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Critique de kuroineko


Après trois premiers tomes bien prenants, le Danois Jussi Adler-Olsen poursuit sa série du Département V avec Dossier 64. J'y ai retrouvé avec grand plaisir le trio de choc des cold cases de Copenhague : l'inspecteur Carl Mørck, bougon, ironique, souvent dépassé entre son équipe et la smala qui vit sous son toit, son assistant Assad, à la fois attachant et ambigu par les mystères autour de lui, et la benjamine aux multiples personnalités Rose.

Le premier ennemi contre lequel doivent lutter nos héros est la grippe qui frappe la Direction de police en ce mois de novembre 2010. Pas simple de réfléchir avec la tête engluée dans la fièvre et le nez gouttant à qui mieux mieux...

Un vieux dossier de disparition datant de 1987 attire l'oeil de la gothique Rose et force est au reste du trio de s'y mettre (toujours avec un bel entrain du côté d'Assad... beaucoup moins côté Mørck). Cette enquête va les plonger dans un passé pas si ancien et très dérangeant du Danemark. En effet, durant plusieurs décennies (globalement entre 1920 et 1970), l'État mena une politique de type eugéniste en déportant et stérilisant de force des femmes jugées immorales ou qui ne rentraient pas dans les critères de valeurs établies par des médecins indignes. Rabaissées, humiliées, considérées comme mentalement déficientes et déviantes sexuelles risquant de "salir" la société des "bons" Danois en pondant gosses sur gosses en recourant à l'aide sociale, battues et enfin opérées afin de ne plus pouvoir enfanter, ces femmes étaient ensuite rendues à la vie civile, marquées comme des bêtes et généralement dans l'incapacité de s'intégrer socialement.

A ça, s'ajoute les volontés d'accès au parlement danois d'un parti d'extrême-droite aux terrifiants et nauséabonds relents nazis, Rene Linier ("lignes pures"... tout le programme dans le nom...).

Avec de tels éléments, on comprend que Rose, en tant que femme, et Assad en tant qu'immigré soient particulièrement portés et investis - professionnellement et émotionnellement - sur cette enquête. Quant à Mørck, ce n'est pas qu'il ne suive pas le mouvement, mais ressort de nouveaux points sur l'affaire du tueur aux clous antérieures à la série et qui a valu au policier de se retrouver en sous-sol au Département V, une cicatrice de blessure par balle à la tête et l'esprit encore torturé de la vision de ses collègues tombant sous l'assaut, l'un mort, l'autre tétraplégique. Plus l'agitation chez lui, plus les difficultés inhérentes aux débuts d'une liaison avec la belle Mona... Ça fait beaucoup pour un seul homme, non?

Jussi Adler-Olsen explique que le système de mise à l'écart et de stérilisations forcées a bel et bien existé et que, jusqu'à ce jour, il n'y a jamais eu de mea culpa ni de reconnaissance de cette part sombre de son XXème siècle par les gouvernements danois qui se sont succédés. N'étant pas très au fait de l'Histoire de ce pays, cette découverte m'a surprise et choquée par la violence physique et idéologique d'une telle planification eugéniste.

De même, les parties concernant l'organisation et les velléités du parti Rene Linier m'ont interpellée quant à l'actuelle montée en puissance en Europe de nombreux partis et mouvances identitaires, certains s'inscrivant ouvertement dans le prolongement de vieux démons du XXème siècle : l'idéologie mussolinienne par exemple en Italie. L'approche des élections européennes agite et met en avant ces hydres inquiétantes pour la démocratie et les valeurs humaines.

Ainsi, en plus d'être un roman passionnant à lire - peut-être même le plus abouti de la série pour l'instant -, Dossier 64 interroge à la fois sur les côtés sombres de nos Histoires (car le Danemark est loin d'être le seul à en avoir, ce serait trop simple) et sur les périls actuels des montées d'extrémismes de divers types (ici politique et idéologique, mais également religieux et sociétaux avec l'homophobie par exemple).
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