieures. Personne ne peut me toucher. Ma peau est en feu. Personne ne s’approche. Mais je te vois toi, au fond de moi.Toi aussi tu batailles. Je n’ai pas la force de te parler, ni celle de te rassurer, mais je suis là. Nous sommes une équipe, ne l’oublie pas.

    Sensation étrange que ce corps épuisé par l’épreuve se retrouve soudain au repos. Le silence règne dans la pièce. Ton petit corps nu, blotti contre le mien, a su trouver sa place. Ce moment tant attendu, tant rêvé, tant espéré est enfin arrivé. La souffrance de ces dernières heures est oubliée. L’attente enfin récompensée. Ton souffle chaud et serein sur mon sein apaise mes craintes. Ce léger effleurement me tranquillise. Cet amour nouveau fait exploser mon cœur. La sensation est telle que, jamais je n’aurai pu imaginer une force si intense, un amour si immense m’envahir. Je n’ai pas encore réintégrer mon corps de femme, je ne suis q’une mère.

    Sensation étrange que ce corps vide. Tes petits coups sous ma peau ont laissé place au néant. Un ventre mou perdu dans ce débordement d’hormones et cette vie qui a repris comme avant, ou presque. Tout est pareil et pourtant, tout est différent. Un autre combat commence. Contre moi-même et mon regard biaisé qui oscille entre amour et haine de soi. Adopter ce nouveau corps que je ne connais pas, le faire mien et l’accepter avec ses cicatrices, ses plis, ses défauts qui ne sont vus que par moi à travers le prisme des critères actuels de beauté. Il me faut remercier ce corps si puissant, cette force de la nature qui m’a permis de te donner la vie.
    SarM le 04 août 2023
    Très beau texte charlene_bzh
    charlene_bzh le 04 août 2023
    Merci beaucoup SarM  , c'est mon premier texte après une très longue panne d'écriture.
    Hekate2018 le 04 août 2023
    Jamais il n'a pu se regarder dans son miroir,
    Sans avoir d'idées noires.
    Les coups, les injures,
    Et toutes ces blessures,
    Qui le rongent encore et encore,
    Commencent à lui faire détester son corps.
     
    Il repense aux insultes, aux mots,
    Tu es laid, tu es gros,
    Tu ne seras jamais celui qui nous fait vibrer,
    Qui nous fait envier la femme ou l'homme à ses côtés.
     
    Il se demande de plus en plus comment dans ce monde,
    Où les remarques pleuvent et nous inondent,
    Apprécier son enveloppe charnelle,
    Sans cesse critiquer pour ne pas être assez belle.
     
    Beaucoup le pense trop superficiel,
    À penser sans arrêt à l'image que lui renvoie
    Ce grand miroir qui le déçoit.
    Il ne sait plus si cela est bien réel.
     
    Il s'étudie sous tous les côtés,
    Voir s'il a pris un gramme de plus, de moins,
    S'inquiétant pour un rien,
    Ne pensant qu'à diminuer,
    La quantité de ce qu'il s'apprête à manger.
     
    Le numéro qu'affiche la balance du malheur,
    Il le contemple avec bonheur,
    Voyant qu'il ne cesse de baisser,
    Car ses efforts commencent à payer.
    Sflagg le 05 août 2023
    Salut !

    Voici ma participation, triste mais avec un peu d'humour et de musique. Bonne lecture !


    Dur, dur d'être un pépé               (05/08/23) (version 4)

    "Encore un jour se lève
    Sur la jeunesse France
    Mais j'ai perdu mes rêves
    Je connais trop la danse".
    Matin chagrin
    Résonne le réveille-Martin
    À mes oreilles affaiblies
    De son horrible cri.
    Je me redresse
    Dans mes os, le stress
    Dans mes chairs, courbatures
    Dans mes cellules, brûlures.
    Douleur articulaire
    Douleur musculaire
    Douleur corporelle
    Douleur pulmonaire.
    Toux caverneuse
    Alvéoles crasseuses
    Poumons de fumeur
    Cœur de buveur.
    Un œil par la fenêtre
    Tout y est flou
    Pas mis mes lunettes
    Mais elles sont où ?
    Main tremblante
    Tente de les prendre
    Les fait tomber
    Il faut se baisser.
    Colonne qui craque
    Vessie qui lâche
    Dos qui se bloque
    Un gaz s'évapore.
    "Encore un matin
    Un matin pour rien...
    Encore un matin
    Sans raison ni fin".
    Deux minutes s’échappent
    La machine remarche
    Je me déplie
    Dans un second oubli.
    Regarde à nouveau par la vitre
    Pas bon pour mon arthrite
    Le ciel est gris
    Le jour est triste.
    Je me lève, péniblement
    Enfile mes chaussons, lentement
    Ouvre la porte, doucement
    Je n'ai plus vingt ans.
    Âge qui avance
    Carcasse qui flanche
    Âge canonique
    Mémoire de momie.
    Que c'est moche de vieillir
    De voir son corps dépérir
    Ses capacités fuir
    Ses organes pourrir.
    "Et ça continue
    Encore et encore
    Ce n'est que le début
    D'accord, d'accord".

    S.Flagg !!

    1 : tiré de la chanson Jeune et con de Saez.
    2
    : tiré de la chanson Encore un matin de Jean-jacques Goldman.
    3 : tiré de la chanson Encore et encore de Francis Cabrel.


    Bonne chance et A+ !!

    Edith quarante-douze : GaLim, il suffisait de demander.  
    fandemoi2 le 05 août 2023
    À tous les talents anonymes d'hier et d'aujourd'hui


     Autour de moi, ni conseil, ni censeur, ni tribunal, ni aréopage.
    Je m’incline volontiers devant la belle plume illuminant la page,
    Qu’elle soit maudite, célèbre, oubliée, méprisée ou inconnue.
    Sans effort avec un seul visage, libérée de la prison du corps,
    Loin, bien au-dessus de tous les futiles ou mercantiles accords,
    À la lumière, je révèle les âmes blessées, écorchées et nues.

    Le filigrane
    FelixMayol le 05 août 2023
    (Re)naissance(s)

    Je m’éveille peu à peu. Combien de temps ai-je dormi ? Des jours ? Des mois ? des années ? Je ne me souviens pas d’avoir rêvé pendant cette longue nuit. Je ne me souviens pas de m’être assoupi. Je ne me souviens pas de ma vie d'avant, ni de rien. Mon corps et mon esprit étaient dissous dans ces ténèbres profondes. Mon être se morfondait dans cette déliquescence dénuée de conscience et donc d’espoir. Mais une étincelle est venue illuminer ma nuit, et une douce chaleur irradiant mon corps m’a sorti de la léthargie dans laquelle je sombrais. Voilà que j'émerge doucement du marasme dans lequel je végétais durant cette éternité où le temps était figé.


    Je perçois mon corps sans en déterminer les limites. Mon esprit embrumé essaie de se combiner à mon enveloppe charnelle pour dessiner ses contours désormais plus précis. J'essaie de mobiliser mes membres mais ils sont engourdis, mes articulations semblent soudées. J'ai dû dormir longtemps. 
    Tout est sombre autour de moi. Je ne sais pas où je suis. Ni même qui je suis. Je sors du néant et semble plongé dans un nouvel abîme. Mais il y fait plus chaud. Pour la première fois, j'hume des odeurs aux multiples nuances. Et quand j’étends mes membres qui se mobilisent à nouveau, j’effleure des textures douces ou rugueuses, humides ou sèches. Je perçois la réalité qui m'entoure au travers de tous mes sens, plus aiguisés au fur et à mesure que je sors de ma léthargie. J'étais mort et la vie m'ouvre ses bras, me donne une seconde chance. Il me faut la saisir. Cet univers dans lequel je m'éveille n'est plus pour moi. Il est temps de le quitter car je devine l'appel d'un autre monde au-dessus de moi.


    Alors, péniblement, je déploie tout mon corps et j’anime chacun de ses muscles telle une machine rouillée et oubliée que l’on peine à redémarrer. Les bruits organiques me rassurent. Je vis et j’existe. Je force de tous mes membres pour m'extraire de la gangue étouffante qui m'enserre et veut me garder en elle. Je me contorsionne, je pousse, je tire de manière désordonnée. La panique me saisit, il me faut partir au plus vite, quitter cet antre qui me retient et qui refuse que je l'abandonne. Je ne veux pas replonger dans cette nuit inconsciente, dans un nouveau sommeil qui conduirait à ma mort. Mon salut est vers le haut.
    J’apprivoise enfin mes membres et parviens à coordonner leurs mouvements. Alors, j'avance et commence ma remontée vers la vie. Je progresse lentement dans les chemins secrets de ma prison, cherchant la sortie que je devine face à moi. Mon intuition me guide. Je ressens une douce chaleur m'envahir, la brume qui voilait mon esprit se dissipe, mes mouvements se font plus assurés et plus vigoureux. J'accélère ma progression, je repousse énergiquement la masse oppressante qui m'entoure. La chaleur s'intensifie et excite mes sens, je me précipite, je m'affole, je gesticule pour fuir, de peur de retomber dans l'abîme. 


    Et soudain une explosion de lumière ! Aveuglante et bienfaisante. Je dépense mes dernières forces à m'extirper du caveau et je m'écroule, épuisé mais euphorique. J'ai définitivement tourné le dos au royaume des ombres pour gagner celui de la lumière et de la vie. Je m'accroche littéralement à ce nouveau monde qui m'accueille. Je l'agrippe de toutes mes forces de peur qu'il ne m'échappe. La lumière vive diffuse sa chaleur sur ma peau et dans mon corps. Je suis assommé de bien-être et je me débarrasse des dernières guenilles de mon ancienne existence. Je n’étais qu’une larve, me voilà papillon. Je renais, je suis un être nouveau et je déploie mes ailes. 


    Je suis enfin heureux et je chante.
    flrntcaro le 05 août 2023
    Il marchait dans Paris. Lui, c'était le soldat à la façade qui aimerait avoir ses entrées à l'académie française, vêtu de vert. 2eme régiment, 8eme escadron. Il se battait. Contre quoi? Et bien, contre son propre corps. En effet, au cours d'une bataille dans un quartier populaire avec pour thème "guerre et paix" de Tolstoï, il s'était pris une balle dans le genou. Genou, partie du corps, souffrance de longues marches dans les allées infernales du métro, Dante, car si la France est un corps alors Paris en est le cœur. Avec tout son corpus, son médecin n'accepta pas de le réformer, même que saint Cyr lui tendait les bras. Voilà donc qu'au cœur maudit de la capitale, il traînait sa douleur en souffrant, en souffrant beaucoup... Mais les parisiens trouvaient en lui une forme de dignité, ainsi qu'il rencontra un allié inattendu à sa partie du corps douloureuse: c'était les farcs! On lui avait promis, si tu gagnes le débat tu seras délivré, coup de génie, certes, mais pas pour ces soldats là ! La balle lui pesait, il dormait beaucoup, son corps était fatigué de douleur. Mais les terroristes comprenaient qu'il fallait le traiter avec respect, et sa drôle de mission pour l'armée française, les farcs faisaient corps envers celui ci. Et hasta siempre, un ostéopathe plus tard, il fut délivré de sa douleur, et remarquant qu'il ne souffrait plus, il courut une dernière fois jusqu'à ce médecin, remerciant en pensées l'armée d'avoir fait de lui un fier martyre, et il fit carrière dans ce corps d'armée qui lui avait fait comprendre l'intégrité d'un soldat, corpus sanctum in spiritu sanctum, l'intelligence de celui qui a eu cette expérience et peut maintenant la partager, à son corps défendant, car il l'aura bien mérité.
    GaLim le 05 août 2023
    charlene_bzh  Très beau texte sur la grossesse sans concession.🤰👶

    Hekate2018  De jolies rimes pour décrire les méfaits du diktat de la minceur sur les corps, et chose plus rarement abordée, sur les corps masculins. C'est une bien triste réalité 🥲 qui dure et perdure malgré l'essor du "Body Positiv". 

    Sflagg  Dès le titre, on rigole ! J'adore ce texte plein d'humour sur un sujet peu réjouissant, mais qui nous pend tous au nez, sauf accident de parcours. Pour le choix des chansons, nous sommes raccords ! 😜

    fandemoi2  ou quand le corps est une prison pour l'âme. Question hautement philosophique qui a fait couler l'encre de nombreuses belles plumes. Mais quelle serait notre existence terrestre sans enveloppe charnelle !? 🤔

    FelixMayol  Quelle idée originale d'aborder la transformation du corps par le biais de la métamorphose de la larve en papillon 🦋! Il fallait y penser... Le texte est bien amené jusqu'à la révélation finale 👍.

    flrntcaro  Votre texte rend un bel hommage 🎖️ à nos soldats si souvent oubliés. Oubliés sur le front et en dehors, vaillants ou estropiés. L'armée est effectivement composée de corps, dans tous les sens du terme ! Et de belles références littéraires glissées ça et là 😉.


     





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