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Critique de LaBiblidOnee


Voici la « story de liaisons dangereuses » : la version instagrammable des épîtres de Choderlos de Laclos. Ici, le récit n'est pas épistolaire, ni constitué de stories peu nourrissantes : Il est raconté par un narrateur extérieur et omniscient, survolant pensées et sentiments de chaque personnage. Ici Jade et Léo sont les ami-mants pour la vie. L'histoire est connue, mais ces adolescents d'aujourd'hui vont reproduire celle de leurs aînés avec leurs moyens de communication modernes, et leur âge précoce qui est désormais celui où ces expériences éclosent. En lisant le résumé masqué, vous verrez que l'histoire est magnifiquement adaptée.





Tout se fait non plus entre adultes consentant, mais entre ado se sentant obligés de céder au chantage des sentiments pour être « aimés » par le plus d'inconnus possible. Un monde où l'on a plus aucune valeur soi-même, mais où notre valeur est le nombre d'inconnus qui nous "aiment", nous suivent. Et surtout, tout se fait non-plus par plis feutrés dévoilés par une rumeur incertaine, mais au grand jour sous les yeux de millions d'inconnus, exprimant leurs jugements à l'emporte-pièce sur les bribes de ce qu'ils voient et lisent. le tout est d'une violence certaine pour ces ado déconnectés de la réalité, qui ne savent plus à quoi se raccrocher lorsque leur monde virtuel s'écroule. L'histoire commence d'ailleurs avec un personnage désespéré pleurant sur un pont, histoire de mettre un peu la pression au lecteur qui prendrait ça à la légère.


Ici, vous verrez l'envers des décors de rêves des photos retouchées d'Insta, l'intérieur de l'âme des visages maquillés de ces gourous 2.0. C'est court, léger, mais plutôt bien vu autant dans la psychologie que dans le scénario. Ça se lit vite, c'est dans l'ère du temps. Choderlos de Laclos, 600 pages, Abecassis 180. Un pur produit de la pensée simplifiée, mais qui fonctionne car il colle à son sujet et, certainement, à son nouveau public. Il parvient très bien à résumer à quel point cette société désenchantée cherche le rêve facile alors qu'elle a bien mieux sous les yeux : une réalité plus complexe, certes, mais tellement plus riche. L'auteur épingle ces clichés que nous prenons tous sur le vif autour de nous : ces vies semblant plus intensément vécues en les postant instantanément sur nos téléphones alors qu'en levant la tête, l'événement original se déroule sous nos yeux. Ce non-sens de vivre dans un monde fake, à un âge où la vraie vie à tout à offrir en vrai.


L'adaptation de l'oeuvre classique à l'époque moderne est remarquable : peut-être éveillera-t-elle les plus jeunes, sinon à une prise de conscience, au moins à la lecture de l'oeuvre originale (lien ci-dessous). Néanmoins, faute de psychologie aussi fouillée, faute de passer beaucoup de temps avec les personnages dans cette société où tout passe et lasse très vite, ce récit ne marquera peut-être pas longtemps ceux qui ont connu l'original, à l'image de ces instantanés dont les couleurs s'effacent rapidement sous l'effet du soleil. D'un autre côté, ça colle exactement au propos : la superficialité des relations virtuelles, leur côté factice et, souvent, très éphémère.


Sur les réseaux, on « se » partage quelque chose.
Dans la vraie vie, on partage quelque chose « avec » quelqu'un...


Sur ce, je vous quitte en fredonnant avec Soprano :
« Je te partage ma vie, au lieu de la vivre
Tu me partages la vie des autres pour me divertir
Je ne regarde plus le ciel depuis que tu m'as pris
Mes yeux dans tes applis, baby
Je ne sais plus vivre sans toi à mes côtés
Ton regard pixelisé m'a envoûté
Toi, mon précieux, mon précieux, mon précieux
Mon précieux, mon précieux, mon précieux
Quand tu sonnes ou quand tu commences à vibrer
Je perds la tête, comment pourrais-je te quitter?
Toi, mon précieux, mon précieux, mon précieux
Mon précieux, mon précieux, mon précieux »

Lien : https://www.babelio.com/livr..
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