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EAN : 9782373050424
250 pages
Aux forges de Vulcain (24/08/2018)
3.51/5   64 notes
Résumé :
En 1381, la grande peste et la Guerre de Cent ans ont ruiné le royaume d’Angleterre. Quand le roi décide d’augmenter les impôts, les paysans se rebellent. Parmi les héros de cette première révolte occidentale : John Wyclif, précurseur du protestantisme, Wat Tyler, grand chef de guerre, John Ball, prêtre vagabond qui prône l’égalité des hommes en s’inspirant de la Bible. Mais on trouve aussi des femmes, dont Joanna, une Jeanne d’Arc athée, qui n’a pas sa langue dans ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (40) Voir plus Ajouter une critique
3,51

sur 64 notes
Grâce à ce roman j'ai découvert l'histoire d'une révolte de paysans en Angleterre au 14eme siècle.
L'auteure met en avant une femme, Johanna, qui va marcher jusqu'à Londres avec son mari et d'autres paysans pour exprimer leur colère à l'encontre du Roi et lui faire part de leurs revendications. Johanna lui permet aussi d'explorer la condition féminine de cette époque, grosso modo peu de considération pour la femme cantonnée à son rôle de base principalement une épouse et une mère mais surtout sans opinion.
Comme toute révolte de cette époque et malgré quelques coups d'éclats, elle finira dans le sang et la répression.
Un premier roman intéressant du point de vue historique et un titre très bien trouvé.
Par contre, j'ai moins accroché au choix du langage de l'auteure : un langage familier voire vulgaire de temps en temps. Ce choix m'a déplu, trop de décalage entre l'époque et la langue utilisée.
Mais le plus gros bémol reste la dizaine de fautes d'orthographe, de mots. Je n'ai pas pu m'empêcher de les corriger au crayon à papier pour les prochains lecteurs. Quel dommage.
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Epoustouflant, indispensable, à part, c'est le roman du siècle !! « Et j'abattrai l'arrogance des Tyrans » de Marie-Fleur Albecker puissant, digne de Vulcain est une construction livresque d'orfèvre pure. Ce roman historique mais pas que, est mené d'une main de maître et des plus grands ! L'écriture douée, mature, intuitive enchante les pages qui pourraient sonner le glas d'une sombre période. Il n'en est rien. le style est frais, aérien, divin. C'est un pur enchantement, une merveille à l'aube des révoltes nées. Une fleur dans un champ de haute littérature, hymne de la liberté, que l'on ne coupera jamais. Marie-fleur Albecker vit son histoire. On sent dans les lignes la conviction de son éthique, toute d'égalité et de justice. Le féminisme a la part belle aussi et la délicatesse des sons est une main caressant la chevelure brune de Johanna héroïne de cette histoire citadelle. Tout se passe en 1381. Une révolte gronde et tel un rocher dévalant la pente des injustices va briser la folie indécente des Seigneurs lorsqu'ils vont entreprendre d'augmenter les impôts. La servitude prend des allures de combats intérieurs. Le lecteur pénètre dans cette période par la grande porte, marche à côté de Johanna et se prend lui aussi à vouloir défier le roi. Des révoltés faisant front commun qui s'écartent de toutes impasses avec pour outils, ces valeurs fondamentales de justice, de concorde et de fraternité, deviennent subrepticement des modèles. le style de l'auteure est le levier salvateur de ce roman hors pair. L'osmose entre les siècles opère son champ d'action. Les clins d'oeil sont subtils et perspicaces. le lecteur apprécie ce côté jubilatoire aussi. « Voici venu le moment crucial qui sépare l'émeute de la révolte : on a cassé deux ou trois pots, brisé des vitrines au coin de la rue et laissé quelques cadavres sur le carreau, ça fait la mesure pour un accès de colère comme il y en a d'ailleurs eu les années passées. ça c'est business as usual. Il est possible de rentrer chez soi et de faire le gros dos – quoique Thomas Baker risque de prendre cher pour tout le monde, car tuer quelques ploucs du crû, c'est une chose, buter trois clercs savants d'un membre du Parlement, c'est quand même plus délicat. »Ses convictions en étendard l'auteure prend les rènes de cette révolte et va semer sur le chemin, ses engagements de femme libre. Johanna semble l'auteure et ce jeu de rôle est le miroir cher aux femmes. « Et j'abattrai l'arrogance des Tyrans » est une entrée dans la raison, dans la quête existentialiste. Les hommes et femmes s'élèvent dans cet entre monde comme si la lumière du jour devenait peu à peu celle qui peut couper les chaînes des entraves mentales. Briser les armures et étreindre la justice chère aux hommes et femmes de bonne volonté. La page 155 est à apprendre par coeur. Ce roman est bouleversant, percutant car trop beau et trop fort. Il laisse après le point final l'envie furieuse de le recommencer encore et encore. Merci pour ce chef d'oeuvre engagé, féministe et humaniste. C'est un roman pour l'éternité. Publié par Les valeureuses Editions « Aux Forges de Vulcain » ce roman est aussi une belle signature éditoriale tant l'histoire semble celle d'un forgeron au beau devenir. Roman culte
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Quel étrange premier roman ! Mêler langage et réflexions du XXIème siècle à une révolte du XIVème siècle….. Original et pourquoi pas après tout. Qu'importe les siècles, les révoltes sont souvent similaires…..

Elle qui souffre le double fardeau de l'idéal pour lequel elle s'est battue et d'une révolte de femme qui paraît absurde à tous ceux qui l'ont entendue. Seule, entièrement. (p194)

Trop d'impôts, trop de taxes, trop d'injustices…. Cela ne vous rappelle rien, être femme, subir les injustices dues à votre sexe, tiens tiens, cela me rappelle aussi quelques luttes.

Et pourtant ce premier roman de Marie-Fleur Albecker, sorti bien avant certains mouvements actuels, trouve un écho dans l'actualité. Ce roman est le cri d'une femme Johanna Ferrour, violée par son premier mari puis remarié à William, paysan, ils vont se mêler tous les deux à la révolte qui eut lieu en 1381 en Angleterre, contre des taxes et impôts injustes, révolte menée en autres par John Ball, qui finira par un semblant de compromis et l'exécution des principaux meneurs.

L'autrice aurait pu utiliser un langage de l'époque, en vieux français (difficile à comprendre) mais a choisi, et surtout dans les deux premières parties, d'utiliser une narration avec les mots et expressions de notre siècle…. Une immersion totale dans les défilés, dans les manifestations, donnant le sentiment parfois de ne plus savoir de quelle époque il s'agit

Ah mais oui, bien sûr, parce que quand tu as appris à fermer ta gueule toute ta vie et que tu risques une accusation de sorcellerie rien que parce que tu dis tout haut ce que tu penses tout bas, c'est juste que tu es une caractérielle qui fait la gueule. Pour une fois, au lieu de hurler « OUAIS CONNARD ET LA PROCHAINE QUE TU DEMANDES JE TE BOUFFE LE NEZ DIRECT IL VA PAS RESTER GRAND-CHOSE DE TOI ET DE TA PETITE QUEUE ! (p119)

Alors c'est vrai que cela dépayse, une page d'histoire avec un langage pas toujours châtié mais vrai, peut-être finalement, à quelques détails près, celui utilisé à cette époque, en tout cas langage adapté et qui reflète l'ambiance et la colère qui peuvent régner quand le peuple n'en peut plus !

Que de combats doit mener Johanna ! Etre femme au XIVème siècle n'est pas une sinécure… Alors vouloir se mêler aux hommes, vouloir tenir sa place, revendiquer des droits alors que vous n'avez que celui de vous taire, de travailler et d'assurer le bon vouloir de l'homme…. Elle se retrouve finalement en première ligne, n'hésite pas à élever la voix, à affirmer ses choix, le temps d'un combat, d'une lutte, avoir le sentiment d'exister.

Le récit se compose de quatre parties : la mise en route et la marche de ces paysans, un état des lieux de l'époque et des différents personnages. Ensuite les victoires du fait du nombre, de l'entente, des rencontres. L'union fait la force mais Johanna va vite apercevoir les limites et les débordements qui vont la faire basculer, elle aussi, dans la violence. Elle fait preuve de lucidité sur l'issue du combat et des gens qui l'entourent. Elle sait lire dans les regards des puissants mais aussi de ses concitoyens, intuition féminine.

J'ai trouvé amusant de donner, dans la troisième partie la parole aux différents protagonistes, se révélant finalement tels qu'ils sont, bas les masques :

Incroyable quand même, que ça ait persisté, enfin je veux dire, les seigneurs sont au fond des gens compétents dans l'ensemble, c'est pour ça qu'ils sont en poste, non ? Enfin bref, il faut ajuster des trucs, c'est sur, mais tout ça me semble un peu extrême, un peu too much. (…) Parce que faut pas se faire d'illusion, ça va saigner. Faut que je trouve un moyen discret de me barrer dès que possible (p133)

On y retrouve également les grands maux de notre société actuelle (rien ne change) : injustice sociale mais aussi rivalité commerciale entre petits commerçants et flamands puissants, entre autres.

En prenant une révolte vieille de 700 ans, Marie-Fleur Albecker, professeur d'histoire géographie, utilise une autre façon de raconter l'Histoire qui fait miroir avec le présent. Sûrement que ce style peut plaire et je le trouve judicieux surtout pour un public plus aguerri à ce franc-parler mais pour moi cela a été un peu plus ardu, lassant.

J'ai failli abandonner à la moitié du récit, puis j'ai pensé que la démarche était malgré tout intéressante, innovante et totalement en adéquation avec l'histoire, avec le contexte.

Evidemment le combat féminin tient une grande place, demander justice sociale ne peut faire oublier l'égalité des sexes et Johanna envoie du lourd.

En ouvrant ce livre vous entrez dans une sorte « d'expérience » d'écriture, réussie mais qui n'emporte pas, pour moi, ma totale adhésion. Ce n'est pas une littérature que j'apprécie même, et c'est cela qui est ambigu, si je suis contente de l'avoir découvert et de l'avoir lu jusqu'au bout.
Lien : https://mumudanslebocage.wor..
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On va vraiment penser que je suis un vilain babelionaute acariâtre à force de dire de mauvaises choses sur les dernières nouveautés lues (et un vieux réac à force de dire de gentilles choses d'ouvrages anciens), mais honnêtement, là je ne comprends pas.

Ce livre promet d'abattre l'arrogance des tyrans et a déjà le titre le plus prétentieux de toute la rentrée littéraire 2018. Enfin, passons. Ca me fait mal de dire ça car j'aime bien cet éditeur, mais là, ce livre est mauvais.

La langue est une catastrophe. L'autrice déclare ne pas vouloir pasticher la langue du Moyen-Age. On peut la comprendre (le pourrait-elle seulement?), mais entre le langage de Chrétien de Troyes et celui du bistrot du coin, il y a un gouffre tout de même! Pourquoi choisir une période historique si:

- les personnages parlent comme en 2019 (et encore, j'espère qu'ils ne parlent pas tous comme ça en 2019)

- le message se veut contemporain

Car en effet, l'histoire ici n'est qu'un prétexte. D'ailleurs l'autrice a indiqué elle-même dans une interview n'avoir employé qu'un livre de 1988 (et quelques autres non précisés), et ne connaître aucun autre auteur de romans historiques français qu'Eric Vuillard. L'autrice se moque du contexte qu'elle a choisi, et son livre aurait tout aussi bien pu prendre place à n'importe quelle autre époque que cela n'aurait rien changer. Elle est tout à son message (féministe, mais surtout d'une balourdise consommée), et les romans dominés par leur message sont rarement des réussites.

Un roman existe grâce à ses personnages, son contexte, son intrigue, dès lors que tout cela se contente de servir un message, alors autant privilégier l'essai ou le pamphlet, car le résultat est lourd, caricatural, indigeste, et J'abattrai l'arrogance des tyrans (titre qui pèse déjà sur l'estomac) en est une preuve manifeste.

C'est très regrettable car le sujet a été rarement traité (tant en littérature de fiction que de non-fiction francophones) et il y avait de la matière à utiliser, mais l'autrice ne nous dit pas grand-chose des événements, "embringuée" qu'elle est dans son message d'une finesse pachydermique.

J'ai l'impression que madame Albecker avait une colère à exprimer avec ce malheureux livre qui aura joué, comme souvent dans la littérature contemporaine un rôle cathartique que les "écrivains" aiment retirer à leur psychologue. Dommage pour la littérature, dommage pour les lecteurs, mais c'est vrai qu'il faut payer le psy lorsque le lecteur paye pour lire les épanchements de l'écrivain. Heureusement, celui-là, je ne l'ai pas payé.







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Tyrannosaurus Rex Anglicana

Comment être dithyrambique sans sonner faux ? sans paraître flagorneur ? C'est tout le challenge de ce billet.

Un point de départ de Marie-Fleur Albecker, dont c'est le premier roman particulièrement maîtrisé, et plusieurs lignes d'arrivée ! A partir de la révolte des paysans anglais de 1381 qui refusent de payer un nouvel impôt levé par le roi, Marie-Fleur Albecker déploie deux trames de lecture.

Une première trame se concentre sur l'Angleterre de cette fin de XIV° siècle, une seconde trame vient se superposer à la première pour offrir au lecteur une vision contemporaine et moderne de ce récit en faisant de nombreux et constants liens entre les deux époques. Tous les thèmes sont donc abordés sous l'angle médiéval et l'angle moderne. Et c'est aussi passionnant que drôle et édifiant. L'esprit moderne fait que des événements forts proches les uns des autres apparaissent naturellement comme logiques aujourd'hui (ou inacceptables) et inacceptables (ou logiques) au Moyen-Âge. le récit de Marie-Fleur Albecker remet tout cela en perspective pour que notre lecture des événements soit la même quel que soit l'époque.

Je ne vais pas vous faire une liste exhaustive de ces liaisons qui sont tout sauf dangereuses entre passé et présent. Mais finalement, la révolte des paysans anglais face à un impôt jugé injuste parce qu'il ne concerne que les paysans et pas les notables de la société anglaise n'est ni plus ni moins que la révolte de n'importe qui face à une injustice fiscale liée aux évasions fiscales dont profitent les grand(e)s patron(e)s d'industrie de nos jours.

Si l'auteur attire plus souvent qu'à notre tour notre attention sur ce qui diffère entre les deux époques selon nos critères modernes d'analyse alors qu'elles restent proches l'un de l'autre, elle souligne aussi parfois ce qui n'a pas changé en presque sept siècles… Son héroïne, Johanna, est une femme « bizarre » pour son époque (elle suit les hommes dans leur marche de protestation sur Londres, elle demande justice suite à son viol par celui que la justice lui attribuera comme sentence en qualité de mari, etc…) : elle est à la limite de se faire qualifier de sorcière… tout comme aujourd'hui une femme qui s'habille « un peu trop légèrement » sera à deux doigts (ceux qui servent à siffler pour certains) de se faire traiter de salope. Ces deux équations se rapprochent par leur simplisme et la similitude des attitudes.

La force du roman de Marie-Fleur Albecker se situe dans ces liens incessants, étonnants parce qu'on n'y a pas soi-même réfléchis alors qu'ils semblent d'une limpidité biblique, entre passé et présent.

Parmi les nombreux thèmes abordés, il en est un qui prend une dimension toute particulière et qui tourne autour du personnage de Johanna et de ce qu'elle représente. La place de la figure féminine au Moyen-Âge et celle qu'elle occupe aujourd'hui n'ont plus grand-chose à voir et pourtant le combat reste toujours autant d'actualité 700 ans, ou presque, plus tard. Johanna est celle qui accepte d'être elle-même et pas ce que les autres veulent qu'elle soit. C'est celle qui porte un regard à la fois tendre et féroce sur les hommes, malgré tout.

L'injustice est aussi un des autres thèmes majeurs qui tient à coeur de l'auteur. La plus grosse injustice est l'injustice de classe, celle liée au statut social des personnes concernées. Ainsi, en parlant de la guerre des Roses, guerre de succession au trône anglais, Marie-Fleur Albecker écrit : « Enfin, rétablissons les choses : il va y avoir une guerre, et comme dans toute bonne guerre, en fait, ce sont plutôt les Anglais, de préférence de basse extraction, qui vont au charbon pour des types qui veulent être rois. CCent mille morts après la Grande Noire et la Guerre de Cent Ans, c'était pas rien à demander au bon peuple, alors même qu'il existerait une solution bien plus simple et qui traine dans les tiroirs des hommes de troupe depuis pas mal d'années : balancer les rois, princes, généraux et ministres dans une arène, en slip de bain et armés de bâtons. Et hop ! à qui restera le dernier debout, la victoire. En plus, la vente des billets pourrait rapporter de l'argent, car qui n'a jamais rêvé de voir un prince en slip ? ».

Cette injustice trouve son prolongement dans le simplisme évoqué plus haut. Cette notion est avancée par les « puissants » face à ceux qui arguent que ce ne sont pas ceux-là qui la font la guerre mais bien eux, les « petites gens ». Ils accusent les paysans d'avoir une vision trop simpliste de la vie en générale et de la guerre en particulier alors que « ce ne sont pas eux qui se cassent le dos à biner dans les champs ou à nettoyer nos chiottes ». Une fois de plus, le débat ne semble toujours pas clos sept siècles plus tard…

L'injustice, Johanna la prend de plein fouet après son viol et pourtant, tout au long du roman, elle n'aura de cesse de penser sa situation au regard de la notion de justice qu'elle pense pouvoir toujours trouver avant de se rendre compte que la justice des hommes à laquelle elle aspire n'est pas la justice des êtres humains mais bien celle d'un sexe face à un autre, pensé plus faible.

Si ce livre est un récit sur l'injustice, il n'en oublie pas moins son pendant la révolte aussi veine semble-t-elle être… car tout le monde connaît l'issue de la marche des paysans anglais au risque de penser qu'aucun succès du pot de terre contre le pot de fer n'est envisageable ! « Marcher sur Londres, marcher sur la capitale, car c'est là que se niche le pouvoir, car c'est ce que font toujours les révoltés quand leur colère ne peut s'éteindre avec deux-trois pillages. Marcher sur Paris, marcher sur Versailles pour aller chercher le boulanger, la boulangère et le petit mitron (et là ce sont les femmes qui ont marché, elles aussi le savent, voyez-vous !), marche du sel, marche pour les droits civiques de Washington, marche des femmes, combien de millions de kilomètres avalés et de chaussures bousillées pour qu'au bout du chemin, toujours, se dresse l'espoir sans cesse déçu, sans cesse trahi, des lendemains qui chantent ? »

Et tout cela est fait avec un brio d'une drôlerie parfaite ! Marie-Fleur Albecker parvient ainsi à lier fond et forme sans jamais ennuyer son lecteur une seule seconde.

Ainsi, Marie-Fleur Albecker évoque le Londres de cette année 1381. L'extrait suivant montre à quel point elle est drôle grâce notamment à la superposition de ses grilles de lectures médiévales et modernes.

« A part ça, pas que Londres soit non plus le centre ultra-branché de l'époque ; c'est même une ville de ploucs. Les métropoles, les lieux en vogue, là où il faut être, les hipsters de l'époque se mettent à porter des costumes courts et des collants (sexy !), les mecs qui tentent la perspective en mode Giotto, rien à voir avec Londres, Londres à l'époque c'est un bon gros bled (relativement quand même, imaginez ces Ecossais, à porter le kilt et se peinturlurer la figure en bleue genre Mel Gibson dans Braveheart). Non, le centre du monde (que Johanna ne connaît pas, mais dont elle a sans doute déjà entendu parler), c'est l'Italie, Milan Venise Naples Gênes, ou encore les Flandres, Gand Anvers Bruges, Flandres d'où vient la grand-mère du Roi Richard et mère de Jean de Gand mais le Roi d'Angleterre vise plus haut : Paris, la plus grande ville d'Europe (même Johanna en a eu vent, Paris c'est une fête). »

Là encore, elle a fait le lien entre passé et présent, elle remet les idées à leur place et les choses en perspective… son style est enlevé, touche juste en mélangeant des références contemporaines sur les événements médiévaux comme pour mieux nous les faire comprendre avec nos conceptions modernes.

« Voici venu le moment crucial qui sépare l'émeute de la révolte : on a cassé deux-trois pots, brisé des vitrines au coin de la rue et laissé quelques cadavres sur le carreau, ça fait la mesure pour un accès de colère comme il y en a d'ailleurs eu les années passées. Ça, c'est business as usual. Encore une manif avec trois-quatre éborgnés par les flics. » On ne sait plus si on est en 1381 ou à la dernière manifestation d'un premier mai un peu agité en France !

Lien : https://wp.me/p2X8E2-Zm
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critiques presse (1)
Actualitte
20 septembre 2018
Court roman d’aventure pugnace et pétri d'humour, vache ou noir, c’est par la langue que surgit la résonance de ce texte : le narrateur omniscient nous fait plonger dans les entrailles révoltées et si perspicaces de Joanna, jouant des registres de langue.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (31) Voir plus Ajouter une citation
[ XIVe siècle ]
[…] pourquoi donc un paysan français voudrait-il attaquer un paysan anglais ? Parfois, les puissants arrivent à leur faire croire qu'il s'agit de leur survie, mais soyons raisonnables deux minutes, si on y réfléchit sérieusement, qu'est-ce qu'un paysan français en a à branler, de son homologue angliche. Non, on ne leur demande pas leur avis, on la leur bombarde, la guerre. On part à la conquête d'autres territoires. On : les puissants, les nobles, les riches, ceux qui font la guerre. Simpliste ? Si je puis me permettre, c'est fou ce simplisme qui fait que ce sont toujours les mêmes qui parlent de 'simplisme', et bizarrement ce ne sont pas eux qui se cassent le dos à biner dans les champs ou à nettoyer nos chiottes.
(p. 16-17)
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Le nombre : ils seraient plusieurs dizaines de milliers. Les chroniqueurs (John Stow, Thomas Walsingham, Henry Knighton, l’Anonyme de Sainte-Marie et surtout Jean Froissart, féroce contempteur de la révolte) disent trente à quarante mille en Essex, et le même nombre dans le Kent. On ne sait pas vraiment, en réalité, combien ils étaient, et eux non plus (d’ailleurs, combien savent compter correctement au-delà de mille ?) ; sinon que sur la route ils occupent un espace considérable, et que le soir lors de l’étape les hommes continuent à arriver plusieurs heures après que l’avant-garde s’est installée sommairement dans un pré. Contrairement à la tradition bien connue de la police contemporaine qui vise à tranquilliser les bons citoyens affalés devant leur télévision en minimisant les chiffres des participants aux manifestations, les chroniqueurs de ces temps reculés s’adressent à un public lettré, et pas aux téléspectateurs de la classe moyenne alors quasi inexistante, qui ont le pouvoir de faire basculer un mouvement social et s’en emparent rarement car ils espèrent toujours, en dépit de toutes preuves ou statistiques, réussir un jour individuellement. Les chroniqueurs, eux, veulent faire comprendre à leurs alliés de classe le danger terrible dans lequel ces paysans obtus et déraisonnables ont mis l’ordre établi. Ainsi, leur compteur est plutôt branché sur un coefficient multiplicateur, celui qui forme dans l’imaginaire des bonnes gens des hordes sanguinaires, le couteau entre les dents. Mais ne savez-vous pas, bonnes gens, que nous pouvons tous, chacun et chacune d’entre vous, marcher un jour sur Londres ? Il n’appartient qu’à nous.
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Elle s'était perdue dans John, heureuse de compte pour quelqu'un enfin, arrivée au port croyait-elle, que n'investissons-nous pas dans les hommes ! John, lui, se tapait la moitié du village dans son dos. Johanna l'apprit ; elle lui fit des scènes : pleurs, cris, défis, décision enfin d'entrer dans les ordres. John, dès lors qu'il l'avait perdue, voulut la ravoir, c'est classique. Un soir il l'attendait dans un pré, elle se dit qu'il venait peut-être s'excuser et lui demander pardon, prête presque à le reprendre car les femmes, souvent, ont cette faiblesse de se contenter d'une promesse que c'est elle la plus importante, les autres, des passades. Mais John, au moins, était un être cohérent et ne voyait pas bien l'intérêt de mentir puisqu'il avait le sentiment de la posséder déjà. Il était d'ailleurs étonné qu'elle se plaigne, puisqu'après tout ils étaient promis, qu'est-ce que quelques incartades ? Embrasse-moi ma chérie, ne sois pas stupide. Johanna : pleurs, cris, refus, je ne suis pas ta chérie, je m'en vais au couvent, ne veux plus jamais te voir. John vit rouge et, comme tant de ses semblables depuis la nuit des temps, se servit : il prit Jeanne par les cheveux, la retourna, la poussa au sol et, la tenant toujours par les cheveux, la viola. Elle se souvient de la douleur comme un bâton dans les intestins, et de l'odeur de l'heure coupée dans laquelle John maintenait sa tête, des cheveux qu'il lui avait arrachés, elle se souvint s'être demandé s'ils repousseraient, et même s'il y aurait un après à ce moment interminable. John rassasié se rajusta, Johanna s'enfuit, pleine de colère. Colère que nul ne comprit puisque John était quasiment son mari, après tout. De quoi se plaint-elle ? Johanna se dresse de haine, mais veut réparation, elle veut reconnaissance. Elle demande justice. Johanna veut ce qui lui est dû.
Viol ! Johanna porte le crime sur la place publique, Johanna porte plainte devant le plaid, le tribunal civil, elle demande justice, elle demande, comme c'est son droit pour les crimes de sang, à porter l'affaire devant la Justice du Roi. Le plaid est bien embêté par cette femme qui crie ses droits, le mieux c'est encore de régler cette affaire entre nous, d'ailleurs Johanna est sortie avec John, c'est de notoriété publique. A viol, viol et demi. Le plaid se déclare compétent, écoute les protagonistes et condamne John à épouser Johanna. Autant pour la Justice. Elle a dû dormir deux ans dans le lit de son violeur, quitter une maison qui n'était pas la sienne pour une autre maison étrangère, filer la laine des moutons de ses beaux-parents qui la détestent car ils espéraient un plus beau mariage pour leur fils. John est mort, tué encore par la peste. Que penser de cette mort aveugle, qui frappe juste et faux à chaque fois ?
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Mais il faut hélas partir du principe que les hommes veulent du pouvoir, une ambition peu compréhensible si vous voulez mon avis : pourquoi notre civilisation n’a-t-elle pas tenté de vanter les mérites du bonheur, plutôt, voilà une chose qui est tout de même un peu forte de café, café que nous produisons d’ailleurs à grands frais d’esclaves. Ici, en 1381, il n’y a plus d’esclaves mais des serfs (qui sont sans doute les descendants des esclaves), gens qui ne sont pas esclaves, mais non libres (attention, c’est subtil) : exploitants de la terre du seigneur, ils lui doivent des services, les corvées, et n’ont théoriquement pas le droit de déménager comme ils veulent, sauf quand le seigneur a vraiment le dos tourné. Je simplifie, mais bon, c’est l’idée générale. Quand il s’agit de la privation de liberté, l’humain est toujours inventif ; on pourrait se dire qu’il dirigerait ses capacités d’innovation plutôt sur le clitoris, par exemple, mais non : prison, servage, esclavage, bracelet électronique, camp, maison d’arrêt, panoptique, cul-de-basse-fosse, oubliette, cage, chaînes, et j’en oublie.
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[…] il va y avoir une guerre, et comme dans toute bonne guerre, en fait, ce sont plutôt les Anglais, de préférence de basse extraction, qui vont au charbon POUR des types qui veulent être rois. Cent mille morts ; après la Grande Noire [épidémie de peste au milieu du XIVe siècle] et la guerre de Cent Ans, c'était pas rien à demander au bon peuple, alors même qu'il existerait une solution bien plus simple […] : balancer les rois, princes, généraux et ministres dans une arène, en slip de bain et armés de bâtons. Et hop ! à qui restera le dernier debout, la victoire. En plus, la vente des billets pourrait rapporter de l'argent, car qui n'a jamais rêvé de voir un prince en slip ?
(p. 25)
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Videos de Marie-Fleur Albecker (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Marie-Fleur Albecker
Le jeudi 20 septembre 2018, la librairie Charybde (129 rue de Charenton 75012 Paris - www.charybde.fr ) avait la joie d'accueillir Marie-Fleur Albecker, autour de la récente publication de son premier roman, "Et j'abattrai l'arrogance des tyrans", aux éditions Aux Forges de Vulcain.
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