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Critique de axelreaute


Connue de son vivant comme « la plus belle femme du XIXe siècle », Italienne intrigante à tous les sens du terme, envoyée à 18 ans à Paris par le roi Victor-Emmanuel et son ministre Cavour pour jouer les Mata Hari auprès de Napoléon III, mission dont elle s'acquitta si bien qu'elle devint la maîtresse de l'empereur tout en subjuguant, avec pour seules armes sa beauté et sa garde-robe, également extravagantes, les salons et les bals de l'aristocratie parisienne... Tous les ingrédients sont là, à profusion, presque à l'excès, pour faire de Virginia Oldoïni, comtesse de Castiglione (1837-1899), non pas une figure historique de premier plan, mais un personnage se­condaire au destin et à la personnalité suffisamment romanes­ques pour accéder à la postérité. Ce n'est pourtant pas à ces titres que la Castiglione est entrée dans l'histoire (1) . Sa notoriété, la fascination que, depuis sa mort, elle n'a jamais cessé de susciter trouvent leur origine dans une série de quelque quatre cent cinquante clichés photographi­ques : quatre cent cinquante portraits fantasques qui, les uns aux autres ajoutés, dessinent en quelque sorte une autobiographie intime et fantasmée, relevant d'un geste esthétique sériel tout ensemble troublant de narcissisme et d'une sidérante modernité - qui fait comparer la Castiglione à la plasticienne contemporaine Cindy Sherman ou à Sophie Calle.
« Très tôt, la comtesse de Castiglione a mené une vie parallèle, la plus mystérieuse et la plus immatérielle, et néanmoins la plus tangible pour nous : une vie en photographie, dont elle a accompagné les débuts et qu'elle a exploitée, tel un jardin secret, jusqu'à sa mort », note Nicole Albert, dans l'intéressante biographie qu'elle consacre à celle qui se décrivit un jour comme « la plus belle créature qui ait existé depuis le commencement du monde ». Cette autodéfinition, c'est justement à l'intention du photographe portraitiste Pierre-Louis Pierson, l'homme de l'art qu'elle avait choisi pour mener à bien son excentrique projet, que la Castiglione la formula. C'était à Paris, en juillet 1856, la jeune comtesse italienne de 19 ans venait poser dans l'atelier de Pierson pour la première fois. Dans l'atelier ou ailleurs, des centaines de séances de pose allaient succéder à celle-ci, durant plus de quatre décennies, la comtesse débordant d'imagination pour inventer chaque fois la mise en scène : décor, posture, costume, accessoires, etc., décidant de tout au point qu'il est évident que ces clichés sont de purs autoportraits.
De la Toscane, où naquit Virginia Oldoïni, devenue comtes­se de Castiglione par son mariage, jusqu'au sordide ap­par­­tement de la rue Cambon, à Paris, où elle mourut aux côtés des dépouilles empaillées de ses chiens, en ayant laissé derrière elle des archives (photos, journaux intimes, lettres par milliers) soigneusement ordonnées et de strictes - et baro­ques ! - consi­gnes quant à sa cérémonie funéraire, le récit très fouillé de Nicole Albert embrasse une vie. L'ancrant dans son époque. Traçant avec finesse, sans excès de psychologisme, les contours d'une personnalité complexe, où l'égotisme le dispute à l'iro­nie, la vanité à la détresse, la frivolité à l'anxiété la plus morbide. Qu'allait-elle donc chercher, la déraisonnable et entêtée comtesse, dans l'atelier de Pierson ? Quelle hypothétique immorta­lité ? Quelle con­firmation ou oubli d'elle-même ? Quelle gloire ou quelle assurance mélancoli­que de la putréfaction déjà à l'oeu­­vre, souterraine, sous le masque de la beauté ?
Lien : https://www.telerama.fr/livr..
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