AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,32

sur 25 notes
5
14 avis
4
6 avis
3
3 avis
2
0 avis
1
0 avis
Ce livre m'a été proposé par son auteur. Comme le thème (les migrants) m'intéressait, j'ai accepté de lire ce roman auto-édité.
Les migrants, donc. De ces gens, on sait qu'une partie se retrouve dans une jungle à Calais, dans un parc Maximilien à Bruxelles, en provenance d'Afrique, avec pour tout bagage leur rêve d'Europe. Vu de chez nous, on sait que ce rêve tournera le plus souvent au cauchemar, fait de précarité et de no man's land administratif. Foin d'Eldorado sur la rive nord de la Méditerranée. Mais sait-on ce qui se passe pour eux entre le moment où ils décident de tout quitter et celui où ils embarquent enfin sur cette même Méditerranée, flottant sur une coquille de noix à quelques encablures de Gibraltar ou de Lampedusa ? A lire "La gueule de leur monde", on réalise que cette traversée, si périlleuse qu'elle soit, n'est "que" la dernière étape d'un terrifiant chemin de croix entamé des mois auparavant.
Or donc, en l'occurrence, le narrateur est un jeune diplômé burkinabé au chômage et sans perspectives d'avenir. Un beau jour, un déclic et une mauvaise idée : partir en Europe. Il est loin d'imaginer ce qui l'attend. Avec quelques économies, quelques chiffons et une doudoune pour affronter le froid du Vieux Continent, il entame un périple qui lui fait traverser le Niger, le Mali, le Maroc, l'Algérie et la Libye. Avec quelques étapes imprévues et pas exactement pittoresques : djihadistes en mal d'otages à rançonner, gardes-frontières à corrompre, marchands de "ressources humaines", forces de l'ordre chargées de casser et/ou de rafler du migrant, hostilité des populations locales envahies par ce désespoir subsaharien, emprisonnements, tortures, esclavagisme, exécutions sommaires, escrocs en tous genres, avec retours à la case-départ ou presque, les raisons de ne pas arriver vivant à bord de la coquille de noix susmentionnée sont légions. Et quand par hasard le narrateur et ses compagnons d'infortune se trouvent à peu près libres de leurs mouvements, il leur faut survivre de petits boulots pour (re)gagner une énième fois l'argent qu'on leur a volé, et pouvoir payer leurs passeurs. L'horreur et la peur sont permanentes, la déshumanisation quotidienne : le narrateur ne parle plus d'être humains mais de "faune", tant pour les migrants que pour leurs persécuteurs, d'ailleurs. Et il y a pourtant pire que d'être un migrant en Afrique : être une migrante. Mais il faut bien que l'espoir subsiste, le retour en arrière n'est pas une option, la mort non plus, tant qu'à faire.
"La gueule de leur monde" est un récit fictif mais très réaliste, bourré d'humour rageur et noir (sans mauvais jeu de mots) et parfois absurde, plein d'autodérision, à la fois désabusé et cynique. L'Europe et le monde occidental s'en prennent plein la tronche, à juste titre malheureusement, mais à tel point qu'on se demande parfois pourquoi le narrateur tient tant à y aller.
Pas grand-chose à redire sur le fond de ce roman en plein dans l'actualité, mais un gros bémol sur la forme : le style est parfois trop oral et ne semble pas toujours très cohérent avec le langage d'un narrateur ayant fait des études supérieures ("Pourtant il connaissait la Bible le père Don Quichotte et dedans y'avait écrit comment c'était au tout début le monde, quand c'était tout beau, tout propre. [...] J'arrêtais cette funeste réflexion là... trop qu'elle ressembla à une idée génocidaire") ; un auteur en délicatesse avec la ponctuation, la conjugaison ("que vous demeurasses") et la concordance des temps, pas mal de coquilles, une manie des points de suspension et de l'apostrophe entre "y" et le verbe "avoir" ("il y'avait"), tout cela m'a un peu gâché la lecture, en dépit d'une approche originale et intéressante.

Merci à l'auteur pour l'envoi de ce livre.
Lien : https://voyagesaufildespages..
Commenter  J’apprécie          501
L'auteur nous immerge dans un monde d'une rudesse innommable, mais je dirais qu' il le fait avec bienveillance. En effet, grâce à son humour et à son ton d'une décontraction qui m'a séduite, il tient la main au lecteur, l'aide à avancer dans le récit, à affronter l'insoutenable. Beaucoup de réflexion, d'analyses très pertinentes, et de références aussi. Un livre qui vaut la peine d'être lu, même si il aurait gagné à être un peu plus abouti, mais vu les tarifs qu'appliquent les "professionnels de l'auto édition," on peut aisément comprendre. Quoiqu'il en soit, ce premier roman est une réussite. J'ai passé un fort bon moment.
Commenter  J’apprécie          223
Tout d'abord, je remercie Abram Almeida qui m'a confié son roman, La Gueule de leur monde, pour lecture et avis…
Il aborde dans ce livre la question des migrants, présentant son héros, un jeune africain diplômé au chômage, comme un « Candide des temps modernes » qui, « avec trois compagnons de route aussi touchants que comiques, […] arpente les sentiers de la migration sans se soucier de ses dangers ». le point de départ de ce livre est donc une migration économique et volontaire ; le héros ne fuit pas pour sa sécurité mais pour donner un sens à sa vie. Mais son parcours va prendre une couleur universelle et exemplaire…
C'est un sujet très actuel, très polémique et très intéressant… le titre interroge : de quel monde est-il question : celui que l'on quitte, celui que l'on traverse, celui où l'on espère arriver ?

Dès les premières pages, le narrateur retranscrit avec brio les propos vindicatifs mais éclairés d'un dialogue à bâtons rompus et nous livre ainsi une vision de l'Histoire de l'Afrique, à la fois réaliste et démystifiée, puis il donne à lire son propre constat sur la situation de son pays, le Burkina Faso, dans un long monologue particulièrement virulent. le chassé-croisé des points de vue entre un vieil homme et le jeune diplômé à la recherche d'un emploi pose le décor d'une Afrique tiraillée entre ses colonisateurs passés et la nouvelle donne politique et économique de la mondialisation et de la situation internationale après le 11 septembre 2001.
Puis, l'ambiance devient celle d'un roman d'aventure dès que le voyage commence et que les péripéties s'enchainent. le récit s'apparente vite à un roman d'apprentissage, fait de rencontres, bonnes ou mauvaises, d'épreuves à surmonter et de récits enchâssés qui rendent compte de la diversité des parcours migratoires : le voyage solitaire vers l'Europe devient une expédition plurielle au fur et à mesure que d'autres personnages cabossés s'unissent au personnage principal, formant un quatuor improbable et mettant en commun les galères et les bonnes fortunes.
Abram Almeida fait référence à des évènements qui servent de jalons à son récit, notamment dans les pays arabes traversés. J'avoue avoir fait quelques recherches pour m'y retrouver, avoir ressorti mon atlas pour mieux comprendre cet improbable voyage marqués par le déni des droits humains les plus fondamentaux, par l'exploitation, la servitude, les viols et tortures, la mort…
Malgré le tragique des situations décrites, l'auteur évite le pathos délibéré, choisissant une forme d'humour et de dérision, passant sous silence certaines péripéties : « mieux vaut ne pas en parler » … ; parfois, il choisit un ton factuel : « il l'a gentiment descendu… d'une rafale de Kalachnikov », « les femmes, ici comme ailleurs, en tant de paix comme en temps de guerre, c'étaient celles qui morflaient le plus » … ; ou bien, au contraire, aucun détail ne nous est épargné, mais dans un style neutre et distancié.
Abram Almeida fait souvent le procès des réseaux sociaux considéré par le narrateur comme « une apocalypse en gestation » et d'Internet en général, qualifié de « peste moderne » : « les réseaux sociaux, c'était ce que l'homme avait inventé qui se rapprochait le plus du Verbe : lorsqu'Il décide une chose, Il dit seulement : “Sois”, et elle est ». Bientôt on aurait ceci à la place :  lorsqu'ils décident une chose, ils écrivent seulement : “Hashtag”, et elle est ».


Immédiatement, j'ai été frappée par la tonalité de l'écriture à la première personne : un mélange de familiarité, d'oralité et de langage soutenu. On sent immédiatement que le récit sera intime, rendra compte d'un point de vue individuel…
Abram Almeida a une plume fluide et imagée, riche en métaphores à la fois drôles et très parlantes : « les deux jours passèrent comme une vieille tortue unijambiste… lentement », « partie de foot » à la frontière entre le Maroc et l'Algérie quand il s'agit pour les gardes de chaque pays de refouler les migrants, « les hommes s'étaient donc partagé notre bonne vieille planète comme s'il s'agissait d'une pizza napolitaine »…
Sa manière de placer certaines références littéraires ou cinématographiques m'a fait sourire car c'est assez savoureux (Le Mordor de Tolkien, Game of Thrones, l'apostrophe à Frantz Fanon, sa manière de paraphraser Céline…).
Le récit est bien structuré, à la fois prenant et didactique, réaliste et étayé, toujours vivant et addictif.
Juste un petit bémol : j'ai relevé quelques coquilles dans la version numérique que l'auteur m'a envoyée (qui ont peut-être été corrigées depuis) et je pense que les passages en anglais devraient être traduits en notes de bas de page (même si je les ai compris sans peine) …
Le dénouement n'est pas une fin en soi car imaginer tout le voyage, du Burkina Faso jusqu'en Europe, aurait sans doute été trop long et Abram Almeida a su choisir le bon format. Je ne dirai rien de l'endroit où la fin, qui n'est est pas une, laisse le héros de ce livre : elle est assez exemplaire et parlante pour nous interroger.
Il faut reconnaître un certain mérite à ce roman, celui de mettre un visage, une personne sur l'identité collective et déshumanisée des migrants. La fiction interroge sur le parcours de tous ces anonymes qui font le choix d'entreprendre un tel voyage, voyage vers la mort « sous toutes ses formes. Les noyés, les morts de faim, les morts de soif, les mutilés, les torturés, les tués… sans aucune forme de procès, sans sommation…. Triste humanité », quand on sait que même s'ils y échappent, ils ne seront pas les bienvenus en Europe.

Personnellement, j'avoue un intérêt certain pour les romans qui placent l'Histoire au creux de la vie quotidienne des anonymes, qui revisitent des évènements importants à la lumière de destins individuels. C'est une écriture qui demande un important travail de recherche et de documentation en amont.
Et j'aime assez quand les auteurs revisitent avec modernité et originalité les stéréotypes et les genres littéraires. Je me suis intéressée à la littérature postcoloniale et à la négritude et je retrouve, sous la plume d'Abram Almeida des problématiques identitaires connues.
Vous l'aurez compris, La Gueule de leur monde m'a à la fois touchée et intéressée.
Un roman dont je vous recommande la lecture.
Commenter  J’apprécie          152
Lorsque l'auteur m'a proposé son livre en service presse, j'ai beaucoup hésité. J'ai eu peur de lire un récit culpabilisant au sujet des migrants. Aussi, quelle heureuse surprise de découvrir le ton de ce roman.


Le héros est un jeune Africain qui décide de tenter sa chance en Europe, après avoir rencontré des migrants sur le départ. Il part sans avertir sa famille préalablement. Il leur laisse simplement un mot qu'ils découvriront lorsqu'il sera déjà loin.


Ce jeune homme raconte son périple et nous fait part de ses réflexions au sujet des Chinois, des Africains, des Occidentaux, etc. Durant son voyage, il vit des horreurs, mais ne les relate jamais en tant que telles. Il s'exprime avec une candeur d'enfant, fait des remarques emplies de naïveté et cette innocence donne au récit une couleur de cynisme. Il trouve toujours des raisons pour expliquer la violence dont il est victime. Ces prétextes sont dits sous la forme d'humour, le sarcasme est sous-jacent, mais pourtant, le ton est tellement aimable que les éléments sarcastiques sont énoncés avec gentillesse. le héros semble en empathie avec le monde entier et pourtant le sens caché de son ironie bienveillante montre sa lucidité.


La suite sur mon blog.

Lien : http://www.valmyvoyoulit.com..
Commenter  J’apprécie          121
Pour être honnête, en commençant cette lecture, j'ai eu peur. Peur du sujet abordé. Peur du style de l'auteur aussi. En effet, dans ce premier roman, Abram Almeida nous parle migration en Afrique, djihad, violence… Tout ça dans un style assez parlé puisque le narrateur est un migrant et qu'il nous raconte ce qu'il a vécu avec ses mots, ses émotions.

"Pour moi, les rappeurs, leur place était sur scène, les maîtres dans les classes, les imams dans les mosquées, les prêtres dans les églises, les syndicats dans la rue, le peuple dans le coma et les politiciens dans les affaires. C'est là que je me trompais. Tout le monde fut dans la rue… sauf les politiques, trop occupés à fuir dans des hélicoptères français."

Pour le narrateur, quand il quitte son village d'Afrique, il ne se doute pas que la route vers l'Europe sera pire qu'un parcours du combattant. Qu'il risquera la mort à chaque instant. Pour atteindre son but, le chemin sera long et surtout très dangereux. Il verra ses compagnons de voyage mourir. Il tombera entre les mains de djihadistes. Il connaîtra la guerre, la violence, la misère, la faim, le doute, l'angoisse, la peur. Sur sa route, les passeurs seront nombreux. Il devra faire des choix. Et accorder sa confiance tout en restant méfiant.

"Nous comprimes très vite que nous n'aurions aucune difficulté à trouver un passeur, mais nous ne savions pas trop combien coûterait la traversée si nous devions la payer. Des acteurs du suicide en mer il y'en avait partout ici, y'avait qu'à demander."

Mais jamais il ne renoncera, quitte à reculer pour mieux avancer ensuite. Entre emprisonnements, longues traversées d'espaces désertiques, de frontières, le narrateur nous raconte tout. Accrochez-vous !

"On partage beaucoup lorsqu'on voyage. On partage tellement qu'à la fin on n'a plus grand-chose de soi-même qui reste. Tellement qu'on a bu de la peine des autres et qu'on en a vomi la sienne. Elle vient peut-être de là, l'identité collective."

Si au début, j'ai été déstabilisée par le style de l'auteur, j'ai ensuite vu l'intérêt de présenter ce récit de cette manière. Derrière son côté candide et naïf, le héros nous montre qu'il est capable d'analyser les situations, mais surtout que les obstacles rencontrés ne lui laissent pas souvent le choix… Plus que tout j'ai apprécié l'auto-dérision du narrateur qui n'hésite pas à se moquer de lui-même.

La gueule de leur monde est un roman assez court, mais il s'en passe des choses en 260 pages ! A l'instar du héros, on n'a pas le temps de se reposer tant le rythme est effréné. Tellement de violence, mais aussi tellement d'espoir. L'espoir qui est au bout du long chemin. L'espoir d'une vie meilleure loin, très loin. L'espoir qui motive à prendre tous les risques, quitte à y laisser sa dignité, ou même sa vie.

"À y réfléchir, certains s'en étaient peut-être sortis dans ce désert. C'est bien ça le voyage, ça vous rend optimistes même sur des choses qui ne le méritent pas."

La gueule de leur monde est un premier roman très poignant, sur un sujet très actuel qu'est l'émigration. Abram Almeida emmène son lecteur dans une immersion totale dans la route des migrants africains vers l'Europe. Dans un contexte de guerre et de violence, il fait ressortir, avec humour, l'optimisme et l'espoir.

Merci Abram Almeida pour l'envoi de votre livre et pour votre confiance.
Lien : https://ellemlireblog.wordpr..
Commenter  J’apprécie          90
Je remercie énormément Abram Almeida pour l'envoi de son roman La gueule de leur monde via le site Simplement Pro.
Un jeune diplômé africain se décide contre tout bon sens à rejoindre la horde de migrants qui tente de traverser la méditerranée pour atteindre l'Europe. Il est pourtant bien loin de s'imaginer ce qui l'attend au cours de son périple où rien, mais alors vraiment rien ne se passe comme prévu.
Notre héros lui ne voit pourtant aucune incohérence à toutes les invraisemblances de ce monde, c'est un Candide des temps modernes. Avec trois compagnons de route aussi touchants que comiques, il arpente les sentiers de la migration sans se soucier de ses dangers. Ces drôles de lurons arriveront-ils au terme de leur voyage ? Celui-ci en vaudra-t-il la peine ? Quoi qu'il en soit, l'Europe n'a qu'à bien se tenir... Ils arrivent !
La gueule de leur monde est un excellent roman, qui se lit d'une traite et qui est très très bien documenté. Je l'ai trouvé criant de vérité.
Appréciant le personnage de Candide j'étais curieuse de découvrir le Candide des temps modernes de Abram Almeida et je n'ai pas du tout été déçue. Notre héros, jeune diplômé, est très intéressant et j'ai apprécié sa façon de voir les choses.S psychologie est assez fouillée. Et j'ai aimé les personnages l'entourant.
Je connais mal l'Afrique et on a ici une bonne aperçu de ce pays, sans complaisance. C'est une fiction mais on a presque l'impression de lire un documentaire.
L'écriture est très plaisante, on ne s'ennuie pas une minute. Il y a beaucoup de rythme, et je n'avais qu'une envie : connaître la fin de leurs aventures :)
Je n'ai vraiment pas été déçue par La gueule de leur monde, c'est une très bonne surprise qui mérite bien cinq étoiles.
A découvrir :)
Commenter  J’apprécie          60
... Ce récit est court, il dépeint brièvement la vie de notre protagoniste puis tout son voyage qui ne se passe jamais comme prévu. Car s'il y a bien une chose que nous oublions une fois que les migrants arrivent en Europe, c'est ce par quoi ils sont passés, non pas juste leur traversée en mer où des bateaux les secourent, mais la traversée de nombreux pays en guerre où règne la misère qui leur laisse des stigmates profonds. Une réflexion interne sur nos principes s'invite à chaque page, qui ne se remettrait pas en question en lisant ligne après ligne ce témoignage certes fictif mais qui fait écho à tant d'autres passés sous silence par le seul fait qu'ils dérangent… Si je peux faire un seul reproche à cet ouvrage ce serait la longueur des réflexions du protagoniste qui se lance dans des monologues intérieurs parfois fastidieux à suivre malgré leur véracité. Je ne peux cependant que vous inviter à lire cette histoire, qui n'a rien d'un roman divertissant mais qu'il est important de découvrir car lourd de sens. Et si tu arrêtais de regarder les infos à la télé et que tu prenais ton courage à deux mains pour venir en aide à ceux qui en ont le plus besoin ?
Lien : https://booksetboom.blogspot..
Commenter  J’apprécie          41
D'abord attirée par la couverture, j'ai ensuite été happée par la qualité d'écriture du récit. On oscille entre un style oral et écrit, pourtant la narration n'en est que plus fluide. L'auteur nous emmène en Afrique, depuis Ouagadougou jusqu'au Maghreb, en passant par l'Algérie, le Maroc et la Lybie.

Le personnage décide de quitter son pays qui lui semble sans avenir afin de tenter sa chance en Europe. Il s'invente une nouvelle identité qui lui sera bien utile et se lance dans l'aventure de sa vie. Nous le suivons dans ces péripéties. Les chapitres suivent sa progression. le texte est rythmé par les désillusions et la déchéance du personnage qui, en devenant migrant, devient un sous-homme.

Avec un oeil critique et une langue acérée, il nous dépeint le monde, son monde et ses habitants de manière pessimiste. Pour lui il n'y a plus d'humanité en Afrique voir dans le monde, seulement « la faune ». J'ai été tour à tour sceptique, méfiante, horrifiée par ce que je lisais. le genre de ce roman est entre l'essai et le roman par certains constats qui sont donnés. Toujours avec un humour désarmant et foule de références littéraires et cinématographique, l'auteur nous fait entrer dans le calvaire des migrants.

Manipulation, violence, mensonge, torture, meurtre, viol, vol, tout semble permis pour les bourreaux envers ces migrants qu'ils ne considèrent pas comme des êtres humains. Pourtant ceux-ci réussissent à tisser des liens et à devenir une vraie famille. La plupart sont à la recherche d'aménités, ont des bagages intellectuels mais vont ailleurs chercher ce qu'ils ne trouvent pas dans leur pays.

C'est un roman qui bouscule, qui heurte bien que fictif, une part de réalisme transparaît dans ces lignes et fait évoluer notre regard à la fin de notre lecture.
Lien : https://leschroniquesdecendr..
Commenter  J’apprécie          42
Comment vous décrire cette lecture? Et bien, elle va vous heurter, vous confronter à une réalité connue de tous, mais que nous préférons ignorer en la glissant sous le tapis. Elle va vous promener entre Burkina Faso, Niger, Mali ou encore Maroc, sans vous épargner les comportements inhumains, menaces, tortures que vont subir notre protagoniste principal. Son désespoir va vous briser le coeur et son espoir va vous faire encore plus mal. Son humour acide va vous donner une pointe de réconfort pendant ce voyage dans ce que l'humanité propose de pire. Vous êtes toujours là? Tant mieux car j'ai pas mal de choses à vous dire sur ce roman.

Nous suivons donc un jeune burkinabé diplômé à la recherche d'un emploi. Son quotidien fade et déprimant va être totalement bouleversé le jour où il croise deux migrants: ces hommes sont très cultivés et bien plus diplômés que lui. L'un des deux est même professeur d'université. Ils quittent cependant leurs pays qui n'a plus rien à leur proposer. Notre héros va prendre alors une décision: si ces gens bien plus doués que lui ne trouve rien pour eux en Afrique, comment le pourrait-il? Il partira donc vers l'Europe. Après une longue préparation, le départ arrive et les étapes de sa migration vont aller de Charybde en Scylla. Il rencontrera heureusement des compagnons d'infortune sur son chemin qui rendront son périple plus supportable.

Le ton est très particulier: j'ai vraiment apprécié le style, mais il est par moment très oral, cela peut déplaire. J'ai cependant trouvé que cela ajoutait à l'immersion dans la tête du héros. Son ton très candide pointe les aberrations et les injustices de notre monde. Cela donne une réflexion acide sur l'état de l'Afrique, mais aussi du fameux « Occident » et de la Chine. le décalage entre les évènements tragiques que vivent nos comparses et le ton amplifie encore le choc provoqué par cette lecture.

Cette fiction est profondément ancrée dans notre réalité à travers les références à la pop-culture ou les évènements internationaux récents. Il met en lumière tout un pan de notre monde que l'on veut oublier: le voyage périlleux et terriblement coûteux, que ce soit en argent ou en santé mentale, qu'entreprennent des centaines, des milliers de migrants vers un eldorado illusoire, où personne ne veut vraiment d'eux, autant en chemin qu'à l'arrivée. La déshumanisation totale que subissent ces personnes est ignoble: ils valent encore moins que des animaux ou des marchandises, car on évite d'abîmer des biens.J'ai trouvé que l'auteur réussi bien à nous faire vivre cette perte d'identité des protagonistes. Ils ne sont plus rien et sont totalement soumis au bon vouloir de leurs passeurs, des policiers ou des locaux, parfois très hostiles.

Certaines scènes vous prennent aux tripes et sont presque insoutenables en elle-même. Elle deviennent encore pires à supporter car elles ont vraiment lieu et sont d'un réalisme brutal. le récit souligne le vécu encore plus ignoble des femmes migrantes qui sont toutes « utilisées » au long de leur voyage, même si quelques hommes connaissent également ce sort. Les enfants connaissent également un sort peu enviable…

La fin est douce-amère, après ce voyage terriblement éprouvant car on connaît l'accueil réservé aux migrants en Europe et les désillusions auxquelles ils risquent de faire face.

Ce livre m'a remué profondément en abordant ce sujet difficile d'une manière à la fois réaliste et avec un ton décalé, naïf et acide. C'est un thème extrêmement important à traiter et je trouve qu'il est fondamental aujourd'hui. le récit porte une forte charge contre notre société dans ses incohérences, injustices et pires horreurs. Cette lecture ne vous prendra pas dans le sens du poil, mais je l'ai trouvé bien écrite, intéressante et totalement nécessaire.
Lien : https://lirelafolie.wordpres..
Commenter  J’apprécie          31
"La gueule de leur monde", c'est un roman sur l'absurdité et la cruauté de celui-ci. Un roman qui a su englober à lui seul toute la misère du monde. Misère dans tous les sens du terme.

Au début du roman, je souriais en voyant quelques termes que l'on retrouve également par chez moi. L'Afrique, ce n'est pas si loin après tout.

Mais très vite l'histoire prend en gravité. Ce qui se présentait comme une grande aventure plus ou moins préparée se transforme en un véritable combat pour la survie. Car comme le dit si bien le résumé, rien ne se passe comme prévu, et ce qui s'y passe, on ne s'y attend pas. Tout comme ne s'y attendait pas Laser boy, surnom du héros et seule trace d'une identité propre au personnage.

"La gueule de leur monde", dénonce la situation des migrants et conte ce qu'ils doivent endurer pour essayer d'atteindre ce lieu où ils espèrent une meilleure vie.

Après avoir lu ce roman on se dit qu'on n'aurait pas supporté le tiers de ce qu'ils doivent subir. Être migrant ce n'est pas une lubie pour embêter les autres, et ce roman est là pour nous le rappeler, nous en faire prendre conscience, nous faire réfléchir.

C'est un roman très documenté qui explique en détails le combat que doivent mener ces personnes pour pouvoir atteindre l'Europe – s'ils l'atteignent un jour. C'est un voyage suicide et pourtant ils l'entament quand même. Personne n'est épargné, ni homme, ni femme, ni enfants. Mais qu'importe ce qu'il se passe, prime la nécessité de continuer à avancer malgré tout, parce que si vous vous arrêtez, vous êtes mort, si vous hésitez, vous êtes morts.

Ce livre est dur et poignant. Criant de vérité sur la cruauté. Mais dans tout ça, la plume de l'auteur mêle fluidité et justesse, et permet de trouver la lecture de son oeuvre agréable alors même que les faits qui s'y passent sont horribles et décrites de façon crue. Il ne tourne pas autour du pot et nous raconte cette histoire de façon brut et détachée à la fois. le caractère du personnage, qui semble avoir un regard assez particulier sur tout ce qui lui arrive, permet étrangement de ménager le lecteur malgré tout, pour qu'il puisse arriver jusqu'à la fin de ce voyage qu'il aurait, autrement, peut-être trouvé insoutenable à poursuivre.

Au-delà de la situation des migrants, l'auteur dépeint un monde qui « ne tourne pas rond », qui va mal. Un monde où l'on s'invente une vie car la réalité est loin d'être belle.

Dans un monde régit par les réseaux sociaux tout est dans le faux semblant, l'artifice.

C'est le tableau du monde d'aujourd'hui, de moins en moins humains, mais où cependant, quelques personnes sortent du lot, laissant une lueur d'espoir.
Lien : https://alil-butterfly.blogs..
Commenter  J’apprécie          31



Lecteurs (32) Voir plus




{* *}