Le traducteur Bernard Turle présente "Inside story", le nouveau roman du rand auteur britannique Martin Amis, et répond aux questions de Stanislas Rigot, libraire à la Librairie Lamartine à Paris.
Une présentation organisée avec Page des Libraires.
Réalisation Anna Pitou
Un roman commence comme un rêve et s'achève comme un combat de boxe. Au départ un frisson : quelque chose vient, que je ne connais pas ; allons voir. A l'arrivée, un soupir exténué : ce n'était que ça.
-Le Point n°2124-
Lorsque l'avenir se penchera sur les Nationaux-Socialistes, il les trouvera aussi exotiques et improbables que les carnivores de la Préhistoire (ont-ils vraiment pu exister, le vélociraptor, le tyrannosaure?). Ni humains ni mammifères.

"Oh, nous remporterons la victoire, Kommandant, déclara-t-il à l'heure du déjeuner, au Mess des officiers. Le soldat allemand n'a que mépris pour les conditions objectives.
- Certes, mais quelles sont-elles ?
- Eh bien, l'ennemi nous surpasse en nombre. Sur le papier. Ach, mais 1 soldat allemand vaut 5 soldats russes. Nous avons le fanatisme et la volonté. Ils ne nous arrivent pas à la cheville en matière d'implacable brutalité.
- En êtes-vous sûr, Prufer ? Une résistance obstinée...
- Ce n'est pas comme en France ou aux Pays-Bas, Sturmbannfuhrer. Des nations civilisées. Le cran et la décence de s'incliner devant une puissance supérieure. Les Russes sont des Tartares et des Mongols. Ils se battent jusqu'à la mort." Prufer se gratta le cuir chevelu. "Ils sortent des égouts la nuit, un couteau entre les dents.
- Des asiatiques. Des bêtes. Alors que nous sommes encore bridés par notre mentalité chrétienne. Qu'est-ce que ça signifie pour la IVe armée, Hauptsturmfuhrer, et pour l'Opération Blue ?
- Avec notre zèle ? La victoire sans l'ombre d'un doute. Elle mettra un peu plus de temps à venir, voilà tout.
- J'entends dire que nous manquons de ravitaillement. La pénurie...
- C'est vrai. Il n'y a presque plus de carburant. Ou de nourriture. Ils mangent les chevaux.
- Et les chats, m'a-t-on rapporté.
- Non, ils ont terminés les chats. Cette situation est temporaire. Tout ce qu'ils ont à faire, c'est reprendre la base aérienne de Gumrak. D'ailleurs les privations ne posent aucun problème aux hommes de la Wehrmacht.
- On raconte aussi que la maladie sévit. Et ils n'ont pas beaucoup de médicaments, j'imagine.
- Il fait -30° mais ils ont des tas de vêtements chauds. Dommage qu'il y ait les poux. Et ils doivent être vigilants. Il y a peu, Irmfried s'est réveillé en pleine nuit : une énorme souris avait rongé ses chaussettes et s'attaquait à ses orteils. Il ne s'en était pas aperçu à cause des engelures. Oh, et les munitions. Ils manquent de munitions.
- Aïe, bon Dieu, comment allons-nous vaincre sans munitions ?
- Pour un soldat allemand, ces difficultés sont immatérielles.
- Ne risquent-ils pas d'être encerclés ?
- Les lignes allemande sont imprenables." Après une pause gênée, prufer déclara : "Cela dit, à la place de Joukov, je foncerais sur les Roumains.
- Ach, Joukov est un moujik. Il est bien trop stupide pour y penser. Il n'arrive pas à la cheville d'un stratège allemand. Dites-moi, comment se porte Paulus ?
- Sa dysenterie ? Il est encore alité, Sturmbannfuhrer. Mais écoutez-moi monsieur. Même s'il était techniquement possible de nous encercler, Joukov est incapable d'arrêter Manstein. Le Generalfeldmarschall Manstein percera ses lignes sans mal. Et ses 6 divisions renverseront la vapeur.
- Comme vous l'avez dit vous-même, euh, Wolfram, la défaite est une impossibilité biologique. Comment pourrions-nous être défaits par ce ramassis de Juifs et de péquenauds ? A d'autres !"
(P240)
Un convoi de 1000 ? Voyons, ils n'étaient pas plus de 100 ! Quant à la Selektion : seule une poignée d'entre eux avait plus de 10 ans et moins de 60 ; et même les jeunes adultes étaient déjà, façon de parler, sélectionnés. Tenez, par exemple. Cet homme a la trentaine et un torse de taureau, certes, mais il a aussi un pied bot. Et cette demoiselle, plutôt musclée, est en parfaite santé, assurément, mais elle est enceinte. Tous les autres : minerves et cannes blanches.

Mais je vais à Hollywood mais je vais à l'hôpital, mais tu viens en premier mais tu viens en dernier, mais il est grand mais elle est petite, mais vous restez dressés mais vous vous abaissez, mais nous sommes riches mais nous sommes pauvres, mais ils trouvent la paix mais ils trouvent...
Xan Meo alla à Hollywood. Et, quelques minutes plus tard, avec une vitesse urgente, et accompagné de hurlements choriques de souffrance électrifiée, Xan Meo alla à l'hôpital. La faute à la violence masculine.
«Moi je m'en vais, je sors, dit-il à son épouse américaine, Russia.
- Ooh, dit-elle en le prononçant comme le où français.
- Pas longtemps. Je les baignerai. Et je leur lirai aussi quelque chose. Et puis je préparerai le dîner. Et puis je remplirai le lave-vaisselle. Et puis je te ferai un bon massage du dos. D'accord ?
- Et moi, je peux venir ? demanda Russia.
- Je préférerais rester seul.
- Tu veux dire que tu préférerais être seul avec ta copine.»
Xan savait que ce n'était pas là une accusation sérieuse. Mais il se composa un air brimé (un tassement du front) avant de dire, pas pour la première fois, et sincèrement, pour autant qu'il le sache : «Je n'ai pas de secrets pour toi, ma petite.
Parfois quand je songe au danger de New York, je regarde la ville qui s'étale sous mes yeux : on la dirait mi-construite, mi-détruite, la moitié (peut-être la base) de quelque chose de plus grand déchiré en deux, effiloché, vibrant, humide de pluie ou de liquide à souder. Et je me dis alors : vous voulez me faire croire que ça, c'est censé être une communauté ?
Il était une fois un roi qui demanda à son magicien préféré de confectionner un miroir magique. Dans ce miroir, on ne voyait pas son reflet. On y voyait son âme : il montrait qui l’on était vraiment.
Le magicien ne pouvait pas le regarder sans détourner les yeux. Le roi ne pouvait pas le regarder. Les courtisans ne pouvaient pas le regarder. On promit une récompense, une malle pleine de joyaux, à tout citoyen de cette paisible contrée qui pourrait le regarder pendant soixante secondes sans détourner les yeux. Pas un seul n’y parvint.
Pour moi, le KZ* est ce miroir. Le KZ* est ce miroir, avec une différence : ici, on ne peut pas détourner les yeux.
(KZ = Konzentrationslager, camp de concentration)
Pardon, [...] mais impossible n'est pas SS. Ce mot ne figure pas dans notre lexique.
Elle apprit vite que les titres étaient souvent trompeurs. Certains livres étaient morts, ils étaient vides, il n’y avait vraiment rien dedans. Mais d’autres étaient vivants : ils s’emparaient de vous, semblaient contenir toutes choses, comme des oracles, des alephs. Et quand elle se commandait de se réveiller tôt, ils étaient encore ouverts sur la table, bien conscients de leur pouvoir, et ils attendaient tranquillement.
L'intelligence est foncièrement démocratique.