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Critique de thedoc


Le Prix Goncourt des lycéens nous réserve toujours de belles surprises. Et une fois encore, nos jeunes lecteurs ne se sont pas trompés sur la qualité de l'oeuvre qu'ils ont choisie.
« Les impatientes » nous conte l'histoire terrible de trois femmes, Ramla, Hindou et Safira, épouses peules et musulmanes au Cameroun, dont les destins s'entremêlent.
La première, Ramla, 17 ans et instruite, rêve de devenir pharmacienne et d'être une femme autonome. Arrivée en âge de se marier, elle pense qu'elle peut réaliser son rêve en épousant Aminou, jeune étudiant. Malheureusement, sa famille en a décidé autrement et préfère la donner en mariage à un homme riche et influent. Cet homme, c'est le mari de Safira, 35 ans, qui voit d'un très mauvais oeil arriver cette nouvelle épouse qui vient lui voler son mari. Hindou, 15 ans, est la soeur de Ramla. Elle doit épouser Moubarak, son cousin, qui ne tarde pas à la violer et à la battre.
Mais « munyal », femmes, « munyal »…

« Munyal », qui signifie endurance en langue peule, est la litanie que l'on répète aux femmes peules et musulmanes tout au long de leur vie d'épouse. Tolérance, persévérance mais aussi résignation, étouffement, absence de liberté et de prise d'initiative… Larmes pour finir. Djaïli Amadou Amal, conteuse connue en Afrique, est une auteure peule et musulmane née dans l'extrême nord du Cameroun. Elle s'inspire dans « Les impatientes » (dont le premier titre était justement « Munyal, les larmes de la patience ») de son propre vécu pour dénoncer la situation des femmes dans son pays.
En faisant de Ramla, Hindou et Safira les narratrices successives d'histoires qui se répondent et s'avèrent, en fait, sensiblement les mêmes , elle dévoile la détresse de ces femmes totalement inféodées à leur père, oncle, mari… Au mieux, elles sont emprisonnées et désoeuvrées dans des cages dorées ; au pire, elles subissent une violence physique et psychologique terribles, sans espoir de soutien, le système patriarcal et des coutumes totalement dépassées offrant une protection totale aux époux.
Le lecteur est immergé dans un microcosme étouffant et angoissant, chaque journée se ressemble et le temps est rythmé selon des coutumes établies au service du mari. Aucune alternative n'est possible pour ces épouses, pas même la fuite. La relation qui les lie à leurs mères, elles-mêmes victimes avant leurs filles de ce système, fait que toute rébellion entraînerait des effets corollaires qui s'enclencheraient derechef sur la mère concernée.
« Les impatientes », au style fluide et rythmé, est un roman dur, avec des scènes évoquant une violence parfois difficilement supportable. Mais c'est un roman nécessaire, urgent, qui vise à mettre à bas des pratiques qui ne devraient plus exister depuis longtemps.

Heureuse que ce roman ait été désigné par les lycéens pour le Prix Goncourt 2020. Et heureuse de découvrir une auteure comme Djaïli Amadou Amal.
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