AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de enjie77


« Mon père s'était toujours déclaré : chrétien en religion, marxiste en économie, libéral en politique. »

Ce livre, je l'ai refermé avec regret. Hector Abad Faciolince a su me faire passer toutes ses émotions, tout son amour, sa tendresse, pour son père, Hector Abad Gomez. Son écriture m'a beaucoup remuée. Au fur et à mesure de ma lecture, l'émotion s'est intensifiée malgré une écriture pudique mais chaleureuse. Mais la deuxième partie m'a emportée, attristée, captivée !

L'auteur-narrateur nous dresse un très beau portrait de son père, celui d'un homme engagé, médecin, très soucieux d'améliorer les conditions de vie dans les quartiers populaires afin d'endiguer la misère. Ses combats au quotidien tournent autour de la médecine préventive : vaccination, alimentation, et surtout, l'eau potable, l'hygiène. Il se rend au contact des plus démunis accompagné de ses étudiants afin de sensibiliser ces derniers au sort des plus démunis et attirer leur attention sur le contraste qui existe entre les riches et les pauvres dans cette Colombie des années 60, à Medellin.

Hector Abad nous conte son enfance heureuse, insouciante, au côté d'un père attentif à ses enfants, leur transmettant la culture, indifférent à la richesse, et d'une mère beaucoup plus pragmatique et qui gère admirablement la petite famille. Cette complicité entre le père et le fils nait dans une famille de dix femmes dont cinq soeurs. On comprend aisément la connivence et l'amour « animal » pour reprendre les termes d'Hector qui se joue entre le père et le fils.
Si l'on ajoute à cette connivence, le portrait d'un homme désintéressé, altruiste, parfois excessif, passionné, idéaliste, le fils comme les filles adulent un homme qui cherche à rester en accord entre ses actes et ses paroles, toujours soucieux d'apporter ses connaissances afin de contribuer au bien-être de ses semblables.

L'auteur nous amène à découvrir la société colombienne sur une vingtaine d'années et plus spécialement la ville de Medellin.

La société civile est entièrement captive de la religion catholique, du dogme religieux. le catholicisme est considérée comme religion d'Etat jusqu'en 1991et gère le quotidien des colombiens jusqu'à l'Education. La vie des colombiens est rythmée par l'Eglise, les prêtres, les évêques. Certaines scènes m'ont particulièrement angoissées tant l'omniprésence de la religion est étouffante !

La maman est croyante, le papa libre-penseur ! On apprécie de sentir l'amour qui unit cette famille, de les suivre dans leur quotidien, de pénétrer leur univers, de découvrir les us et coutumes de ce pays. On pénètre l'Université avec le père qui y enseigne jusqu'au jour où le drame survient et le mot « drame » est faible.

A compter de cet évènement, il ne sera plus possible, pour aucun membre de la famille d'être pleinement heureux. Plus rien ne sera comme avant. le désespoir incommensurable de cette famille transforme ce père qui se jette à corps perdu dans la bataille des droits de l'Homme. Son besoin de justice tourne à l'exaltation.

Nous sommes dans les années 1970, à Medellin, ville trop connue et meurtrie par la violence qui a succédé à la guerre civile des années 50 à 60 et qui fera souvent les gros titres des hebdomadaires. Pablo Escobar, les conflits armés entre les différents groupes politiques, la délinquance, les explosions terroristes, les règlements de compte entre maffieux et trafiquants de drogue, marquent à tout jamais Medellin jusque dans les années 90.

Hector Abad Gomez est de tous les combats, il s'expose dans ce monde régit par la violence. le choix de se faire tuer par un autre devient plus attractif si l'on ne perçoit plus la Lumière. Il est de toutes les marches qui manifestent devant le palais du Gouverneur. Naïf, sa pancarte au bout des bras, parfois il se retourne et s'aperçoit qu'il n'y a plus personne derrière lui : étonnant !!! Il écrit, il prend la parole ! Il se bat pour la liberté d'expression, pour une culture libre, il dénonce la torture, les séquestrations, il dérange. Il faut lire son superbe J'Accuse dans El Mundo de Medellin et El Tiempo de Bogota qui sera publié après l'assassinat d'un ami. Evidemment, on retrouve dans ce récit tous les travers des êtres humains. C'est poignant, ca prend aux tripes ! Je suis passée par toute une palette d'émotions avec ce récit.

Hector Abad Gomez est devenu une cible pour plusieurs groupes armées, il a été assassiné le 25 août 1987 par deux types à moto qui lui ont vidé un chargeur alors qu'il se rendait à l'enterrement d'un ami assassiné : un de plus. La Faculté Nationale de Santé Publique porte aujourd'hui le nom d'Hector Abad Gomez lui qui a tant oeuvré pour la santé des Colombiens.

Hector Abad Faciolince nous offre un vibrant hommage d'un fils à son père. L'auteur mettra vingt ans avant de pouvoir écrire ce livre tant les mots qui lui viennent à l'esprit sont toujours accompagnés de larmes. le traumatisme a été d'une telle violence ! C'est un très beau livre et je comprends pourquoi Booky, ce livre figure dans ceux que tu emmènerais sur une île déserte!

En vidant les poches de son père, le jour de sa mort, Hector Abad a trouvé ce poème de Borges écrit sur un morceau de papier qu'il a trouvé au fond de l'une de ses poches.

« Ici et maintenant, nous voilà devenus l'oubli que nous serons. La poussière élémentaire qui nous ignore……. »

Quant à moi je pense « Mon père ce héros au sourire si doux ….. » Victor Hugo

Commenter  J’apprécie          7713



Ont apprécié cette critique (73)voir plus




{* *}