A Mortagne, on n'a pas vraiment les moyens de réfléchir, en fait. On a bien un cerveau, mais rien d'autre à mettre dedans que du raisin, des planches, de la sueur et du plomb. C'est comme ça. Pour le reste, on n’a pas les armes qu’il faut pour changer les choses.
Des raisons, on peut toujours en trouver. Des bonnes ou des mauvaises en pagaille. Mais c'est pas mon boulot. Il y a des spécialistes pour ça.
À la base, ça devait être une fête vu que c'était le mariage de mon frère. Mais une fête, à Mortagne, on ne sait jamais bien ce que ça veut dire.
Le week-end entre mes deux semaines de stage, Frédo s'était invité à l'apéro chez mes parents et, devant moi, leur avait posé cette question :
- Votre petit dernier serait pas pédé ?
- Pourquoi ? s'était indigné mon père.
Frédo avait répondu en haussant les épaules :
- J'ai toujours entendu dire que luthier était un métier de pédé...
J'ai tout laissé tomber. Le stage. Les violons. Mais pas uniquement. J'ai aussi laissé tomber le lycée Pagnol. Et le bois.
Je me suis inscrit en mécanique au lycée Camus.
Histoire de faire chier tout le monde sans faire dans la dentelle.
Le lycée Camus était à quarante-sept kilomètres. Assez loin. Mais pas encore suffisamment. Je passais la semaine à l'internat mais je devais rentrer tous les week-ends.
(p. 25-26)
« A Mortagne, on n'a pas vraiment les moyens de réfléchir, en fait. On a bien un cerveau, mais rien d'autre à mettre dedans que du raisin, des planches, de la sueur et du plomb. C'est comme ça »
Le gibier peut oublier les chasseurs, mais les chasseurs n'oublient pas le gibier.
Il y a même un dicton dans le coin :
- Je suis né chasseur !
- Je mourrai pas gibier !
Je suis né chasseur, je mourrai pas gibier !
A la base, ça devait être une fête vu que c'était le mariage de mon frère. Mais une fête à Mortagne, on ne sait jamais bien ce que ça veut dire."
Le plus pratique aurait été avec le fusil que j'ai utilisé pour dégommer tout le monde. J'avais d'ailleurs prévu de conserver deux cartouches pour ma pomme. Sauf que, j'ai dû me laisser emporter par l'euphorie, je les ai toutes tirées.