J'ai commencé cette lecture en espérant passer un bon moment avec l'héroïne, Emma Lou, jeune fille noire repoussée par sa famille à cause de sa couleur de peau très, très foncée. Nous allons donc la suivre dans les années 20, bien après la traite négrière, mais toujours dans une époque très dure pour les noirs, en Amérique, où il était mieux d'être noir à la peau claire pour être "Accepté" que noir à la peau sombre, en plus d'être une fille.
Je préfère vous le dire tout de suite, j'ai arrêté ma lecture à la moitié du livre. Pourquoi ? Tout simplement parce que j'en ai eu marre de lire à toutes les lignes le complexe de cette fille envers sa couleur de peau. Oui, il est clair, il est beau, il a le nez fin et droit, pas comme moi avec ma peau sombre, mon nez épaté ... A un moment donné, c'était trop pour moi.
Moi, je suis une femme noire et sincèrement, je ne me suis jamais attardée sur la couleur de peau d'autrui et encore moins chez les noirs. Comme si l'autre avait plus de valeur que moi sous prétexte qu'il soit plus clair. Pff ! Absurde ! Alors, j'ai découvert énormément de préjugés, de mépris dans ce livre, beaucoup de honte envers soi-même et j'en passe. Je peux tout à fait comprendre ce complexe d’infériorité qui remonte à très loin, au temps de l'esclavage, quand les maîtres blancs faisaient énormément de préférences par rapport à la couleur des esclaves, surtout chez les femmes ; plus tu étais clair plus tu avais la chance de ne pas travailler dans les champs et sûrement plus de privilèges. Comment leur en vouloir ?? Mais, du coup, cela a suscité beaucoup de jalousies chez les autres esclaves et, au fil de ma lecture, cela m'a réellement épuisé et fait grogner jusqu'à la moitié du roman de ressentir le mal-être de cette jeune fille.
Je n'ai pas aimé découvrir cela dans ce livre car ce complexe existe réellement chez beaucoup de noirs et même dans mon entourage ; certains sont encore dans cette optique là : mieux vaut être clair voire métisse pour réussir dans la vie. Pour ces gens-là, être noir à la peau foncée, c'est comme traîner une malédiction derrière soi ou avoir le diable dans la peau, et, hélas, c'est exactement ce que beaucoup de familles noires redoutent le plus pour leurs enfants, dans le livre et dans la réalité. Les stigmates identitaires et discriminatoires sont finalement bien trop présents, encore aujourd'hui.
Toutefois, je reconnais qu'un certain message passe à travers la plume de Wallace Thurman : D'où vient les complexes des femmes noires face à leurs cheveux crépus, leur nez épatés et de leur peau ? Tout cela remonte effectivement au temps de l'esclavage. A bon entendeur !
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Dans le cadre de masse critique j'ai découvert cet auteur et ce livre de 1929 , traduit en français pour la première fois
Histoire sur l'identité , sur la race noire et surtout sur les préjugés sur la couleur de peau
Emma Lou rappelle en fait beaucoup le parcours personnel de Wallace Thurman
Une femme très noire dans l'Amérique des années 20
Toutes ces subtilités sur la couleur allant du noir foncé au café au lait
Et cette échelle de valeur entre ceux qui ne valent pas grand chose à la peau très foncée et les autres les marrons, café au lait , mulâtres .......
On parle peu des blancs , qui au final , sont le modèle à "copier " .....
Quelle tristesse cette femme qui veut à tout prix blanchir sa peau et n'accepte pas ce qu'elle est
Le livre se finit de façon trop abrupte à mon goût , avec une Emma Lou qui semble prendre un nouveau départ
Une impression de gâchis , cette histoire , de tristesse
Une femme qui cherche son identité et s'est un peu perdue
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Le plus proche d'elle se racla la gorge avant de chantonner , assez fort pour qu'elle entende , " voilà une fille pour toi , Gros". "Gros " était celui du milieu . Il avait une silhouette rondelette et le visage couleur café . Il était en chemise à manches courtes et portait son manteau sur le bras . Un pantalon à pattes d'éléphant cachait tout sauf le bout de ses chaussures étincelantes . " Gros " dévisageait aussi Emma Lou mais , en passant , il détourna les yeux et lança un regard cinglant à celui qui avait parlé :
" Mec , tu sais bien que je donne pas dans le charbon ."