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Critique de Eskalion


Après deux romans publiés en France, Megan ABBOTT n'est déjà plus à présenter. Ses livres « Absente » et « Adieu Gloria » ont rencontré immédiatement leur public et su séduire les critiques.

Petit brin de femme très enthousiaste dans la vie, elle n'en cache pas moins derrière cette apparence frêle, décontractée et débonnaire, un auteur à l'écriture et à l'imagination redoutables. Capable de faire naître par petites touches, une atmosphère, d'infuser en quelques mots une tension qui n'aura de cesse d'aller crescendo, elle a cette capacité extraordinaire à captiver son lecteur, pour le conduire où bon lui semble.

Mais ne nous méprenons pas, Megan ABBOTT n'est pas un auteur de l'action, elle n'écrit pas au marteau et au burin, ne manipule pas la dynamite, ne joue pas sa partition au bruit des balles et des explosions. C'est une ciseleuse de mots, une polisseuse d'idées, un écrivain qui travaille le détail. Son style est sobre et économe. Et c'est cette sobriété, le choix de ces mots choisis avec soin pour intégrer l'écrin de son histoire qui donnent à celle-ci toute sa puissance.

Car nul besoin de spectaculaire pour être efficace. Avec son art maîtrisé de l'écriture, Megan ABBOTT préfère mettre en avant la psychologie de ses personnages. Pas d'artifice, la nature humaine dans sa force et ses faiblesses, dans sa réalité et son paraitre. Il en ressort au final un roman entier, plein, chargé d'émotions et percutant.

Avec « Red room lounge » il encore question de femmes. Et quelles femmes ! Fatales,hq 001 déterminées, douces parfois, dures aussi. Et la plume de Megan ABBOTT de nous rappeler que la femme n'abandonne pas, que c'est un félin qui ne rentre jamais les griffes. Elle affute sa patience quand d'autres aiguisent des lames ou chargent des barillets. le temps est son allié, la vérité sa détermination, la psychologie son arme de prédilection.

Lora King vit seule avec son frère Bill, dans la maison de leurs parents décédés. Lui est policier, elle enseignante. Une vie bien réglée dans laquelle l'un est l'univers de l'autre tant la complicité qui unit frère et soeur et quasi fusionnelle, au point que le lecteur peut se demander jusqu'où celle-ci pourrait aller.

Pourtant un jour Bill rencontre une femme, Alice, habilleuse dans un studio hollywoodien. C'est le coup de foudre et les noces qui suivent à peine quelques mois plus tard. Pour Lora c'est un chambardement qui s'opère dans sa vie. La voilà obligée de cohabiter avec Alice, même si elle a pris soin de se trouver un appartement.

Bill est comblé. Les deux femmes de sa vie se comportent comme deux soeurs. Souvent ensemble, partageant tout, préparant les fêtes qu'Alice organise en son honneur. Lora n'ira-t-elle pas jusqu'à faire embaucher sa belle soeur comme enseignante dans l'établissement où elle exerce ?

Pourtant la réalité est tout autre. Un malaise diffus habite Lora au contact d'Alice. Il faut être une femme sans doute, pour saisir sur l'instant, ce que les autres ne voient pas : une absence fugace, une posture qui trouble la réalité et alerte vos sens. Lora devine que quelque chose cloche chez Alice, sent une menace sourde s'approcher de son frère.

Alors elle va creuser le passé d'Alice, ce passé qui se dérobe chaque fois qu'il est évoqué, et va s'enfoncer dans une noirceur sulfureuse qu'elle n'avait pu imaginer.

Il ne manque rien dans ce roman qui voit l'action se situer dans les années 50. Tous les stéréotypes sont réunis : les femmes fatales, les voitures rutilantes, les volutes de fumées, l'alcool, les machos. Ce roman est un film couché sur page.

Et c'est une vraie réussite à plus d'un titre. D'abord parce que c'est un roman féminin. Pour une fois l'homme n'occupe pas le devant de la scène.

Ensuite parce que Megann ABBOTT à l'intelligence de ne pas faire de cette confrontation entre ces deux femmes un duel. Bien que sa vie soit chambardée par l'arrivée d'Alice, Lora lui laisse la place d'entrer dans celle de Bill, essaye de s'entendre avec elle. A aucun moment elle n'essaie de reprendre ce qu'elle a perdu par amour.

Ce n'est que lorsqu'elle sentira qu'une menace peut mettre à brève échéance l'équilibre et la vie de son frère en danger qu'elle changera progressivement d'attitude et cherchera à le protéger de ce qu'il ne voit pas, et qu'elle finira par refermer la parenthèse.

A mon sens, tout l'intérêt de ce roman réside dans ce jeu d'attirance et de répulsion entre ces deux femmes qui représentent deux mondes qui se côtoient sans jamais pouvoir se confondre. Partant d'un gros plan sur la vie de ses personnages, Megan Abbott opère un travelling plus large sur cette Amérique des années 50, partagée entre d'un côté celle puritaine, à la vie bien rangée, et celle sulfureuse, de l'industrie du cinéma, du sexe de la drogue et de l'alcool.

Ce roman est en fait antérieur à ceux déjà publiés en France. Il laisse augurer tout le talent de cette nouvelle plume venu d'outre atlantique et qui allait faire le succès d « Absente » et « Adieu Gloria ». Et on attend déjà le suivant avec impatience !
Lien : http://passion-polar.over-bl..
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