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Critique de fbalestas


Comment réagiriez-vous si, en plein confinement, alors que vous l'avez vu deux jours auparavant via Zoom, vos appreniez la mort brutale d'un père très aimé ?
C'est ce qui est arrivé à l'autrice nigériane et c'est ce qu'elle décrit dans ce court récit. Sa première réaction – à sa propre surprise – est très physique : sanglots bien sûr, tremblements, mais aussi tout son corps - « je ne savais pas qu'on pleurait avec ses muscles » note-t-elle avec acuité.

On la suit dans son cheminement non pas « en deuil » - elle récuse le terme – mais en chagrin : oui.
Et comme il était dans leur village natal au Nigeria, et l'autrice aux Etats-Unis, avec une impossibilité de se rendre sur place pour cause de pandémie, les obsèques sont repoussées de mois en mois. de toute façon la narratrice n'en veut pas : elle refuse ses images où l'on voit des voisins défiler dans la maison familiale pour présenter leurs condoléances - sa manière à elle de mettre le deuil à distance.

Elle se remémore aussi des souvenirs avec son père – et c'est à la fois un plaisir de l'évoquer et une souffrance de savoir qu'on ne pourra plus les partager avec lui. Elle se confronte à cette Absence avec un grand A, contre laquelle l'esprit se révolte : « Rien ne m'a préparée à ma rage rugissante et malheureuse » énonce-t-elle dès le départ.
Et un peu plus loin d'autres mots rejoignent son vocabulaire comme quotidien, comme celui de « Jamais » : « Jamais est entré dans ma vie », dit-elle, « pour y rester. (..) Pour le restant de mes jours, je vivrai en tendant les mains vers des choses qui ne sont plus là."

Evoquant la figure de son père dans un très bel hommage littéraire, James Nwoye Adichie, on découvre un intellectuel passionnant – et on apprend quelques mots de la langue igbo. Il reste le souvenir principal d'une « chance folle d'avoir été heureux » dans une cellule familiale « intacte et sécurisante » et on se dit qu'elle a trouvé les mots exacts pour découvrir une enfance qu'on aimerait tous avoir eue. Sa vocation d'écrivain provient certainement de là.

Oui, la douleur de la perte est totale, et c'est un paradoxe de comprendre a posteriori que le bonheur passé « devient une faiblesse parce qu'il vous laisse sans défense devant le chagrin. »

L'auteure nigériane de « Americanah » sait vraiment trouver les mots pour évoquer cette expérience certainement universelle – le deuil faisant partie intégrante de nos vies – et c'est toujours réconfortant de trouver quelqu'un qui met des mots justes sur une douleur partagée.

Sa dernière phrase concède un dernier regret : « J'écris sur mon père au passé et je n'arrive pas à croire que j'écris sur mon père au passé ».
Tout est dit en une simple phrase – et c'est toute la force de l'écriture.
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