AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de mannedia


Dès que j'ai vu paraitre un livre portant sur l'épidémie (COVID) rédigé par un anthropologue, je me suis dit : « Ouf enfin ! Nous allons pouvoir sortir du quasi-monopole des discours hygiénico-politique». Et j'avoue que je n'ai pas été déçue.
Ecrit dans un style accessible et explicite Michel Agier évoque ici sa volonté et sa participation à la compréhension de ce qui arrive actuellement. En tant qu'anthropologue, il précise la délicate tâche qui l'attend, celle d'écrire sur le monde contemporain dans un ici et maintenant et plus particulièrement sur le « désordre » et les incertitudes qu'occasionnent l'épidémie telle que nous la vivons depuis plus d'un an.
Vivre avec les épouvantails n'est pas destiné spécifiquement aux universitaires ou aux chercheurs. C'est là le premier intérêt que je trouve à l'ouvrage, celui d'ouvrir l'anthropologie et ses réflexions à un plus large lectorat. Dans un souci didactique, Michel Agier précise ce qu'est l'anthropologie, ce qui plaira aux lecteurs les plus frileux. Il explicite comment la peur s'est imposée en tant qu'objet central de sa réflexion et nous embarque de pages en pages pour observer nos vies actuelles de manière décentrée. Pour cela, il s'appuie sur ses enquêtes de terrain, sur des recueils de formules glanées au fil de ces échanges quotidiens mais aussi sur des sources bibliographiques, et notamment les écrits de Bakhtine, historien de la littérature ayant travaillé sur les peurs.
Michel Agier ouvre une réflexion intéressante en réalisant une focale sur le corps. Il aborde l'attirail (masque, visière ou autre accessoire) qui l'entoure et la distance de rigueur entre soi et autrui comme étant la première frontière. Ceci a pour effet d'accentuer les processus de repli sur soi ou sur des unités plus restreintes et la méfiance à l'égard de l'« autre ». Dans ce registre où le corps est la première frontière, il questionne l'utilité des mesures prises et notamment celles qui concernent la fermeture des frontières nationales.
Ensuite, j'ai apprécié comment Michel Agier « dialogue » avec Bakthine pour analyser et resituer les différentes formes de peur, pour montrer combien ces dernières font parties des universaux et s'inscrivent dans les imaginaires des sociétés, imaginaires qui renvoient à notre vulnérabilité. Et d'expliquer que nous vivons dans un monde qui s'attendait à une catastrophe sans trop savoir la forme qu'elle prendrait. Un dialogue qui ne s'arrête pas à une simple classification. A l'appui de la littérature et notamment des lectures de Rabelais et des ouvrages analysant les imaginaires des cultures populaires, il montre comment les sociétés et les individus qui les composent ont contenu leurs peurs afin de vivre avec, expliquant comment ces dernières par la créativité et le grotesque (les épouvantails, masques et autres effigies carnavalesques) les appréhendent, les matérialisent pour mieux les visibiliser, les ridiculiser, et donc les contenir en les rendant « plus fragiles et domesticables ».
Une lecture enrichissante qui donne envie de porter un masque de papier maché !
Commenter  J’apprécie          40



Ont apprécié cette critique (3)voir plus




{* *}