AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de isanne


Est-ce que le quotidien peut encore avoir la même signification après la perte d'un être cher ? Est-ce que l'on peut à nouveau vivre, en continuant de la même façon, après la perte d'un frère ?
Surtout si celui-ci était le parfait reflet de soi-même dans le miroir de l'existence, celui dont on sait beaucoup, dont on parvient sans mal à deviner le reste, celui dont on est tellement proche que pour l'un et l'autre, la vision du monde est la même, les mêmes pensées se tissent devant la profondeur d'une forêt, les mêmes envies de lectures s'échangent, le même regard sur la société se partage…

Sarah et Nathan étaient ainsi, deux êtres farouches, fragiles, sensibles, esseulés dans une société qui ne jure que par le profit, la performance, l'apparence, la réussite.
Eux y sont mal à l'aise, fuyant les étudiants qui les côtoient, fuyant les plaisirs et les loisirs des autres, trop onéreux pour eux, ou trop superficiels. Comme deux êtres intimement liés, ils s'enfuient, du monde, de leur propre milieu familial, de leur propre vie parfois et ce sont des escapades en forêt pour n'écouter que le bruissement des arbres, les bruits des animaux, percevoir le frôlement des oiseaux, lire des livres qu'on a volés ensemble à la librairie du boulevard, boire et fumer…

Si Sarah décide un jour de "faire semblant", si elle arrive à s'en persuader en épousant un garçon chic, stylé et bourgeois, en ayant un confort de vie qui permet d'éloigner les questions et une situation qui, même si elle fait renier les idées de sa jeunesse, la met à l'abri du besoin, Nathan, lui, refuse le compromis, refuse de transiger : au lieu d'un pavillon dans un quartier privilégié, il préfère une chambre au dernier étage d'un immeuble dans un quartier délabré, la promiscuité des petits boulots, l'incertitude des jours sans travail, le manque. Qu'importe, il écrit, il s'invente un ailleurs dans les fumées des drogues ou les vapeurs d'alcool.

Quand Sarah apprend la mort de ce frère qui était tant, elle sombre… parce qu'elle se retourne sur le passé et prend conscience quelle n'a pas toujours été la main tendue qu'il attendait, elle était parfois là, oui, mais souvent elle esquivait, elle prêtait de l'argent mais oubliait de donner de son écoute…

Elle part donc au Japon sur les traces de celui qui n'est plus, dernier périple accompli par ce frère absent.
Dernier voyage dont il est rentré comme auréolé d'une certaine sérénité, ce qui n'était guère son quotidien.
Dernière destination qui aurait pu être pour lui un lieu d'une vie plus reposée, plus douce...
Sarah veut comprendre, découvrir et aussi pansait ses propres plaies, celles du chagrin et celles de la culpabilité.
Elle va faire de belles rencontres...

Sarah n'est pas, à mes yeux, réellement cette femme engagée dans une vie qu'elle a pourtant refusée dès son adolescence, elle s'y est glissée par tranquillité, par besoin de certitude, par nécessité d'être protégée comme on endosse un imperméable les jours d'orage. Elle reste la rebelle, celle qui veut autre chose, qui porte finalement un masque qui se fissure. La disparition de Nathan crève cette bulle qu'elle s'était créée pour se protéger… Nathan qu'elle n'a pas su entendre, qui était toujours en révolte, toujours provocant. Mais jamais éloigné, toujours prêt à lui dire "Je t'aime petite soeur". Et c'est ce Nathan qu'elle a négligé qu'elle part retrouver au Japon…
Il est toujours trop tard pour ceux qui restent.


Roman de la perte, roman du deuil, du chagrin, de l'ébranlement qui suit, de l'onde sismique qui ravage celle qui reste, roman sur le fracas des êtres par la société dans laquelle les vraies valeurs ne cessent d'être piétinées au profit d'une existence trichée et superficielle. Des pages pendant la lecture desquelles on pense souvent à ce titre "Les lisières" pour le regard sur la société et la vie que les personnages choisissent d'y tisser.
"Le coeur régulier" est un roman coup de poing sur le réveil d'une jeune femme qui réalise un jour qu'elle a abandonné ses illusions et ses idéaux dans les seules mains d'un frère qui n'était pas assez solide pour les protéger et les conserver. Il l'appelait et elle ne l'entendait pas, il était sa boussole mais elle en avait bloquée l'aiguille pour suivre une autre direction. Roman de ce qui ne sera plus, récit d'une connivence à jamais disparue...



‘J'ai (…) perdu mon frère et l'enfant que j'étais auprès de lui. Je me suis perdue, sans lui désormais, il me semble que je ne me retrouverai jamais, que je suis condamnée à errer loin de moi jusqu'à la fin des jours."
Commenter  J’apprécie          525



Ont apprécié cette critique (48)voir plus




{* *}