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Critique de fanfanouche24


[Acquis 10 octobre 2021 / Librairie Caractères- Issy-les-Moulineaux ]

Un nouveau texte acquis dans cette excellente collection que j'affectionne spécialement… »Ma nuit au musée » !

Ouvrage poignant aux multiples récits et tons, intime essentiellement mais aussi historique, sociologique , philosophique, mêlant gravité, tendresse, et quelque cocasserie avec un brin de « provoc. » et d'esprit de transgression !

Une nuit entière, seule au Louvre est proposée à notre auteure… ce qui la réjouit et la ramène à son amour pour son père, qui adorait ce musée-ville et rêvait de « voler » la Joconde !!!

La phrase-jeu de son père quand ils arrivaient au Louvre : « Et toi, comment tu t'y prendrais, pour voler la Joconde ? Dans cet amour pour ce père, il y a tant et tant de sentiments intenses et contrastés.
Un « papa » yougoslave qui a dû se reconstruire, se réinventer totalement ; Père ayant fui son pays pour rejoindre Paris avec sa bien-aimée, fuite aussi d'un service militaire, et puis la guerre fratricide… qui détruira en profondeur cette famille, dont la mère de l'auteure, écrasée par le chagrin des proches assassinés… qu'elle n'a pu sauver !

Un hommage à un père, figure vénérée et adorée… des souvenirs tristes ou joyeux, le plus souvent reliés à ce Musée du Louvre ! Que le père étudie le français, seul, en lisant des biographies de peintres ou livres sur l'Art … ou qu'il emmène sa fille , voir les oeuvres, dont cette « Joconde » tant convoitée !!!, ou même qu'il l'oublie dans ce même Louvre, lieu absolu des rêves paternels…Le lieu central est ce Gigantesque Louvre, consolation et refuge car espace consacré à la Beauté, où le père s'évade !

« Un jour, je devais avoir huit ou dix ans, mon père m'a oubliée au Louvre. Curieusement, ce n'est pas un mauvais souvenir. Reste avec elle, d'accord, j'ai un coup de téléphone à passer, je reviens. -Elle- c'était la Vénus de Milo. Elle faisait partie de la famille.
Je me suis assise et j'ai attendu. Ce n'était pas difficile pour moi d'attendre et je n'y pensais même pas en ces termes. J'aurais sans doute dit que je regardais. Je regardais les oeuvres. Je regardais les gens. (p. 79)”

Une nuit d'instrospection de Yakuta Alikavazovic sur sa vie, ses rapports passionnés au père, ses questionnements sur les Pouvoirs de l'Art, tant pour les personnes, intimement , que sur le pouvoir brut ,de beaucoup de pays belligérants , au fil des siècles, s'affirmant ainsi, un peu plus, sur les pays annexés , pillant, ou dérobant des oeuvres dans les musées…, des observations fréquentes sur l'exil de sa terre d'origine,les guerres fratricides, le racisme ordinaire vécu, et enfin, la Culture, la Beauté de l'Art, facteurs de « baumes guérisseurs » et d'intégration…

« Que transmet-on à sa fille, sa fille unique, quand on a renié son passé ? Quand on a pu ou cru pouvoir se réinventer, dans un autre pays, une autre langue ? Mon père m'emmenait au Louvre. L'histoire de l'art est une histoire de fantômes pour grandes personnes, me disait-il. L'histoire de l'art, c'est ce qu'il m'a transmis à la place de son histoire à lui, savamment effacée et redessinée au gré du temps. (p. 34)”

Un moment très fort de lecture qui m'a fait connaître pour la première fois cette auteure, qui offre à son père, au-delà de l'absence, un texte magnifique de tendresse et d'admiration, même si il y a eu , à une période donnée, des moments de tangage pour construire sa vie de femme ! Nécessité de s'éloigner… pour mieux revenir vers ce père atypique et très aimant !

Quelle belle revanche , de surplus, en lisant que cette petite fille, à qui une institutrice peu bienveillante, avait prédit de ne jamais pouvoir apprendre le Français…est devenue une écrivaine talentueuse et reconnue !

Un style énergique, fluide, mêlant gravité et légèreté…Toutefois on sent très fort que ce « papa » déraciné , a dû sûrement être très seul intérieurement ; cela ne l'a pas freiné pour tout faire, afin de transmettre le meilleur à sa fille unique !

« Rien de tel chez mon père; au contraire, la maison qu'il professait s'être choisie, c'était le Louvre, justement; si tant est que l'on puisse choisir de s'établir non dans un pays mais dans un art, non dans une nation mais dans la beauté. Et malgré cela, malgré tout, la question de l'appartenance finit un jour ou l'autre par nous rattraper. » (p. 119)



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