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Critique de EvlyneLeraut


Crissures sur les vitres gercées de givre. Clairvoyant, subtil « La traversée des mensonges » est un huis-clos familial, relevé, intuitif. L'aérienne posture de la trame est un enchantement. Ciselée, maîtrisée, légère, elle rend grâce au lecteur. Affirme un auteur Joseph Agostini, digne d'un génie évident. Sans lourdeurs, lassitudes, l'histoire est une envolée polyphonique, unique. Pourtant, ce jeu des 7 familles est commun à beaucoup. Chacun (e) trouvera sa propre carte. Cette traversée des mensonges est un saut dans les flaques des non-dits. Des portes qui claquent sous un courant d'air vif. Des règlements de compte, et plus que tout, des protagonistes en proie aux névroses. Les verres volent en éclat. Cette fratrie dont la fierté est dans une contemporanéité de renom. « La traversée des mensonges » pointe du doigt là où ça fait mal. Ce nectar familial se déguste comme du petit lait. Joseph Agostini est doué, très. On ressent cette ampleur d'orfèvre qui se donne. Délivre des mots sur maux. Cette traversée des mensonges est calme et trompeuse. Nous sommes dans une histoire intime où les voix résonnent en nous. le père, Claude décède. Détonateur d'une traversée existentielle. Cet homme au caractère bien trempé, un peu réactionnaire voire beaucoup, est intransigeant et dur. Sous cette paroi aride où se cache la forêt aux feuillages de tendresse. Il faudra attendre l'arrivée des petits-enfants, l'attrait d'un jardin nourricier pour découvrir sous les écorces, ce père corse, altier mais fissuré. Un père de tous les drames, emblème d'une Corse qui s'entredéchire, rude, aux mystères de plénitude. Dans la famille je demande la mère, Fabienne. Névrosée, au passé lourd d'un drame accouché de l'enfance, caricature d'une femme en proie aux angoisses, perdue. Elle aura toute sa vie durant essayé de raccommoder les trous dans la nappe du faux-semblant. Peine perdue. Les enfants ne sont plus. Adultes devenus, affirmés, cabossés. Portant sur leurs dos les affres d'une éducation rigide. Eaux troubles d'une traversée ultime. Les vérités vont éclater. L'enfance a disparu. La mère n'a plus de prise. Et, c'est là, le drame de toutes vies. La séparation avec la matrice, avec ce générationnel bafoué qui ne sera jamais le sceau d'une glorieuse famille. On reste accroché à la rive de ce sublime récit. de ce fils Georges, fil rouge de l'histoire. Mon préféré. Invisible sur le bateau. Fantôme présent, avocat à la ville, le mouton noir des Santini. « Pendant mes études de droit à Corte, j'ai hébergé des fugitifs, ceux que vous appelez les terroristes, en oubliant que le terrorisme, le vrai, c'est celui de cet Etat français qui vole, qui meurtrit. Car en famille ou en politique, il n'y a pas plus grand crime que le paradoxe. Mettre sous perfusion une île et la traiter d'assistée dans un même mouvement. » On cherche Georges dans notre moi le plus profond. « La traversée des mensonges » éloigne les mirages, approuve l'adversité. Ce kaléidoscope d'une fratrie corse dans son apogée est une fine analyse psychologique, où persiste les flots des rancoeurs. le déni d'une enfance castratrice, les douleurs assassines, le lâcher-prise avec les souvenirs heureux qui font que le pardon ne peut advenir. « La traversée des mensonges » est un antidote, son pouvoir est immense. D'un réalisme fou, il est une histoire pour les grandes personnes. Et c'est là le magnifié d'un voyage qui emporte tout sur son passage. Il incite à l'ouverture et donne les clefs. Publié par les majeures Editions Envolume, ce premier roman d'un maître des essais : (« Dalida sur le divan », « Gainsbourg sur le divan » et « Manuel d'un psy pour en finir avec la mort », psychologue clinicien et chroniqueur sur RTL et au Huffington Post, nous offre une belle leçon de vie.
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