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Critique de sultanne


Je ne résiste pas à la tentation de publier une nouvelle chronique concernant les Contes d'Andersen, et, plus particulièrement, au sujet de ce conte que vous connaissez tous et que j'affectionne tout particulièrement : La Bergère et le Ramoneur.

Je ne vous cache pas que penser à ce conte m'emplit de nostalgie.

Il y a d'abord ces images, plus ou moins floues, de l'adaptation animée de Paul Grimmault qui m'arrachent une émotion débordante : hymne à la liberté, cette adaptation évoque, en outre, le totalitarisme, la propagande et semble se défier de la technologie.

Et puis, très vite, une voix se fait entendre dans mon fort intérieur, une voix grave, masculine, virile, même, profonde... celle de Pierre Bellemarre qui narre avec brio l'histoire de ces deux jeunes amants.

Et puis il y a enfin, les mots, bucoliques et profonds, drôles et impertinents, les mots d'Andersen, saisissants de vérité.

Humaniste, évolutionniste, peut-être, ce conte semble remettre en questions les acquis sociaux du XIXème siècle, Andersen faisant figure de critique parfois satirique de son temps.

Un message concernant l'égalité des races ouvre le récit pour préciser la beauté du jeune ramoneur, appuyant sur le fait que ce ramoneur "aurait pu aussi bien être noir que blanc".
Un peu plus loin, Andersen prône le mariage d'amour et semble critiquer les moeurs de son temps (le mariage forcé ou arrangé) et, à travers le personnage du vieux chinois, figure paternelle emblématique, regretter la domination de l'homme sur la femme. La Bergère semble plaider en faveur de l'émancipation féminine : c'est elle qui mène la barque à travers l'aventure initiatique qu'elle va vivre aux côtés du Ramoneur puisqu'elle en est l'instigatrice.

Le couple, mis en abîme à travers la petite pièce de théâtre jouée devant les amoureux fugitifs, est dessiné comme une alliance, au sens noble du terme, de deux éléments, tout à fait égaux entre eux, et qui s'entraîdent l'un l'autre au quotidien.

La montée de la cheminée est une superbe métaphore de l'acte d'amour, à la recherche de la "plus belle étoile dans le ciel" (image de l'orgasme ?), dans lequel le garçon a le rôle d'expert et où l'on reconnaît le moment d'extase qui le suit. Cette scène offre un regard neuf sur le fonctionnement du couple qui, pour qu'il puisse exister de façon durable, doit se débarrasser de la pression paternelle, d'où la castration symbolique du vieux père chinois.

Et pour ceux qui semblent persuadés que le meilleur est ailleurs, Andersen a réponse à tout : après s'être aventurés au-delà des limites et avoir atteint le "nirvana", les deux jeunes gens prennent conscience qu'il faut rentrer et se poser, que le bonheur, pour se fixer, doit se faire dans un nid... d'où le retour à pas de loup des deux amants dans leur première demeure, là où, à leur tour, ils vont pouvoir s'installer.

Superbe conte, d'une richesse incomparable, qui me fait vibrer à chaque fois que je l'évoque !
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