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Critique de Bougnadour


Signe des temps, les romans ayant Auschwitz comme décor fleurissent dans les librairies, il semble qu'il ne soit plus obscène de faire de la fiction avec la Shoa. Quand un auteur prend un tel risque, on est en droit d'exiger une oeuvre subtile et exigeante, dans le cas présent Martin Amis s'en sort avec les honneurs et les félicitations du jury.

Les premiers chapitres font craindre le pire, s'il est clair que l'on est dans un camp de la mort nazi et du côté des bourreaux, l'ambiance est plutôt au vaudeville avec un personnage principal, nazi hautain, qui ne s'intéresse qu'au sexe et aux proies féminines qui ne manquent pas entre les détenues, les gardiennes et les femmes de soldats.
Tout se complique quand il commence à tourner autour de la femme du commandant du camp. Drôle de couple que M. et Mme Doll : lui parfait nazi faible mais cruel, peureux mais manipulateur, elle soumise et superficielle au premier abord mais qui se révèle surprenante.
Le talent de Amis va consister à donner de plus en plus d'épaisseur à ses personnages principaux et à en introduire des supplémentaires qui vont densifier le récit, comme Szmul, le chef du Sonderkommando, l'homme qui côtoie la mort à chaque minute celle, bien réelle, des déportés et la sienne imminente au bon vouloir des nazis.
Le passé des personnages va interférer avec le présent et une lutte à mort va s'installer là où on l'attend mais aussi là où on ne l'attend pas, sous fond de désagrégation du système nazi et de sauve qui peut.

La Zone d'intérêt offre plusieurs niveaux de lecture. Au premier degré un vrai roman à suspens, une étude psychologique sur les nazis des camps sur leur haine ordinaire et leur indifférence à la mort des autres, pire peut-être l'indifférence sans la haine. On peut juste regretter que Doll soit caricatural, un nazi tout aussi détestable mais plus subtile n'aurait pas affaibli la démonstration.
Sont aussi présents les problèmes techniques rencontrés pour faire cohabiter un camp d'extermination et une production de guerre par des condamnés à mort sous-alimentés (manifestement Amis s'était documenté). Et la cohabitation avec de gentilles familles nazi qu'il faut protéger de ce spectacle dégradant.
Le contexte d'un camp de la mort pousse évidement caractères et situations aux extrêmes, les comportements les plus courageux et les plus abjectes peuvent se retrouver dans la même personne mais la vérité profonde d'un individu ressort.

Au final c'est un brillant exercice que réussit Martin Amis sur un sujet bien casse-gueule qui ne demandait ni pathos, ni facilité pour être digne. Il n'y a pas de honte à lire un tel roman qui en plus d'être captivant permet de toucher des réalités que seule la fiction permet de comprendre. Avec des personnages complexes qui s'avèrent, comme de juste, constitués de bien et de mal.

On ne peut que recommander aussi de lire les remerciements qui au-delà de la reconnaissance de l'auteur envers divers proches ou historiens, lui permettent de se poser des questions fondamentales sur le nazisme et où les réponses qu'il apporte sont passionnantes.
Deux autres raisons de lire La Zone d'Intérêt ; Martin Amis vient de décéder et un film tiré du roman sera bientôt sur les écrans.
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