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Critique de Patsales


Trois femmes impuissantes ? le roman donne successivement la parole à trois narratrices qui s'entendent prôner « munyal », soit la patience, ou plus exactement la soumission. Mais les impatientes ne sont pas seulement trois: toutes les femmes du livre méritent ce qualificatif car aucune n'accepte le sort qui lui est dévolu, même si la plupart semblent y consentir.
Car ces récits mettent en évidence un système et non simplement des destins individuels. le mariage et la maternité sont le seul horizon possible pour des femmes qui en souffrent d'autant plus qu'elles appartiennent à la bourgeoisie et sont conscientes que d'autres modèles existent. La polygamie est alors d'autant plus valorisée qu'elle représenterait une tradition immémoriale à défendre face à l'expansion occidentale.
Or, cette tradition est montrée pour ce qu'elle est devenue : un dévoiement que plus rien ne justifie. La nouvelle épouse ne vient résoudre aucun problème de stérilité, elle ne consacre aucune alliance, les enfants qui naissent ne sont pas utiles aux travaux des champs: seule la toute-puissance du mari régnant en maître dans son foyer, sexuellement comblé et envié de tous ses voisins paraît motiver la pratique. Mais le roman met à mal l'outrecuidance masculine. le despote lui-même n'est pas heureux qui subit les tensions entre co-épouses, a trop d'enfants pour pouvoir les aimer et règne finalement sur un royaume autrement plus pourri que celui du Danemark. Les fils boivent pour oublier qu'ils sont infantilisés, frappent leurs femmes qui seules ont moins de droits qu'eux-mêmes, les épouses complotent ou deviennent folles, les familles se rétrécissent au point qu'on n'épouse plus que ses cousines.
Le style oralisé et souvent plat de Djaïli Amadou Amal, loin de desservir son texte, renforce sa cruauté en banalisant les souffrances de ces femmes violentées, humiliées, niées, à qui on refuse la parole et dont on loue l'hypocrisie.
« Aidez votre époux. […]
« Qu'il ne s'affame jamais à cause de votre paresse, de votre mauvaise humeur ou encore à cause de votre mauvaise cuisine.
« Épargnez sa vue, son ouïe, son odorat.
« Que jamais ses yeux ne soient confrontés à ce qui est sale dans votre nourriture ou dans votre maison.
« Que jamais ses oreilles n'entendent d'obscénités ou d'insultes provenant de votre bouche.
« Que jamais son nez ne sente ce qui pue dans votre corps ou dans votre maison, qu'il ne hume que parfum et encens.  »
Et l'époux n'est plus qu'un vieux dieu racorni nourri d'offrandes (et de viagra), ignorant tout du monde sur lequel il croit régner.
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