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Citations sur Manhattan... Susan : Été 66 (7)

De satinée la nuit devint lourde. Epaisse. Humide. Installés sur les banquettes pour dormir ils s'étonnèrent de ne pas apercevoir d'étoiles. Ralf s'était entêté à vouloir que les vitres fussent fermées suivant en cela des considérations floues. Nouvelle marotte, estima Lina qui n'essaya pas de la contredire. L'atmosphère devint de plus en plus oppressante rendant la respiration de plus en plus difficile. La jeune femme sortit de la Cadillac avec l'espoir d'emplir ses poumons d'un air moins raréfié. Sottise...
Bourdonnements sourds. Aussitôt : première piqûre. Puis deuxième. Puis dixième. Puis vingtième. Puis... L'imprudente regagna l'habitacle qu'elle taxait quelques minutes plus tôt d'étouffoir. En une poignée de seconde, des centaines d'insectes s'étaient engouffrés à l'intérieur, conséquence de son geste d'écervelée. Le mal était fait. Pas de produit sous la main pour repousser l'attaque massive des moustiques. Démunis les deux nigauds subirent jusqu'à l'aube les assauts des bestioles d'une taille impressionnante, sans commune mesure avec celle de leurs cousins d'Europe. Claques frénétiques auto-infligées en vain. Essai de ventilation en recourant à la documentation touristique de Ralf. Echec.
Au matin ils avaient visages, bras, torses, membres inférieurs à pois. A pois rouges. Rouge vif...
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Des notes à la volée prises il y a si longtemps.
Des notes sauvegardées par une conjugaison de hasards.
Des notes relues en diagonale, puis plus attentivement.
Des notes mises de côté pour quelques raisons floues.
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Passé le porche ils arrivèrent dans une cour et prirent rang dans une file peu nombreuse. La salle avec ses chaises dépareillées en bois ressemblait à celle d'une classe d'école primaire de campagne du XIXe siècle. Local rectangulaire au dépouillement franciscain des débuts de l'ordre religieux. A peine une estrade sur un côté. Une invite au recueillement? A l'enchantement?
Trompette. Clarinette. Saxo. Tuba. Guitare. Entrée olympienne des instrumentistes. Sourires. Salutations. Silence. Un classique du jazz New Orléans retentit. Les musiciens assez âgés prirent un éclatant coup de jeune. L'auditoire retint sa respiration. Des gens commencèrent à se lever, manière d'adhérer à la musique. D'être coeur à coeur avec les artistes dont le jeu magnifiait l'espace, le muant en sanctuaire intemporel où était abolie mesure de l'heure et du jour.
Dans l'orchestre où dominait la palette chaude des cuivres, il y eut comme un claquement de doigts, comme un signal. Un français venu d'un très éloigné passé remplaça le texte anglais des chansons. Les deux chanteurs se tournèrent vers Lina et Ralf. En leur honneur des mots de strophes jaillis de l'enfance de ces vieux artistes, mais ces paroles paraissaient étonnamment neuves dans leurs bouches. Au début il y eut quelques incertitudes avant que leur mémoire redevînt fertile et retrouve le chemin de l'époque où ils étaient gamins, où ce langage émoussé par la vie se revigore, se revitalise effaçant leurs hésitations. Les sonorités de leur jeune âge s'emparaient à nouveau de leurs oreilles pour habiter leurs voix. L'émotion les submergeait.
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Syd reprit le déroulement de ses interrogations :
- A qui appartient ce pays? A nous autant qu'aux autres. Le premier bateau négrier n'a-t-il pas débarqué sa cargaison humaine un an avant que les Pilgrims Fathers arrivent sur le Mayflower? Sur nos têtes au sud le cagnard des champs de coton, la sueur, la misère, le lynchage, au nord le blizzard, le froid, les poubelles à vider. Ce pays il est à nous autant qu'aux autres. Lutter, c'est jamais gentil et même la non-violence peut être violente à ceux qui la pratiquent. Notre humanité? Notre exploitation? On ne peut pas dissocier les deux combats... Je crois.
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L'avion tanga d'un côté puis de l'autre, découvrant en alternance la vue par les hublots de droite et de gauche. Tribord. Bâbord. Impression de balançoire. Au sol, une lande verte, apparence de gazon sauvage dru troué de taches aqueuses semblables à des éclaboussures et l'océan qui faisait mine de rivaliser avec la terre en une compétition perdue d'avance.
Vert du végétal. Gris des flaques d'eau attrapant des touches argentées d'un soleil vif et pourtant laissant deviner une étrange absence de chaleur. Ce vert. Ce gris. Ces nuances d'argent.
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Vent d'émeutes à Harlem. Vague de rage débordant le ghetto noir jusqu'à la fin des Macy's frontalier du Manhattan blanc.
Quel déclencheur à cette fureur? Un contrôle de police musclé. Une interpellation dénuée de fondement. Un échange verbal virulent conclu à coups de poing entre un récalcitrant et la marée-chaussée... Toujours le même scénario au fond, qui se répétait avec un démarrage souvent flou ou motivé par un geste d'une agressivité intolérable d'un représentant de l'ordre. Toujours cette menace ressentie par la minorité, menace qui d'ordinaire inoculait une asthénie, mais qui là se transformait en bouillonnement de colère.
Les temps étaient à la révolte.
Une étincelle... Une explosion. Et ça soulageait. Et c'était bon. Et ça délivrait de la pression permanente. Sortir des clous. Enfreindre les interdits. Faire fi de la loi. Saccager. Casser. Piller pour se réapproprier. Vandaliser pour s'affirmer. Le Macy's du coin en avait fait les frais.
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Il savait aligner plus que deux mots de suite et converser avec subtilité. En contrepoint son logement en sous-sol ne plaidait pas pour lui.
Deux soupiraux d'une longueur respectable, mais d'une hauteur assez petite, munis de barreaux, ne diffusaient qu'une lumière riquiqui, obligeant à recourir à l'électricité y compris en journée. Spacieux l'appartement, qualité que la déficience de l'éclairage naturel limitait. Vaste living, acceptable le coin-cuisine et celui où dormir, la fadeur d'un meublé en somme. Neil alluma la TV et invita Lina à regarder une émission au hasard tandis qu'il entraînait Marie côté chambre pour un papotage à voix basse. Echange bref, ponctué par un camp levé à la hâte.
Pourquoi un aller-retour New-York-Washington, si la discussion devait être si courte?
Lina se garda de toute remarque. Les histoires de la guerre et de la Résistance racontées aux deux soeurs leur avaient inoculé un virus du silence.
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