Comme beaucoup, j'avais adoré le premier livre de
Monica Ali "
Brick Lane" (bizarrement traduit en français "
Sept mers et treize rivières")
Aussi avais-je offert à ma veille Maman son second "
En cuisine", espérant que cette cuisinière émérite s'intéresserait aux entrelacs complexes de cette romancière post-coloniale.
Bien mal m'en pris ! J'ai retrouvé durant les fêtes dans la bibliothèque parentale ce gros livre avec un marque-page coincé à la page 100, témoignage manifeste du manque de perspicacité de mon cadeau.
J'ai moi aussi bien failli capituler en cours de route. L'histoire de Gabriel Lightfoot, chef de cuisine à l'hôtel Imperial, me semblait bien convenue. Mais je me suis accroché et j'ai eu raison.
La meilleure métaphore pour décrire ce livre serait celle d'une bille métallique qui décrit de lentes circonvolutions dans un évier avant d'accélérer sa course pour tomber dans le siphon (bon d'accord, mes connaissances en plomberie sont assez limitées).
Le livre commence sur un rythme un peu lent dont je comprends qu'il ait pu désespérer ses lecteurs - ma mère y compris. L'histoire de Gabriel Lightfoot semble un peu trop éclatée pour capter l'attention : le cadavre d'un employé est retrouvé dans les sous-sols de l'hôtel, une immigrée ukrainienne se réfugie chez lui, son père se meurt d'un cancer dans le nord de l'Angleterre, ses projets d'ouvrir son propre établissement battent de l'aile.
Et petit à petit tout s'accélère, tout s'imbrique, comme dans un vaste mouvement d'horlogerie dont le fonctionnement d'ensemble ne se laisserait pas dévoiler à première vue.
Du coup, le roman se révèle d'une autre ampleur que celle, bien modeste, qu'on lui avait prêté.
Il brasse des thèmes aussi ambitieux que la filiation, l'identité nationale, l'avenir du capitalisme britannique.
Bien sûr les esprits chagrins lui trouveront bien des ressemblances avec les récentes productions de
Jonathan Coe ou
William Boyd.
Monica Ali n'en mérite pas moins sa place parmi les meilleurs romanciers britanniques contemporains.