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Critique de Cancie


J'ai dès l'abord été séduite par le format du livre qui génère une belle prise en main, charmée également par cette couverture sur laquelle se détache un autoportrait photographique de Paul Gauguin en gilet breton sur un fond rouge. Ce rouge que le peintre adorait, toujours à la recherche du vermillon parfait…
Avec Paul Gauguin. Une vie, de Pont-Aven aux Marquises, Laure Dominique Agniel nous offre une biographie du peintre (1848 – 1903), qui est une excellente synthèse de ce qu'il faut savoir sur le destin hors du commun de cet homme qui s'est éteint il y a tout juste 120 ans le 8 mai 1903.
Elle parvient à redonner voix à celui qui est à la poursuite de la lumière, réminiscence sans doute de sa petite enfance passée au Pérou, en s'appuyant entre autre sur les nombreuses lettres écrites à sa femme et à ses amis, et aux témoignages de ses proches.
L'autrice fait revivre avec talent l'homme et le drame de ce couple passionné. Ils auront cinq enfants, pas d'argent, le centre de la vie de Paul étant sa peinture que personne ne comprend et ne veut.
De manière claire et précise, sans jamais lasser le lecteur, elle revient sur la vie exceptionnelle de cet artiste qui bourlingua beaucoup, du Pérou de son enfance jusqu'au coeur du Pacifique, sur les îles Marquises où il était parti chercher de nouvelles sources d'inspiration et où il mourra. le livre raconte ses voyages et ses rencontres artistiques qui sont aussi des jalons dans son oeuvre. C'est ainsi que séduit par la Bretagne, avec d'autres novateurs et précurseurs comme Sérusier et Filiger, toujours en recherche, il est à l'origine d'un style tout nouveau, que l'on a dénommé "l'école de Pont-Aven".
Mais les tropiques l'attirent. Il fera deux séjours à Tahiti, pour être débarrassé de la civilisation, et pour faire de l'art simple, très simple. le premier en 1891 se fera sous le signe de l'euphorie alors que le second est vécu dans l'amertume.
Mais plus loin encore, c'est enfin dans les îles lointaines des Marquises qu'il va trouver sa plénitude, plus exactement sur l'île de Hiva Oa, à Atuona. Il est immédiatement conquis par la beauté austère de ces îles. Aspirant à se faire « sauvage », c'est là, à 53 ans, qu'il va construire un simple fare, une maison de bois et de feuillage, une case polynésienne ouverte sur la nature, la maison de ses rêves dont il a dessiné les plans, il l'appelle « La maison du jouir », en référence aux areoïs, ces troubadours voués à l'art et à l'amour qui jadis semaient la joie dans les îles.
Il va y passer les dernières années de sa vie, passionnantes et bouleversantes et y peindra ses dernières toiles dont La femme à l'éventail, portrait de sa compagne Tohotaua.
Apprécié des Marquisiens, Gauguin restera pour eux Koké, une déformation marquisienne de son patronyme.
La situation des Marquises est en réalité loin d'être aussi idyllique que la perçoit Gauguin au premier abord. La colonisation est en cours et l'homme va vite prendre le pas sur le peintre. Il sera un des premiers à dénoncer la déculturation à l'oeuvre aux Marquises. Les nouveaux maîtres des îles, soldats, gendarmes et missionnaires, chargés de civiliser les sauvages, travaillent à la destruction de leur culture. Leurs lieux de culte ont été profanés, leurs dieux bafoués, leurs danses, leurs chants et leur langue interdits. Les missionnaires ont même considéré que sculpter, décorer relevait du fétichisme et offensait le Dieu des chrétiens !
Il prend fait et cause pour ces indigènes et les incite à lutter. Il écrit maints rapports, lettres, dossiers auxquels il n'obtient jamais de réponse. « Son seul résultat sera de rendre suspect aux autorités cet artiste qui prend fait et cause pour des sauvages, lesquels seraient encore cannibales si la civilisation ne leur avait pas été apportée par la grâce des missionnaires. »
L'artiste s'épuise et s'éteint seul.
Paul Gauguin. Une vie, de Pont-Aven aux Marquises de Laure Dominique Agniel est un livre passionnant qui m'a énormément appris sur Paul Gauguin que je pensais déjà bien connaître. Il m'a permis d'avoir un aperçu sur l'ensemble de son oeuvre et a surtout levé les a priori que j'avais sur l'homme.
Cette biographie m'a permis de faire plus ample connaissance avec ce génie avant-gardiste dont la valeur n'a été hélas reconnue qu'après sa mort mais m'a surtout fait découvrir un homme insoumis, en éternelle rébellion, un défenseur acharné des cultures locales dont l'existence tout entière consacrée à la peinture s'achève dans un combat social.
Que celles et ceux qui ont eu vent des polémiques violentes et passionnées qui circulent encore de nos jours au sujet de sa vie avec des jeunes filles polynésiennes lisent ce bouquin. Elles et ils pourront se faire alors une juste idée de la réalité.
En bonus, une petite dizaine de pages insérées vers la fin de l'ouvrage nous présentent quelques photos, affiches, lettres, sculptures, tableaux de l'artiste, dont Village breton sous la neige (1894) peint en Bretagne et retrouvé accroché dans la maison de Gauguin d'Atuona après sa mort.
Et pour terminer deux pages de repères biographiques permettant de synthétiser au mieux la vie de ce précurseur hors-normes.
Merci aux éditions Locus Solus et à Babelio pour m'avoir permis de découvrir Paul Gauguin. Une vie, de Pont-Aven aux Marquises de Laure Dominique Agniel, un bouquin qui m'a passionnée !

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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