AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de SophieLesBasBleus


C'est de foudroyante manière que le premier roman de Marie-Fleur Albecker renouvelle la forme du roman historique. Tout commence en 1381, lorsque les serfs et paysans anglais se regroupent afin d'aller porter leurs doléances au jeune roi Richard II. Liberté, abolition des privilèges, justice, révocation des conseilles félons... les revendications se font de plus en plus virulentes à mesure que la troupe s'avance vers Londres et s'augmente d'autres frondeurs.

Johanna, une jeune femme rêveuse et indépendante, s'est jointe à la révolte dès son début. Elle prend conscience très vite que ces hommes révoltés n'envisagent pas une seule seconde, et n'imaginent même pas, d'intégrer le sort des femmes à leurs revendications. Lucide, déterminée, Johanna veut aller jusqu'à l'aboutissement de la jacquerie, même si la mort en est le dénouement.

Sur cette trame historique, l'auteur bâtit un roman au ton particulièrement original et décalé. Cette rébellion des opprimés du 14ème siècle brandit le drapeau de toutes les indignations et de toutes les insoumissions actuelles. le grand vent de liberté qui soulève les peuples souffle en tempête stimulante et vient chambouler les époques, les codes narratifs, génériques, l'écriture et l'énonciation. Rien ne semble pouvoir endiguer le flot de cette langue surprenante qui sans cesse se réinvente car sans cesse se métisse d'anachronismes, d'argot ancien et moderne, d'expressions anciennes et contemporaines. En jonglant ainsi avec les formes de l'énonciation, l'auteur prend le risque d'égarer le lecteur frileux, mais celui qui accepte de suivre ces "damné e s de la terre" accomplit un voyage particulièrement émoustillant et décoiffant !

Dans ce joyeux foutoir fichtrement bien organisé, persiste comme un fil rouge ou comme un étendard, le thème de la justice sociale et du droit. Cette lutte du pot de terre contre le pot de fer déborde du cadre historique et géographique pour venir éclairer le présent. Entre burlesque et tragédie s'insinue une réflexion affûtée sur la morale des révolutions et sur la place que les femmes peuvent y prendre.

Ecrivant ces mots, je me dis qu'il faudrait approfondir encore la lecture de ce premier roman, en discerner les mouvements et le cheminement, affiner l'interprétation, suivre les fils tendus entre passé et présent, entre ici et ailleurs, décortiquer les jeux de langage, leur inventivité et leur hardiesse... Mais ce qui demeure de cette lecture, pour moi, c'est avant tout la jubilation qu'elle a provoquée !
Commenter  J’apprécie          71



Ont apprécié cette critique (6)voir plus




{* *}