AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de 974JerLab34


« Vivre Vite » Goncourt 2022 a suscité un débat autour du thème : peut-on primer un livre qui n'est pas à proprement parler un roman ? Découvrant « Les Impatientes » avec retard, je suis surpris que ce Goncourt (des lycéens et des lycéennes !) ait échappé à la question. En effet, il est difficile à la lecture de la biographie de son auteure et de la phrase introductive « Cet ouvrage est une fiction inspirée de faits réels », de ne pas penser que la part de « faits réels » est plus importante que la part fiction. le récit au style quasi journalistique et l'enchaînement de trois destinées certes parallèles mais relatées sans articulations renforcent cette impression d'un romanesque sacrifié sur l'autel du témoignage.
Pourtant, « Les Impatientes » est un livre indispensable et peu importe ce que peuvent penser les gardiens du Temple Littérature. Avant de se poser la question de savoir dans quel rayon ranger un livre, il est plus important de s'interroger sur ce qu'il suscite…
Le style épuré est sans doute une volonté de l'auteure de ne pas s'écarter de son projet principal : militer pour la liberté des femmes. L'émancipation des femmes est un droit fondamental de la charte des Nations-Unies, auquel la quasi-totalité des pays ont adhéré dont le Cameroun puisque l'action se déroule dans ce pays. Martelons donc sans hésiter la portée universaliste de l'histoire de Ramla, Hindou et Safira.
Le style épuré, encore lui, rend le livre agréable à lire même si le terme agréable est incongru, les trois récits étant tragiques. Autant lever toute ambiguité si vous vous décidez de lire ce livre…
Mais, l'intérêt principal de cet ouvrage, militant je le répète, est de demeurer néanmoins nuancé. Djaïli Amadou Amal dresse un tableau sans concession de la prédation masculine tout en montrant que certaines femmes se rendent complices. Là encore, la condamnation est tempérée. En effet, ce que décrit l'auteure, bien plus qu'une remise en cause du Coran dont il est dit qu'il est mal interprété, c'est davantage le poids des traditions, les mécanismes conservateurs des élites qui s'appuient sur le texte sacré pour maintenir une autorité morale et politique. Sans la tradition, la chienlit ! En d'autres lieux, en d'autres temps, au moyen d'autres outils de coercition et même si l'on pourra ergoter sur les degrés de l'oppression, la société peule n'a pas le privilège du conservatisme. Enfin, « Les Impatientes » révèlent paradoxalement l'attachement de l'auteur aux siens, à leur façon prisonniers eux aussi de leurs chaînes… C'est une main tendue que ce livre, il est nécessaire de s'en saisir… L'écriture libérée, ainsi que la parole, sont le seul moyen d'engager une prise de conscience sur la nécessité de permettre à toutes les femmes d'être enfin libres.
A l'heure où tant de nos concitoyens sont tentés de répondre à l'obscurantisme par d'autres formes d'intolérance, ce livre propose une réflexion humaniste. Il est rassurant que lycéens et lycéennes aient pu contribuer à la publicité de ces Impatientes. Qu'ils en soient remerciés !
Commenter  J’apprécie          263



Ont apprécié cette critique (25)voir plus




{* *}