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Critique de LivresGay


Deux garçons, l'un un Californien presque caricatural (blond, robuste, aux yeux bleus), l'autre un frêle petit Frenchie. Christian et Jonathan. Séparés par un océan, puis toute la masse d'un continent. Les deux se cherchent, cherchent un sens à leur vie, cherchent une direction, surtout que la fin du monde non seulement approche mais est bel et bien là, rode et érode. Une pandémie mondiale, des morts à droite, à gauche, la panique générale, du moins c'est l'impression qui se dégage de leurs quotidiens… Jusqu'à ce que l'Américain décide de venir en France, à Paris, en tant qu'assistant d'anglais. Les deux jeunes hommes se rencontrent, ils se séduisent, ils se tournent autour, et leur histoire se transforme en obsession rageuse pour Jonathan alors que Christian… on ne sait pas exactement ce qu'il ressent. N'empêche, leur relation est forte, presque incontournable. L'amour ? Allez savoir…

Une histoire en fragments, comme un puzzle où j'avais parfois l'impression que l'on m'avait caché, voire volé quelques pièces. Mais une histoire prenante, attirante, qui vient et vit surtout de cette fragmentation du récit ainsi que de la force de l'écriture de ce jeune auteur. Oui, Tadzio au prénom qui flaire bon Thomas Mann sait écrire. Les mots, on le sent, ne sont pas choisis au hasard, le découpage (j'aurais presque envie de dire, le hachage) crée un rythme que l'on connaît des road movies qui tiennent leur force et énergie des scènes et actions qui s'enchaînent. Une autre comparaison que l'on pourrait faire serait celle avec la peinture, notamment celle des impressionnistes et des pointillistes. Chaque fragment, parfois même chaque phrase constitue un petit point, tantôt de couleur, tantôt uniquement de noir ou de blanc pour ajouter du contraste, et au final, une toile se dévoile.

Au niveau de l'intrigue, il y avait forcément des choses qui m'ont tout de suite parlé. Christian, un assistant de langue ? C'est par ce biais que je suis arrivé moi-même dans ce pays et à Paris voilà tant d'années. Jonathan qui est fan de Bret Easton Ellis ? On partage alors la même admiration pour cet écrivain hors pair. Thomas Mann qui se trouve comme une trame diaphane dans cet ouvrage, à commencer par le prénom de l'auteur pour finir en livre de chevet de Christian ? Un de mes auteurs préférés pendant mon adolescence (bien que Mort à Venise n'ait jamais été mon texte favori, pour être honnête). Une fin romantico-violente, qui me rappelait non pas tant Easton Ellis que Thelma and Louise, film qui ne cessera jamais de me faire chialer comme une Madeline. le côté outre-dimensionnel, exagéré, de l'environnement dans lequel se déroule l'histoire et qui faisait penser au début aux premiers mois sous Covid (mais vus par quelqu'un qui se drogue sérieusement car des morts qui s'amassent dans la rue, je n'en ai pas vus…). L'obsession aussi, que j'ai (peut-être) pu connaître dans ma propre vie amoureuse (allez savoir… je ne vous dis pas tout, quand même).

Donc, une histoire qui m'a happé. Une écriture forte, puissante, volontaire, jeune, avec des moments de grande poésie qui ne viraient jamais dans la grandiloquence gratuite. Mais. Je dois vous avouer le petit bémol que j'ai ressenti en lisant ce court roman. Un bémol qui vaut juste une demi-étoile, donc ça va, il n y' a pas mort d'homme, si j'ose dire.

Alors, voilà. La première partie, il est vrai, m'a séduit sans ombre au tableau – le ping-pong des mini-scènes de l'un et de l'autre des protagonistes, même si celles de Christian sont vues sous le prisme (au début presque inavoué) de Jonathan, a créé une dynamique comparable à une pièce de piano jouée à quatre mains. C'était fluide, ça s'imbriquait parfaitement, je m'attendais à de grandes choses. Et ensuite, dans la deuxième partie, je suis un peu resté sur ma faim. Car ça devenait le récit de Jonathan uniquement – oui, ça l'avait été aussi dans les pages précédentes, je sais, mais avec tout de même l'illusion de partager des choses de Christian, et parfois, une illusion est suffisante pour susciter des émotions. du coup, il me semblait manquer quelque chose, une pointe de yang au yin de Jonathan (ou de yin au yang de Jonathan, à vous de voir). Ne serait-ce qu'un soupçon de réponse à ma question si l'obsession pouvait être réciproque ou nichait seulement dans le poitrail de Jonathan. Une espèce d'accès, aussi, me manquait, une espèce d'émotionalité. Je pouvais suivre l'intrigue, mais par moments, j'aurais bien aimé la ressentir davantage.

Puis, j'aime bien voir une rencontre se faire. Celle entre Christian et Jonathan, par ce savant jeu de la première partie, avait été suffisamment préparée, et très bien amenée avec ça. Mais quand elle se concrétise, il me manquait ce premier petit tremblement de terre intérieur, ce bouleversement quand on se surprend à se dire, le souffle coupé, « Ça pourrait être LUI, mon âme soeur ?! » avec, parfois, quelques points d'interrogation supplémentaires. Juste une petite scène, même aussi fragmentaire que le reste, m'aurait suffi. Mais non. Ou peut-être si ? Je n'ai même pas retenu comment le premier rendez-vous était expliqué… Enfin, la fin. Je ne l'ai pas trouvée capillo-tractée, ce ne serait pas le mot exact, mais certainement un peu capillo-soupesque, c'est-à-dire arrivant comme le fameux cheveu sur la soupe. Certes, elle était dans la logique de l'obsession de Jonathan, et par son côté Thelma and Louise, elle avait tout pour me séduire. N'empêche, je ne m'attendais pas à ça, et je me sentais un peu comme un amant trompé.

Ceci étant dit (et expliqué plutôt maladroitement, j'en ai peur), le livre m'a bien plu, il m'a même marqué – pour preuve, cette chronique fleuve. Je suis certain que Tadzio aura d'autres histoires à nous raconter, et pour ma part, je reste dans l'attente du prochain opus. Et je vous invite à découvrir sans trop tarder ce premier roman et à vous faire une idée par vous-même.
Lien : http://livresgay.fr/le-garco..
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