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Serait-il tendance de passer la nuit dans un musée ? Après Leila Slimani et son séjour nocturne dans un musée vénitien, c'est Jakuta Alikavazovic qui prend le relais en choisissant cette fois le Louvre.
A partir de quelques oeuvres choisies en raison de ce qu'elles représentent dans l'imaginaire de l'auteur, et des représentations issues de ce que ces oeuvres signifiaient pour son père, l'auteur revient sur son enfance, celle d'une fillette réfugiée, dont l'institutrice affirma qu'elle ne parlerait jamais le français ! Belle revanche, des années plus tard, que l'obtention d'un Goncourt du premier roman !

Les souvenirs affluent donc, dressant le portrait du père, esthète et voleur, une sorte de gentleman cambrioleur …

Mais au-delà de cet hommage, se cachent les motivations de cet enfermement volontaire : et la petite phrase qui revient :

« Et toi, comment tu t'y prendrais, pour voler la Joconde ? », occasion pour l'auteur de revenir sur ce fait divers du début du vingtième siècle, qui fut une des raisons du futur succès de cette oeuvre de de Vinci.

Mais il faudra attendre les dernières pages pour en savoir plus ….

Hormis les qualités de conteuse de Jakuta Alikavazovic, et ce bel hommage à son père, j'ai trouvé assez peu d'intérêt au récit, d'autant que le parfum des fleurs la nuit avait déjà utilisé le même procédé pour évoquer des souvenirs d'enfance.

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Voilà un livre bien intéressant et diablement bien écrit.

Jakuta Alikavazovic – un nom imprononçable comme l'aurait dit l'un des jurés d'un prix littéraire à l'autrice (votre livre est très bon, mais j'aurais trop peur de ne pas savoir le prononcer, aurait-il dit) – accepte l'invitation des Editions Stock de passer une nuit dans un musée et d'en rendre compte par l'écrit.

Pour elle ce sera le Louvre. Une nuit donc pour parcourir à nouveau les galeries du Louvre et spécifiquement le salon qui accueille la Joconde, et celui de la Vénus de Milo. Parcourir à nouveau parce que ce trajet l'autrice l'a fait de très nombreuses fois quand, enfant, son père peintre l'emmenait avec lui et lui posait une question rituelle : « Et toi, comment t'y prendrais-tu, pour voler la Joconde ? ». Une nuit pour évoquer ses souvenirs, une nuit pour revivre une enfance qu'elle revisite pendant ces quelques heures seules face aux oeuvres qu'elle connaît bien.

Cette nuit au musée est donc notamment l'occasion pour l'autrice de faire le portrait de son père, ce père yougoslave arrivé en France à l'âge de vingt ans, ce père peintre – mais « peintre en bâtiment » comme les gens le pensent facilement dans ces années là pour un « Yougo » émigré en France, un père énigme pour sa fille qui lui faisait passer des tests pour voir si elle avait tout vu à l'intérieur d'un tableau, et qu'elle avait enregistré la configuration des salons dans l'idée de voler le célèbre tableau.

La Joconde d'ailleurs, comme l'autrice nous le rappelle, qui fit l'objet d'un vol par un peintre en bâtiment (cette fois-là un vrai) italien, un certain Vincenzo Peruggia dont le nom sera mal orthographié sur sa fiche de police, qui voulait « ramener la peinture à sa patrie ». Il se passera deux ans avant que la police ne découvre l'auteur du vol, et c'est l'occasion pour Jakuta Alikavazovic de s'interroger sur "ce que cela fait", de dormir en ayant le précieux tableau caché sous son lit.

Dans « Comme un ciel en nous » nous suivons donc l'autrice dans son introspection sur les traces de l'énigme de ce père admiré puis honni par sa fille : l'autrice traite du thème de l'exil – peut-on tout oublier de sa vie d'avant dans un contexte de guerre pour se fondre dans une vie parisienne – de son rapport à l'art, de littérature, de solitude et même d'un éventuel vol de tableau auquel son père aurait pu être mêlé.

Au passage elle raconte cette anecdote au cours de laquelle, petite, son père l'avait conduite au Louvre et l'avait laissé pendant quelques temps au pied de la Joconde, lui intimant de l'attendre. Mais ce père ne revenait pas et les gardiens s'étaient émus de cette fille qui ne voulait pour rien au monde quitter l'endroit où elle était censée retrouver son paternel. Celui-ci avait fini par arriver, au moment où la petite s'arcboutait sur son ancrage au près du célèbre tableau – pas question de faillir au serment de ne pas bouger en l'attendant.

Avec beaucoup de style, l'autrice dresse aussi un portrait de cette France des années 70 où les émigrés yougoslaves tentent de se fondre dans la masse, de se faire oublier, et où les enfants tentent de jouer la partition que leur propose la République en réussissant à l'école malgré les paroles calamiteuses d'une institutrice qui déclarera devant son père « Cette petite ne parlera jamais français ». Et de raconter le dilemme de ce père, tenu d'oublier sa propre langue, ses souvenirs, son deuil des parents laissés là-bas, pour se consacrer à l'apprentissage d'une langue dans laquelle il ne pourra que maladroitement transmettre ses émotions intimes à sa propre fille.

Jakuta Alikavazovic livre ici un récit plein de pudeur et de tendresse pour un père un père disparu, examinant le temps d'une nuit tous les malentendus et incompréhensions mutuels qu'ils ont pu entretenir.

Il restera une dernière énigme à nous livrer : l'autrice a réussi à introduire un objet caché dans son sac de voyage, un objet qu'elle ne nous dévoilera pas, qui lui servira pourtant a laissé une trace sur place, nous bornant à quelques conjonctures sur sa nature, mais avec l'intuition qu'il lui aura permis d'adresser un dernier signe à ce père disparu.

On peut comprendre à la fin que ce récit est une ultime tentative pour le rejoindre par le truchement de l'écriture - et c'est magistralement réussi.
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[Acquis 10 octobre 2021 / Librairie Caractères- Issy-les-Moulineaux ]

Un nouveau texte acquis dans cette excellente collection que j'affectionne spécialement… »Ma nuit au musée » !

Ouvrage poignant aux multiples récits et tons, intime essentiellement mais aussi historique, sociologique , philosophique, mêlant gravité, tendresse, et quelque cocasserie avec un brin de « provoc. » et d'esprit de transgression !

Une nuit entière, seule au Louvre est proposée à notre auteure… ce qui la réjouit et la ramène à son amour pour son père, qui adorait ce musée-ville et rêvait de « voler » la Joconde !!!

La phrase-jeu de son père quand ils arrivaient au Louvre : « Et toi, comment tu t'y prendrais, pour voler la Joconde ? Dans cet amour pour ce père, il y a tant et tant de sentiments intenses et contrastés.
Un « papa » yougoslave qui a dû se reconstruire, se réinventer totalement ; Père ayant fui son pays pour rejoindre Paris avec sa bien-aimée, fuite aussi d'un service militaire, et puis la guerre fratricide… qui détruira en profondeur cette famille, dont la mère de l'auteure, écrasée par le chagrin des proches assassinés… qu'elle n'a pu sauver !

Un hommage à un père, figure vénérée et adorée… des souvenirs tristes ou joyeux, le plus souvent reliés à ce Musée du Louvre ! Que le père étudie le français, seul, en lisant des biographies de peintres ou livres sur l'Art … ou qu'il emmène sa fille , voir les oeuvres, dont cette « Joconde » tant convoitée !!!, ou même qu'il l'oublie dans ce même Louvre, lieu absolu des rêves paternels…Le lieu central est ce Gigantesque Louvre, consolation et refuge car espace consacré à la Beauté, où le père s'évade !

« Un jour, je devais avoir huit ou dix ans, mon père m'a oubliée au Louvre. Curieusement, ce n'est pas un mauvais souvenir. Reste avec elle, d'accord, j'ai un coup de téléphone à passer, je reviens. -Elle- c'était la Vénus de Milo. Elle faisait partie de la famille.
Je me suis assise et j'ai attendu. Ce n'était pas difficile pour moi d'attendre et je n'y pensais même pas en ces termes. J'aurais sans doute dit que je regardais. Je regardais les oeuvres. Je regardais les gens. (p. 79)”

Une nuit d'instrospection de Yakuta Alikavazovic sur sa vie, ses rapports passionnés au père, ses questionnements sur les Pouvoirs de l'Art, tant pour les personnes, intimement , que sur le pouvoir brut ,de beaucoup de pays belligérants , au fil des siècles, s'affirmant ainsi, un peu plus, sur les pays annexés , pillant, ou dérobant des oeuvres dans les musées…, des observations fréquentes sur l'exil de sa terre d'origine,les guerres fratricides, le racisme ordinaire vécu, et enfin, la Culture, la Beauté de l'Art, facteurs de « baumes guérisseurs » et d'intégration…

« Que transmet-on à sa fille, sa fille unique, quand on a renié son passé ? Quand on a pu ou cru pouvoir se réinventer, dans un autre pays, une autre langue ? Mon père m'emmenait au Louvre. L'histoire de l'art est une histoire de fantômes pour grandes personnes, me disait-il. L'histoire de l'art, c'est ce qu'il m'a transmis à la place de son histoire à lui, savamment effacée et redessinée au gré du temps. (p. 34)”

Un moment très fort de lecture qui m'a fait connaître pour la première fois cette auteure, qui offre à son père, au-delà de l'absence, un texte magnifique de tendresse et d'admiration, même si il y a eu , à une période donnée, des moments de tangage pour construire sa vie de femme ! Nécessité de s'éloigner… pour mieux revenir vers ce père atypique et très aimant !

Quelle belle revanche , de surplus, en lisant que cette petite fille, à qui une institutrice peu bienveillante, avait prédit de ne jamais pouvoir apprendre le Français…est devenue une écrivaine talentueuse et reconnue !

Un style énergique, fluide, mêlant gravité et légèreté…Toutefois on sent très fort que ce « papa » déraciné , a dû sûrement être très seul intérieurement ; cela ne l'a pas freiné pour tout faire, afin de transmettre le meilleur à sa fille unique !

« Rien de tel chez mon père; au contraire, la maison qu'il professait s'être choisie, c'était le Louvre, justement; si tant est que l'on puisse choisir de s'établir non dans un pays mais dans un art, non dans une nation mais dans la beauté. Et malgré cela, malgré tout, la question de l'appartenance finit un jour ou l'autre par nous rattraper. » (p. 119)



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Une nuit. Une nuit enfermée au musée. le plus grand, le plus beau, le plus chargé d'histoire et de légendes, le plus mystérieux aussi. Une nuit d'enfermée volontaire au Louvre. Une nuit passée à convoquer ses souvenirs et ses peurs. Une nuit sous la seule lumière bienveillante du père absent. Une nuit passée à questionner l'art et son rapport à la construction des êtres. Une nuit passée à ajouter sa propre part aux secrets du lieu.

Prenant - comme d'autres avant elle – son tour dans la collection éponyme pour raconter sa nuit au musée, c'est en fait un énorme cri d'amour à son père que Jakuta Alikavazovic nous livre dans Comme un ciel en nous, le Louvre faisant ici office de trait d'union entre passé et présent, entre père et fille.

Un père à la vie de personnage de roman, qui a fui l'ex-Yougoslavie pour Paris par amour de sa femme, pour échapper au service militaire, pour l'attrait du Louvre, « lieu où la beauté l'emporte ». Et aussi, un peu, « pour le steak tartare ».

Un père qui tout petit entraîne sa fille au musée, capable de citer de tête le nombre de colonnes du Panthéon, d'arcades du Louvre, de cils de Marat dans le tableau de David ou de ceux de la Joconde. Un père qui « collectionnait les gens » et les fréquentations glorieuses ou douteuses, discret et fantasque à la fois, réservé autant qu'accorte.

Un père marqué par les séquelles de la guerre dans l'ex-Yougoslavie, réfugié en France sans jamais s'y sentir étranger, constamment soucieux d'afficher sa joie d'y vivre et de soigner les apparences, celles qui « comptaient davantage que le reste, davantage que le confort ; c'est déjà beaucoup d'être étranger, si en plus on fait pauvre, on est fichu ».

Alors que transmet-on à sa fille, à sa fille unique quand on a renié son passé ? Jakuta aura une vie et une nuit pour y répondre. Et dans cette réponse, l'art figure en place de choix. Dans l'obscurité de la salle des Cariatides, entre Venus de Milo et Hermaphrodite Borghese, elle peut enfin mieux les voir. « Eux : les lieux, les oeuvres. Eux : les souvenirs. »

Car l'obscurité change tout, éloigne les faux reflets, dépouille les artifices, libère les questionnements. de quoi parle t-on quand on parle d'art ? Qu'est-ce qui fait un chef d'oeuvre ? Quelle est la valeur et l'authenticité d'un souvenir, d'une perception ? Et toi, comment t'y prendrais-tu pour voler la Joconde ?

Des questionnements systématiquement brouillés par des fulgurances issues de sa propre histoire ou de celle du lieu. « Je voulais parler d'art, seuls des crimes arrivaient ». Mais aussi un sac, des voyages, un rapport particulier au langage et à la langue.

Comme un ciel en nous est un essai intime mais pudique, instantané d'une nuit où l'art sert de fil rouge au récit d'un parcours et d'une construction. Et même si « ce qu'on appelle grandir est une série de trahisons », Jakuta Alikavazovic retrouve le temps d'une nuit au musée, l'occasion d'un rendez-vous touchant avec son père et son enfance.

Un régal de style chez une auteure que je ne connaissais que de nom, mais dont je vais m'empresser d'explorer les livres précédents !
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Dans la collection « Ma nuit au musée » que j'aime beaucoup, voici Jakuta Alikavazovic au Louvre.

« Et toi, comment t'y prendrais-tu pour voler la Joconde ? » : la phrase d'un père à sa fille, un jeu bien sûr, une énigme, ou bien plus encore…

Une phrase à multiples strates. Des pensées révélées, auprès de la Vénus de Milo.

L'obscurité aidant aux confidences, se retrouver, la nuit tombée, dans la Section des Antiques, Salle des Cariatides, laisse libre court à l'imagination… une histoire autour de toute une symbolique.

“Le Louvre est la première ville française où je me suis senti chez moi, disait mon père”.

Déambulation et introspection en cette nuit. La nuit transporte dans une autre dimension, parallèle.

« La ligne de démarcation entre réel et fiction n'est pas la même pour chacun de nous ».

Une nuit pour redevenir la fille de son père.
Une nuit chargée d'ombres, des mystères de l'art, et des zones d'ombres et de souffrances laissées par la guerre de 1990 en ex-Yougoslavie.

Un père, venu en France pour sa beauté, et par amour, à l'âge de vingt ans, depuis la Yougoslavie et son Monténégro natal. Un père et l'exil vécu. Se réapprendre à vivre après avoir tout quitté. Est-il déjà trop tard, lorsqu'on part ?

Des souvenirs, parfois douloureux, surgiront librement de cette nuit entière au Louvre, la magie de l'art invoquant de profondes réflexions.

« Qu'est-ce qui fait un chef-d'oeuvre ?»

Je trouve un côté mystérieux, curiosité et sens en éveil, à s'imaginer seule la nuit au Louvre. Excitant et un peu effrayant aussi.

Une obscurité, une atmosphère chargée de merveilles, des milliers d'années d'histoires, une ambiance presque mystique… Des conditions appropriées pour explorer ses pensées profondes.

Je découvre l'auteure dans ce récit autobiographique, d'une légèreté qu'apparente et très enrichissant, à la fois intime et pudique. Douceur et émotions.

« L'histoire de l'art, c'est une histoire de fantômes pour grandes personnes ».

J'ai trouvé l'idée passionnante, se retrouver seule au milieu de ces oeuvres d'art, c'est séduisant, paradoxal et intrigant ; et je m'y serais retrouvée ou perdue là-bas, bien volontiers !

« (…) l'amour. Un sentiment comme un ciel en nous. Et comme un ciel, toujours changeant. L'amour et les formes que nous essayons de lui donner. (…) Parfois l'amour subsiste, seul ».
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Comme un ciel en nous, dans la collection Ma nuit au musée aux éditions Stock, raconte la nuit que Jakuta Alikavazovic a passé au Louvre, obsédée par cette question que lui posait sans cesse, enfant, son père : « Et toi, comment t'y prendrais-tu pour voler la Joconde ? ». Un père passionné d'art, à la mémoire exceptionnelle, qui se souvient de tout ce qu'il voit. Il est question de la pérennité de l'art confronté à la fragilité de l'existence, au fait que l'on défende plus les oeuvres que la vie. Comme un ciel en nous s'intègre parfaitement à l'ensemble de la bibliographie de l'autrice, complétant et valorisant celle-ci simultanément. À la fois récit autobiographique sur la filiation, roman habité par un enjeu narratif fort (quel est cet objet interdit que Jakuta Alikavazovic a introduit dans le Louvre ?), et essai sur son oeuvre (le livre ne cesse de donner des clefs de lecture, qui accroissent encore l'importance des précédents), Comme un ciel en nous est un objet riche, complet, passionnant, dépassant le cadre imposé, pour s'affirmer comme un texte essentiel. Il confirme combien Jakuta Alikavazovic est la grande autrice du visible et de l'invisible, de l'absence comme repère et de l'après-disparition comme horizon.
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Dans la collection "Ma nuit au musée", Jakuta Alikavazovic s'en va passer une nuit complète dans la salle des cariatides du Louvre avant que le confinement général du Covid ne nous rattrape.
Ces quelques heures solidaires au coeur du musée-monde, entourée des plus célèbres sculptures antique,s sonnent comme un fantasme pour nombre de personnes. Elles résonnent comme un relent d'enfance pour l'autrice dont le père, fuyant sa Yougoslavie natale, l'interrogeait régulièrement pour savoir comment elle s'y prendrait pour voler la Joconde.
Provocation ? Incitation à une imagination débridée ...ou message codé. Allez savoir !
Il reste que ce récit, à l'instar des autres titres de la collection, amène inévitablement l'auteur.trice a une introspection dans laquelle se mettent en place des effets miroirs entre les oeuvres muséales et les fantômes d'une histoire personnelle. L'effet est plus ou moins réussi ou puissant selon les cas de figure.
Figure parmi les réussites, la manière dont l'autrice tient en haleine ses lecteurs et arrive à faire résonner le récit personnel à l'universel (les origines, l'exil et son corollaire de renoncement et de construction, la transmission et la conservation..., les relations familiales, l'identité, l'art, sa puissance symbolique, économique et sa présence physique).
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Je suis sous le charme de ce livre rare et précieux, digne du Louvre des livres aimés et chéris.
Le Louvre est la première ville française où je me suis senti chez moi, disait le père adoré dans l'enfance. La fille décide de convoquer souvenirs, méditation sur l'art, retrouvailles avec le père, émigration lors d'une nuit éveillée au pied de la Vénus de Milo. L'art est finalement ce qui relie la fille au mystère paternel, cet homme muet sur son passé, prolixe sur l'art.
L'auteure construit sa rêverie et son imaginaire avec la précision de mots soigneusement choisis, de phrases truffées de ponctuation, saisies avec complicité une fois l'habitude prise d'une écriture fluide dans ses méandres inattendus.
Nous voyageons de la guerre en ex-Yougoslavie à la Jetée en spirale de Smithson au bord du Grand Lac Salé, de la vie humaine à la vie sublimée, endormie dans les musées, vivante sous le regard des visiteurs. Plusieurs créations évoquées m'ont donnée envie de les voir, de les regarder.
L'érudition de bon aloi instruit - notamment sur les vols célèbres - mais c'est l'amour indéfectible (pas inconditionnel) d'une fille pour son père charmant, charmeur et immigré, qui émerge, fantôme errant dans les salles vides d'une nuit habitée pour l'éternité. Quel merveilleux moment ai-je passé, à percer l'énigme du vol fantasmé ou réel du vol commis par le père. Quel beau regard sur l'écriture aussi, sur la créativité inhérente à chacun qui accepte de considérer la vie comme une oeuvre en devenir.


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J'ai eu la chance de rencontrer Jakuta Alikavazovic lors d'un stage d'écriture de weekend sur la forme courte. Et j'ai été enchantée car j'ai pu enfin découvrir la forme qui me convient.
C'est un roman curieux et attachant. Il y a de l'affectivité et de l'intelligence dans ces textes car pris isolément le roman peut être découpé en textes courts. Les thèmes sont l'identité, la transmission, la famille, l'art. Et cette question récurrente "Et toi, comment t'y prendrais-tu, pour voler la Joconde ? D'ailleurs, j'ai appris que ce tableau avait effectivement été volé en août 1911 !
"Comme un ciel en nous" est une commande pour la série Ma nuit au musée des éditions Stock. Toute une nuit, Jakuta déambule dans la salle des Cariatides du musée du Louvre. Le Louvre est intimement lié à sa famille, à son père. Jakuta a un rapport privilégié avec son père exilé monténégrin. Le Louvre, c'est la Joconde, c'est une atmosphère particulière. La nuit, les pierres parlent. Elles évoquent un passé lointain. Elle évoquent une humanité qui se poursuit. C'est comme un fil que l'on dévide et même si les pierres sont la mémoire du monde, il y a fracture. En effet, la mémoire des hommes est courte. Et c'est bien dommage.
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Un petit ouvrage qui fait partie de la collection "Ma nuit au musée" des éditions Stock. Jakuta Alikavazovic la passera au Musée du Louvre. Lieu où, petite fille, son père l'a emmenée un nombre incalculable de fois. "Le Louvre est la première ville française où je me suis senti chez moi, disait mon père". Le Louvre, est pour la petite fille un lieu d'incitations à observer et de questions incessantes du père, dont la plus récurrente : "Et toi, comment t'y prendrais-tu, pour voler la Joconde ?".
Cette nuit au musée du Louvre suscite chez Jakuta Alikavazovic peu de commentaires ou d'anecdotes à propos des oeuvres exposées, mais c'est l'occasion pour elle de re-visiter son père, de se remémorer et même de régler quelques comptes. Un père déraciné à la fois fascinant pour la petite fille, pesant et à fuir pour l'adolescente, et finalement perçu à sa juste valeur par la jeune femme.
"Je ferme les yeux et je le vois. Tel que je le vois, les yeux fermés, il n'y a pas d'ombre dans le coeur de mon père. Je connais sa fantaisie, oui, les libertés qu'il s'autorise, y compris avec le réel ; y compris, peut-être, avec certaines règles – mais au-delà de cela je connais sa bonté profonde, rayonnante, et je connais quelque chose de son rapport au monde. Celui d'un homme dans un musée. Celui d'un promeneur. D'un spectateur. Mon père n'est pas, au fond, un homme d'action. Mon père s'amuse. Il fait semblant. Il fait semblant d'être riche. Il fait semblant de transgresser les lois sans, au fond, transgresser grand-chose. Mon père est un homme bon. Voilà ce que je pense maintenant que, pour la deuxième fois de ma vie, à trente ans d'intervalle, je me trouve au bord d'un autre monde. Mais connaît-on jamais son père ?"
Cette question chacun peut aussi se la poser.
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