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Critique de Kirzy


J'ai des préventions à l'égard des bouquins aux couvertures girly, je n'ai que rarement envie de lire des romans étiquetés féminins, c'est comme ça. Autant dire que quand j'ai reçu cette Miss Eliza dans le cadre du jury Grand Prix des lecteurs Pocket 2023, avec sa petite marmite et ses arabesques fleuries sur la couv', son titre très fifille et son sujet cuisine anglaise, bof niveau envie de lecture. Et ben j'avais tort : je me suis régalée !

Miss Eliza est une fiction romancée s'inspirant de quelques fait établis concernant la vie d'Eliza Acton, poétesse et autrice d'un best seller publiée en 1845, considérée comme le plus grand livre de recettes britannique, un des premiers livres de cuisine à l'usage de tous, innovant avec sa liste ingrédients précises et mesurés. Une vie peu documentée hors grandes lignes, ce qui permet à Annabel Abbs de se glisser dans les interstices et de faire parler les silences. Elle imagine avec beaucoup d'intelligence un personnage fictif en la personne de son assistante Ann Kirby.

Les chapitres à la première personne alternent la voix d'Eliza avec celle d'Ann, deux femmes très différentes dont l'amitié est improbable : Eliza la bourgeoise déclassée dont la faillite du père l'oblige à monter une pensionnat pour riches à Tonbridge dans le Kent, et à assumer le rôle de cuisinière malgré les objections de sa mère ; et la toute jeune Ann, née dans un milieu misérable, parlant du chaos de sa vie avant de rencontrer Eliza, entre un père alcoolique et une mère aliénée :

Le chaos « c'est quand votre mère ne vous reconnait pas, ne peut contrôler ses boyaux et porte sans raison un couteau à ses cheveux. Quand votre père doit être séparé de votre mère avant qu'il la tue. Quand votre estomac n'a pas été rempli depuis plusieurs jours. Et quand vos seuls souvenirs sont ceux de vos frères et soeurs en train de mourir et de votre père criant toutes les nuits dans son sommeil. Puis je songe à cette cuisine paradisiaque, propre et bine rangée. Peut-être est-ce la raison pour laquelle j'ai toujours rêvé d'être cuisinière, de prendre des aliments disparates et d'en faire des plats savoureux. »

Au fil de leurs recettes à quatre mains que l'on voit prendre vie, la narration met en évidence leurs différences et surtout leurs similitudes : deux femmes qui cherchent à échapper à leurs conditions et aux assignations définies par la société victorienne.

Au-delà d'une très belle célébration du pouvoir de l'amitié féminine, j'ai vraiment apprécié la façon subtile qu'à l'autrice d'aborder les inégalités sociales anglaises sans pour autant délaisser le ressenti et la vie intime des personnages. Comme si Annabel Abbs convoquait aussi bien Charles Dickens ( notamment les chapitres consacrés à Ann et sa famille ) que Jane Austen ( notamment les chapitres éclairant la vie amoureuse d'Eliza et ses relations avec sa mère ) selon les tonalités qu'elle souhaite donner à son roman.

Un roman vivant, incarné et très sensoriel donnant à voir et sentir les recettes d'Eliza et Ann conçues comme des poésies.




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