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EAN : 978B08KT81F8M
147 pages
Premier Parallèle (15/10/2020)
3.22/5   9 notes
Résumé :
Le récit personnel d’un anthropologue, qui s’efforce, pas à pas, de discerner la manière dont le Covid a changé la manière dont nous faisons société.

" Les quelques mois de la pandémie de 2020 ont-ils changé le cours de l’histoire du présent ? De l’événement sans fin on est passé à la quotidienneté de l’anormal, à l’inquiétude permanente, puis à la nécessité d’apprendre à vivre dans l’incertitude.



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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Dès que j'ai vu paraitre un livre portant sur l'épidémie (COVID) rédigé par un anthropologue, je me suis dit : « Ouf enfin ! Nous allons pouvoir sortir du quasi-monopole des discours hygiénico-politique». Et j'avoue que je n'ai pas été déçue.
Ecrit dans un style accessible et explicite Michel Agier évoque ici sa volonté et sa participation à la compréhension de ce qui arrive actuellement. En tant qu'anthropologue, il précise la délicate tâche qui l'attend, celle d'écrire sur le monde contemporain dans un ici et maintenant et plus particulièrement sur le « désordre » et les incertitudes qu'occasionnent l'épidémie telle que nous la vivons depuis plus d'un an.
Vivre avec les épouvantails n'est pas destiné spécifiquement aux universitaires ou aux chercheurs. C'est là le premier intérêt que je trouve à l'ouvrage, celui d'ouvrir l'anthropologie et ses réflexions à un plus large lectorat. Dans un souci didactique, Michel Agier précise ce qu'est l'anthropologie, ce qui plaira aux lecteurs les plus frileux. Il explicite comment la peur s'est imposée en tant qu'objet central de sa réflexion et nous embarque de pages en pages pour observer nos vies actuelles de manière décentrée. Pour cela, il s'appuie sur ses enquêtes de terrain, sur des recueils de formules glanées au fil de ces échanges quotidiens mais aussi sur des sources bibliographiques, et notamment les écrits de Bakhtine, historien de la littérature ayant travaillé sur les peurs.
Michel Agier ouvre une réflexion intéressante en réalisant une focale sur le corps. Il aborde l'attirail (masque, visière ou autre accessoire) qui l'entoure et la distance de rigueur entre soi et autrui comme étant la première frontière. Ceci a pour effet d'accentuer les processus de repli sur soi ou sur des unités plus restreintes et la méfiance à l'égard de l'« autre ». Dans ce registre où le corps est la première frontière, il questionne l'utilité des mesures prises et notamment celles qui concernent la fermeture des frontières nationales.
Ensuite, j'ai apprécié comment Michel Agier « dialogue » avec Bakthine pour analyser et resituer les différentes formes de peur, pour montrer combien ces dernières font parties des universaux et s'inscrivent dans les imaginaires des sociétés, imaginaires qui renvoient à notre vulnérabilité. Et d'expliquer que nous vivons dans un monde qui s'attendait à une catastrophe sans trop savoir la forme qu'elle prendrait. Un dialogue qui ne s'arrête pas à une simple classification. A l'appui de la littérature et notamment des lectures de Rabelais et des ouvrages analysant les imaginaires des cultures populaires, il montre comment les sociétés et les individus qui les composent ont contenu leurs peurs afin de vivre avec, expliquant comment ces dernières par la créativité et le grotesque (les épouvantails, masques et autres effigies carnavalesques) les appréhendent, les matérialisent pour mieux les visibiliser, les ridiculiser, et donc les contenir en les rendant « plus fragiles et domesticables ».
Une lecture enrichissante qui donne envie de porter un masque de papier maché !
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Merci à Babelio et à Premier Parallèle pour cet ouvrage reçu dans une masse critique.

Le sous-titre de l'ouvrage, "le monde, les corps, la peur", donne le programme du fil rouge du texte.

S'inspirant des travaux de Bakhtine sur l'oeuvre de Rabelais et la culture populaire au Moyen-Âge et la Renaissance, Michel Agier propose une mise à jour de son analyse sur la peur cosmique à la situation du début de la pandémie de 2020, présentée comme un "fait social total".
Le livre ayant été publié en octobre, l'analyse porte autant sur le premier confinement que sur les premiers temps du déconfinement.
L'anthropologue se livre à une sorte d'auto-enquête, avec toutes les limites que cela implique, mais en oubliant jamais de garder une vision "déseuropéanisée", fruit de ses décennies de travaux à l'étranger.
De nombreuses sources sont citées, ce qui est toujours une bonne nouvelle pour un ouvrage d'universitaire. À signaler que Michel Agier fait souvent référence à d'autres ouvrages de Premier Parallèle. J'y vois une forte marque de la cohérence de leur catalogue.

De nombreuses idées sont présentes dans ce court texte et plutôt que de faire un relevé de celles-ci, je vais brièvement en mentionner quelques-unes, en ne pouvant que vous conseiller de lire l'ouvrage.

Biopolitique
L'auteur met en garde contre la biopolitique et suggère de maintenir une attention des plus alertes sur les mesures imposées et de ne pas les accepter sans même y réfléchir. Point d'appel à la désobéissance, mais une promotion de la réflexion.

Frontière
Le rapport entre le monde et le corps est notamment articulé autour de la notion de frontière.
Ainsi, pour l'auteur, le monde est la dernière frontière, vu l'interconnexion des êtres humains, quand le corps constitue la première.
Cet étrange dialogue entre l'intime et le global est au coeur de la pandémie.
Son propos sur les frontières pointe également l'inefficacité de la mesure de fermetures des frontières, réponse toute politicienne face à un virus n'en faisant pas grand cas.

Réponse à la peur
Face à la peur, il convient de naviguer entre "le déni et le désastre", de tracer une voie entre ces deux dynamiques. C'est ainsi que l'auteur, vantant une approche anthropologique, achève son propos sur la peur.

Du moi au monde
Comme une mise en abîme de la nature de la pandémie, Michel Agier fait dialoguer la situation française avec des analyses d'autres régions du monde, puisant dans ses expériences.
De la même manière, et au-delà de la question des réponses à la pandémie, l'auteur se sert de ses connaissances sur diverses zones de la planète pour expliciter sa définition de la peur, sentiment consubstantiel aux humains.

Vivre avec des épouvantails ?
Il s'agit de vivre avec ce qui fait la peur, comme avec la peur elle-même.

Cosmopolitique
L'ouvrage se termine par un plaidoyer pour une "cosmopolitique", réponse à peine voilée à la biopolitique servie par les gouvernements.

Une lecture stimulante et hautement recommandable !
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A travers cet essai, l'auteur s'interroge sur ce que la pandémie a révélé en nous et sur cette culture de la peur omniprésente véhiculée par les médias et les politiques. La France a peur, le monde a peur, les épouvantails sont partout.

L'auteur fonde son travail sur de nombreuses sources : de la littérature notamment avec les travaux de l'historien Mikhaïl Bakhtine, mais explore aussi diverses époques comme le Moyen Âge et s'aventure hors de l'Europe, de l'Afrique à l'Amérique du Sud.

Cette enquête lui permet de développer plusieurs idées : accepter les mesures mais réfléchir, ne pas perdre son jugement et son esprit critique. Il ne faut pas céder à la peur, elle a toujours été présente et nous permet d'avancer. Cette pandémie fait ressortir des peurs ancestrales mais paradoxalement, en nous isolant (le confinement), elle nous rapproche et nous permet de créer une nouvelle vie commune. Ce n'est pas la fin des temps, mais le début d'une nouvelle ère : apprendre à vivre avec nos épouvantails.

Un grand merci aux éditions Premier Parallèle et à Babelio pour l'envoi de cet essai dans le cadre de la #massecritique qui nous donne un autre regard sur la période actuelle.
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L'auteur - anthropologue intéressé par les populations précaires, l'exil et par les rituels visant à conserver l'identité ou en inventer de nouvelles – s'est peu à peu spécialisé sur la figure de l'étranger. le confinement de Mars dernier l'a amené à réfléchir avec les outils de son métier et de façon personnelle à ce que perturbait cette crise sanitaire dans les échanges et rituels sociaux.
Observant ce qu'il se passait autour de lui, il s'interroge sur ce que l'incertitude et la peur du corps des autres est en train de produire dans nos relations intimes et sociales. Il considère également comment l'imaginaire nous permettra sans doute d'affronter les peurs fondamentales réactivées par la pandémie.
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Ce texte passionnant et humble m'a énormément intéressée. C'est un exercice périlleux que de réfléchir et de partager sa réflexion en même temps que les événements se déroulent... J'ai trouvé beaucoup d'idées qui, sans forcément être nouvelles, m'ont permis d'ordonner ma pensée et de ne pas m'éparpiller dans un flux de bric et de broc où l'angoisse prend parfois le dessus. Une lecture salutaire !
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
"Dans l'intime, il y a cette gêne que tout le monde ressent et qu'en tant qu'anthropologue, je ne peux pas ne pas souligner : nos corps entravés doivent composer des mouvements et de torsions pour jouer un ballet étrange où l'on se rapproche tout en s'évitant, où l'on se parle tout en portant des masques (avec lesquels on peut aussi communiquer des messages non-verbaux), où l'on ne s'embrasse plus sauf avec les personnes avec lesquelles on vit, où l'on travaille avec des collègues alignés sur un écran, visibles ou parfois juste audibles. Que cela dure ou non, il en restera quelque chose qui a déjà changé nos sociabilités, qui renforce une certaine rétractation physique et un quant-à-soi individualiste."
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Accumulés, les changements sécuritaires sur les rituels de la vie quotidienne augmentent l'incertitude, créent de l'inconnu et, au final, nourrissent l'inquiétude. Que pèsent ces changements culturels contraints face au consensus sur le risque de transmission de la maladie ? Quelle peur domine ? Celle, très concrète et immédiate, de perdre ses repères quotidiens d'interaction ou celle, plus diffuse, obscure et vitale, de la contamination ? (52)
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Parmi toutes les peurs qui ont resurgi en ces temps de pandémie, la peur précisément politique de la perte consentie des libertés et de la disparition des autres, celle qui voit poindre un horizon totalitaire, justifie de s'alarmer alors même qu'on en entend très peu parler dans les médias ou dans les milieux politiques. C'est une bonne peur, pourtant, qui pointe le danger tapi au bout des politiques de la peur. (50)
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Ni journal de "ma vie confinée", ni analyse définitive et surplombante du "monde d'après", ce livre est plus simple et plus risqué : il s'agit d'une tentative d'anthropologie du monde contemporain et de ses désordres tels qu'ils peuvent être saisis à partir de la description de ce qui arrive : une pandémie et ses effets sur le monde. (9)
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Quand rien de solide ne soutient et ne soulage les inquiétudes existentielles, alors la peur est l'autre nom de l'incertitude. (109)
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Videos de Michel Agier (13) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Michel Agier
Samedi 1er octobre 2022 "La mer est un désert" avec Michel AGIER, anthropologue (Ehess et IRD), Éric FOTTORINO, écrivain et journaliste, Camille SCHMOLL, auteur, animé par Étienne AUGRIS, professeur d'Histoire-Géographie et auteur pour l'Eléphant
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